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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 133

Le mardi 13 juin 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 13 juin 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Eddy Carvery III

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je suis reconnaissante de me trouver en territoire algonquin anishinabe et je souhaite aujourd’hui attirer votre attention sur les réalisations exceptionnelles d’un militant doté d’un grand esprit communautaire, M. Eddy Carvery, troisième du nom, qui est le petit-fils du militant Eddy Carvery, que je vous ai présenté la semaine dernière.

Marchant dans les pas de son grand-père — Eddy Carvery père —, Eddy III a la justice sociale tatouée sur le cœur et il ne recule devant rien pour favoriser l’inclusion de la population d’Africville et faire en sorte qu’elle soit traitée équitablement. Eddy est le cocréateur et le coanimateur d’un balado primé, Africville Forever, qu’il a produit au plus fort du mouvement Black Lives Matter, en 2020, et de la prise de conscience qui a suivi quant à l’ampleur du racisme anti-noir à l’échelle mondiale.

Parce qu’il a vu son grand-père militer et parce qu’il a lui-même vécu le racisme, Eddy a décidé d’essayer de nouvelles façons de faire connaître les traditions et le savoir de ses ancêtres. Africville Forever raconte l’histoire, les luttes et la résilience de la population d’Africville, dans l’espoir qu’elle continue de retenir l’attention du monde. Il évoque également l’ardent désir qu’ont tous ces gens de pouvoir retourner un jour à Africville afin que ses terres puissent être rendues à la communauté et exploitées dans l’intérêt collectif.

Eddy redonne aussi à sa communauté dans le cadre de sa vie professionnelle, en s’assurant que les Néo-Écossais d’origine africaine ont leur place dans une industrie qui occupe l’ancien emplacement d’Africville. Eddy est responsable de la mise en œuvre du projet African Nova Scotian Pathways to Port Careers. Son objectif est de mobiliser les jeunes en créant des possibilités d’emploi pour les Néo-Écossais d’origine africaine dans le secteur portuaire et des secteurs connexes.

J’admire Eddy Carvery III. J’admire sa détermination à préserver l’histoire d’Africville à l’aide de la baladodiffusion et sa contribution essentielle à la création de possibilités de développement de l’employabilité des membres de sa communauté. Il est un véritable catalyseur de changements.

Eddy Carvery III est la preuve vivante de la résilience multigénérationnelle de la famille Carvery, des Néo-Écossais d’origine africaine, des Africains et des descendants d’Africville. Pour cette raison, je soutiens Eddy dans sa quête en vue d’obtenir justice, de favoriser l’égalité et de redonner à Africville la place qui lui revient dans la société.

Merci, asante.

[Français]

Le logement abordable

L’honorable Éric Forest : Chers collègues, la crise de l’habitation est bien réelle alors que partout, il y a de graves pénuries de logements abordables. La situation est également critique dans le marché immobilier. Il est particulièrement difficile pour nos jeunes d’accéder à la propriété, alors que le coût moyen d’une hypothèque atteignait 34 % du revenu disponible des ménages dans la région de Montréal en 2022, comparativement à 20 % en 2016.

Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, 3,5 millions de logements de plus sont requis d’ici 2030 pour rétablir un équilibre dans le marché. Pour le Québec, c’est une commande de 1,13 million de logements, soit 620 000 de plus que ce qui avait été projeté.

Pour faire face à ce défi immense, il est absolument nécessaire que les trois ordres de gouvernement puissent collaborer. Il est important de rappeler que les gouvernements fédéral et provinciaux se sont grandement désengagés de la construction de logements sociaux depuis les années 1990.

On connaît le problème de l’itinérance et des logements inadéquats dans les grandes villes. C’est en soi une tragédie. Il y a aussi l’impact économique de la crise du logement sur nos régions. Par exemple, à Rimouski, des centaines d’étudiants ne pourront suivre leurs cours universitaires à la rentrée de 2023, faute de logements disponibles. Comment voulez-vous attirer des travailleurs spécialisés ou du personnel de la santé quand le taux d’inoccupation des logements est de 0,4 % et que le marché immobilier surchauffe?

Soyez assurés que les élus municipaux confrontés à cette réalité au quotidien se démènent pour trouver des solutions. Le droit au logement est un droit fondamental. Il faut que tous les secteurs concernés puissent travailler ensemble. Il faut reconnaître que les villes étant responsables de l’aménagement du territoire, elles ont un rôle central et déterminant à jouer.

Au-delà du financement, il m’apparaît primordial, par exemple, que l’on modifie la taxation municipale afin de favoriser la densification urbaine et que l’on facilite l’acquisition de terrains par les municipalités qui pourraient alors faire la promotion de projets immobiliers à des fins non spéculatives. Au lieu de menacer les municipalités et de sortir le bâton, on doit maintenant les accompagner.

En ce sens, le nouveau Fonds pour accélérer la construction de logements annoncé dans le budget de 2022 a été déployé cet été et s’avère un premier pas dans la bonne direction, notamment pour induire le changement vers la nécessaire densification de nos villes. Doté d’une enveloppe de 4 milliards de dollars, ce fonds financera le plan d’action des municipalités visant à augmenter rapidement l’offre de logements. Une municipalité qui assouplirait sa réglementation pour favoriser les logements accessoires, par exemple, pourrait recevoir des fonds, à condition que cet assouplissement se traduise effectivement par des résultats concrets.

Madame la Présidente, la crise de l’habitation que l’on connaît est sans précédent. Elle exige une réponse de la même ampleur. Sans financement supplémentaire, sans assouplissement réglementaire et sans collaboration de tous les acteurs publics et privés, on n’en viendra pas à bout.

Merci.

(1410)

[Traduction]

L’isthme de Chignecto

L’honorable Jim Quinn : Honorables sénateurs, les premiers ministres des provinces de l’Atlantique se sont réunis hier à l’Île‑du-Prince-Édouard et ont publié une déclaration sur la nécessité de créer un programme fédéral visant à atténuer l’incidence des changements climatiques et à construire des infrastructures qui favoriseront la croissance économique.

Les premiers ministres soulignent que l’isthme de Chignecto, qui relie le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, est une voie d’accès essentielle et que la hausse du niveau de la mer le met en péril. Il ne faut pas se leurrer : le niveau de la mer augmente radicalement, ce qui compromet les localités et les réseaux routiers situés le long des côtes canadiennes et, entre autres, sur l’isthme. Je ne crois pas avoir besoin de rappeler que cette région est la seule voie de transport routier et ferroviaire entre la Nouvelle-Écosse et le reste du Canada. Des dizaines de milliers de personnes et des milliards de dollars de marchandises traversent l’isthme chaque année.

Les premiers ministres des provinces de l’Atlantique rappellent que la Constitution oblige le gouvernement fédéral à maintenir un lien entre les provinces et qu’il a donc l’obligation de financer entièrement le projet d’adaptation aux changements climatiques de l’isthme de Chignecto.

Honorables sénateurs, vous vous souviendrez qu’en avril, j’ai demandé au ministre LeBlanc s’il allait appuyer la demande des premiers ministres de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick pour que le gouvernement fédéral finance ce projet intégralement. Pour faciliter l’atteinte de cet objectif, le gouvernement fédéral pourrait se prévaloir de son pouvoir déclaratoire afin de se donner la responsabilité du projet. Le fait que ces quatre premiers ministres réclament un soutien accru du gouvernement fédéral confirme que l’isthme représente un corridor commercial d’importance nationale et qu’il doit être considéré comme tel par le gouvernement fédéral. Des projets comme celui-ci, comme la construction du nouveau pont Champlain à Montréal, ont été totalement pris en charge par le gouvernement fédéral parce qu’ils étaient dans l’intérêt national. Or, il est sans aucun doute dans l’intérêt national d’assurer la sécurité des corridors qui traversent l’isthme.

Honorables sénateurs, vu la parfaite unanimité des quatre premiers ministres des provinces de l’Atlantique, je demande que nous prenions note de leurs préoccupations et que nous les écoutions. Après tout, il est de notre responsabilité constitutionnelle de défendre les intérêts régionaux. Je vous remercie.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jennifer Jones et d’une délégation de Rotary International. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Gerba.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le jour J et la bataille de Normandie

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Chers collègues, c’est avec émotion que j’évoque aujourd’hui un sujet différent de celui dont je traite habituellement, et je suis convaincu de son importance afin de respecter notre devoir de mémoire.

La semaine dernière, le 6 juin marquait une date clé dans notre histoire, une date commémorant une opération militaire audacieuse et déterminante. Le 6 juin 1944, les forces armées alliées ont lancé une offensive sur les plages de Normandie, une action qui a changé le cours de la Seconde Guerre mondiale.

À cette époque, la France était sous occupation et l’Europe entière vivait sous la menace terrifiante du régime nazi. Le monde entier retenait son souffle devant les agissements d’un seul homme.

Il y a donc 79 ans de cela, des soldats de chez nous, de jeunes hommes pour la plupart, certains à peine sortis de l’adolescence, ont risqué leur vie avec une bravoure sans égale. Ils se sont battus non seulement pour leur patrie, mais, plus encore, pour défendre les valeurs de la démocratie, les droits de l’homme et pour aider l’Europe et les Alliés à se libérer du joug nazi.

À l’aube du 6 juin 1944, ces frères d’armes au nombre de 130 000 ont débarqué sur les plages de Normandie avec pour objectif d’ouvrir un nouveau front en Europe. Ces soldats ont puisé dans leur sens du devoir le courage pour affronter la puissance de feu des nouvelles mitrailleuses allemandes. Ce devoir n’était toutefois pas sans coûts. Un grand nombre de ces soldats ne sont pas revenus des plages de Normandie. Le soir du 6 juin 1944, les Alliés déploraient 10 500 morts, dont près de 1 000 soldats canadiens, sur les plages d’Omaha et de Juno.

Ces soldats ont donné leur vie pour libérer l’Europe. Leurs sacrifices méritent notre éternel respect.

Je voudrais partager avec vous le témoignage poignant de Samuel Fuller, un soldat américain qui a participé au débarquement. Voici ce qu’il a dit :

Le jour commence à se lever, on aperçoit dans la brume une idée de la côte. On quitte le bateau pour descendre dans les péniches de débarquement qui foncent vers la plage. J’étais dans le 16e régiment, 3e bataillon, compagnie K. [...] La mer est agitée, des soldats dégueulent. Nous sommes dans la troisième vague d’assaut. Plus on se rapproche de la terre, moins on y voit quelque chose — fumée, brouillard, explosions [...]. L’enfer. Mais ce n’est que le début. [...] Partout, c’est une vision dantesque : la mer est rouge de sang, elle charrie des morceaux de cadavres disloqués. Avec mon sergent, on réussit à atteindre une bande de sable et on ne trouve aucun trou de bombe pour s’abriter. C’est là que tout a commencé doucement à foirer. L’aviation avait raté la plage et bombardé à l’intérieur des terres. On n’a rien pour se protéger, sinon les corps des soldats morts. On tente de repérer l’origine des tirs de mortier qui font tant de dégâts sur la plage. Le sergent est surpris de la puissance et de la qualité du feu ennemi, il me dit qu’on a en face de nous des soldats aguerris.

Au lieu de rester vingt-cinq minutes sur la plage comme prévu, nous avons été immobilisés trois heures sous les tirs ennemis. Ce n’est que vers 9 h 30 que nous avons réussi à ouvrir une brèche sur la plage [...] c’était le cauchemar.

Chers collègues, en mémoire de ces soldats, je tiens sincèrement à saluer leur courage et à reconnaître leurs sacrifices.

Promettons de ne jamais oublier ceux qui ont donné leur vie pour notre liberté. Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter avec la guerre qui fait rage en Ukraine, un pays qui se bat pour sa liberté tout comme les soldats du 6 juin 1944 se sont battus pour la nôtre.

Merci.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des petits-enfants du sénateur Marwah : Amrie, Rulison et Sabi Holm. Ils sont accompagnés d’autres membres de la famille.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Semaine nationale de la fonction publique

L’honorable Sabi Marwah

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, c’est la Semaine nationale de la fonction publique au Canada, et j’aimerais reconnaître les milliers de fonctionnaires municipaux, provinciaux et fédéraux qui, chaque jour, travaillent fort pour assurer notre sécurité et améliorer notre qualité de vie. Évidemment, cela inclut les travailleurs dans les domaines de la défense nationale, des forces de l’ordre, des organismes de sécurité, des soins infirmiers, de l’enseignement, de l’administration universitaire et du travail social. Le Sénat compte un certain nombre d’anciens hauts fonctionnaires — des dirigeants — notamment les sénateurs Boehm, Shugart, Saint-Germain, Arnot, Marshall, Anderson, Boniface, Busson et Dagenais. Nous remercions chacun de vous de vos années de service à la population et de diplomatie qui se poursuivent en cet endroit ainsi qu’à l’extérieur du Sénat.

Aujourd’hui, je veux également reconnaître que le service public peut prendre bien des formes. Nous avons parmi nous un autre sénateur qui rend de grands services à la population, même si, au point culminant de son ancienne carrière, il a été l’un des hauts dirigeants de banque du Canada. Je constate que le sénateur Marwah a des invités spéciaux ici aujourd’hui : son épouse, Amrin; ses deux filles, Nanki et Gurbani; son gendre, Doug; et trois petits‑enfants, Amrie, Rulison et, bien sûr, le petit Sabi. Sabi est très fier de sa famille — je sais que vous comprenez cela —, il parle de vous tous très affectueusement, et je sais que vous éprouvez aussi beaucoup d’affection pour lui.

Il y a une chose que j’aimerais que vous sachiez à propos de Sabi. Il a su faire profiter le Sénat de ses talents de banquier de haut niveau et il a fait de notre institution un endroit meilleur, qui fonctionne mieux et où il fait bon travailler. Sabi était à la tête de ce qui est sans doute l’un de nos comités les plus importants, puisqu’il était chargé de gérer notre argent, tâche dans laquelle il excelle, comme vous devez vous en douter. C’est lui qui devait veiller à ce que nous nous traitions avec bienveillance et à ce que notre milieu de travail soit sûr et sans danger, où les jeunes peuvent travailler et se familiariser avec le processus législatif et les rouages de l’appareil gouvernemental. Sabi nous a aussi aidés à comprendre quelques mesures législatives. Je pense par exemple au projet de loi budgétaire qu’il a parrainé, à l’accord commercial de premier plan dont le titre est beaucoup trop long pour je puisse le citer au complet dans le temps qui m’est alloué et au projet de loi d’initiative parlementaire sur le Mois du patrimoine sikh.

Sabi est généreux de son temps pour de nombreux organismes de bienfaisance et causes en tout genre, même s’il n’en parle jamais, car la modestie fait aussi partie de ses qualités. Par-dessus tout, Sabi aime aider ceux qui en ont le plus besoin. Depuis deux ans, il invite des personnes sourdes et aveugles à venir nous rencontrer afin que nous saisissions mieux le type de soutien dont elles ont besoin et qu’elles méritent.

C’est sans oublier la principale raison pour laquelle Sabi est un de nos sénateurs favoris : ses blagues. Il a un grand sens de l’humour, et je suis convaincu qu’il vous fait rire vous aussi.

Chers collègues, nous célébrons aujourd’hui les serviteurs du public du pays, alors célébrons aussi ceux qui siègent au Sénat, à commencer par notre collègue, le sénateur Sabi Marwah. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

(1420)

Ronald Turcotte, C.M.

Félicitations à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa victoire à la Triple couronne

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit le sénateur Dean à propos du sénateur Marwah. C’est tout un Canadien.

Et puisqu’il est question d’éminents Canadiens...

[Français]

Madame la Présidente, c’est avec un peu de nervosité que je prends la parole aujourd’hui pour vous présenter un grand Canadien.

[Traduction]

Par chez nous, on dirait qu’il est entré dans l’histoire au grand galop.

Honorables sénateurs, tout a commencé dans le village de Drummond, au Nouveau-Brunswick.

[Français]

Honorables sénateurs et sénatrices, oui, 50 ans marquent habituellement un événement important dans la vie de n’importe qui ou l’anniversaire d’une personne, mais le 50e anniversaire que je veux souligner aujourd’hui est celui d’un événement qui a marqué le monde entier du sport. C’était le début d’un parcours légendaire pour Ron Turcotte avec Secretariat, nommé Big Red. Honorables sénateurs et sénatrices, le 9 juin 1973 marquera à jamais un moment décisif et un exploit qui passera à l’histoire.

[Traduction]

Dans les années 1970, le père de Ron Turcotte, qui venait du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick a donné un conseil à son fils : « Ron, sois patient et prends le temps d’établir une relation de confiance entre toi et ton cheval. »

Ron s’est établi à New York en 1971. Ce Néo-Brunswickois s’est alors lancé dans une aventure qui a fait de lui un jockey légendaire qui n’a pas son pareil dans le monde. Il y a 50 ans, ce jeune homme de ma région a surpris le monde entier. Contre toute attente, le jockey Ron Turcotte et le cheval Secretariat, surnommé Big Red, ont remporté la Triple Couronne le 9 juin 1973. M. Turcotte est aussitôt devenu célèbre, car il était le premier en 25 ans à remporter la Triple Couronne, c’est-à-dire les trois épreuves les plus légendaires de l’histoire américaine des courses de chevaux.

Croyez-moi, Ron Turcotte n’est rien de moins qu’un symbole. La ville de Grand-Sault et le gouvernement provincial lui ont rendu hommage en donnant son nom à un pont de la ville. Je vous invite aussi à aller voir la statue du jockey et de Big Red, qui a été dévoilée en 2015 sur le boulevard Broadway de sa ville natale. Le film Secretariat, de Disney, qui est sorti en 2010, raconte son histoire. Le cinéaste Phil Comeau a aussi réalisé, pour l’Office national du film du Canada, un documentaire qui présente la vie et la carrière de Ron Turcotte.

M. Turcotte est sans contredit le meilleur. Il est une grande figure emblématique du Canada dans le domaine des courses de chevaux.

[Français]

À M. Turcotte et à sa famille, on vous remercie. Je lève mon chapeau.

[Traduction]

Je vous remercie, monsieur Turcotte.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Kallayana Vipattipumiprates, ambassadeur de la Thaïlande au Canada, et de Mme Busadee Santipitaks, secrétaire permanente adjointe au ministère des Affaires étrangères de la Thaïlande. Ils sont les invités des honorables sénateurs Woo, Kutcher et Oh.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

La justice

L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi S-13—Dépôt de document

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte préparé par le ministre de la Justice ayant trait au projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois, conformément à la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. 1985, ch. J-2, par. 4.2(1).

Projet de loi modifiant la Loi sur la gestion financière des premières nations, modifiant d’autres lois en conséquence et apportant une clarification relativement à une autre loi

Présentation du onzième rapport du Comité des peuples autochtones

L’honorable Brian Francis, président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :

Le mardi 13 juin 2023

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l’honneur de présenter son

ONZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-45, Loi modifiant la Loi sur la gestion financière des premières nations, modifiant d’autres lois en conséquence et apportant une clarification relativement à une autre loi, a, conformément à l’ordre de renvoi du 30 mai 2023, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,

BRIAN FRANCIS

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Klyne, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi relative au cadre national sur les cancers liés à la lutte contre les incendies

Présentation du cinquième rapport du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants

L’honorable Tony Dean, président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, présente le rapport suivant :

Le mardi 13 juin 2023

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants a l’honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-224, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur la prévention et le traitement de cancers liés à la lutte contre les incendies, a, conformément à l’ordre de renvoi du 1er juin 2023, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,

TONY DEAN

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Yussuff, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada

Projet de loi modificatif—Présentation du troisième rapport du Comité des langues officielles

L’honorable René Cormier, président du Comité sénatorial permanent des langues officielles, présente le rapport suivant :

Le mardi 13 juin 2023

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a l’honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois, a, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 1er juin 2023, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

RENÉ CORMIER

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1808.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Cormier, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1430)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-41, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Salma Ataullahjan dépose le projet de loi S-267, Loi modifiant le Code criminel (circonstance aggravante — ordre d’évacuation ou situation d’urgence).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

L’Association interparlementaire Canada—Royaume-Uni

La visite bilatérale au Royaume-Uni, du 24 au 27 octobre 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni concernant la visite bilatérale au Royaume-Uni, tenue à Londres, en Angleterre, et à Belfast, en Irlande du Nord, du 24 au 27 octobre 2022.

[Français]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à modifier le chapitre 3:05 du Règlement administratif du Sénat

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, compte tenu de l’adoption de la Politique financière pour les comités sénatoriaux par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration le 1er juin 2023, le chapitre 3:05 du Règlement administratif du Sénat soit modifié :

a)par abrogation de l’intertitre précédant l’article 1, de l’article 1, des paragraphes 10(2) et (3) et de l’article 11;

b)par remplacement de l’intertitre précédant l’article 2 et des paragraphes 2(1) et (2) par ce qui suit :

« Budgets des comités

2. (1) Le budget d’un comité pour les dépenses spéciales doit être :

a) adopté par le comité;

b) soumis par le comité au Comité de la régie interne pour examen;

c) présenté au Sénat au moyen d’un rapport de comité, accompagné du budget et d’un rapport du Comité de la régie interne.

(2) Le budget établi pour l’application du paragraphe (1) contient un état estimatif détaillé des dépenses spéciales du comité pour l’exercice. »;

Que le légiste et conseiller parlementaire soit autorisé à apporter au Règlement administratif du Sénat toute modification non substantielle de nature technique, rédactionnelle, grammaticale ou autre requise par suite de ces modifications, y compris la mise à jour des renvois et la renumérotation des dispositions.

[Traduction]

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Motion autorisant le Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles à étudier la teneur du projet de loi et le Comité de l’agriculture et des forêts à prendre en considération les documents et les témoignages reçus au cours de l’étude du projet de loi—Consentement non accordé

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, si le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, est adopté à l’étape de la deuxième lecture, premièrement, il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts et, deuxièmement, que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles et le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soient tous les deux autorisés à étudier, afin d’en faire rapport, la teneur du projet de loi. Je suis désolé, j’ai fait une erreur dans la lecture de la dernière section.

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la teneur du projet de loi; troisièmement, que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à prendre en considération, au cours de son étude du projet de loi, tout document public et tout témoignage public reçus par l’un ou l’autre des comités autorisés à étudier la teneur du projet de loi, de même que tout rapport au Sénat sur la teneur du projet de loi par l’un ou l’autre de ces comités.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Madame la Présidente, est-ce possible de demander au sénateur Wells de répéter exactement la motion qui est proposée? Il y a une première version qui nous a été soumise, on nous a dit qu’il y avait un problème dans la lecture de la motion et on continue. On est complètement mêlé, on ne sait même pas ce qu’on accepterait.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Sénateur Wells, pourriez-vous relire le texte de la motion? Parce que la version que j’ai reçue ne dit pas la même chose que vous. Nous devons entendre les termes exacts de la motion.

Le sénateur Wells : Entendu, Votre Honneur. Pendant que j’attends qu’on me la retourne, je me permets d’expliquer à la sénatrice Dupuis, et au reste de mes collègues, qu’il y a eu entente pour que le projet de loi soit renvoyé au Comité de l’agriculture, qui sera à la tête de l’étude, puis au Comité de l’énergie, qui le secondera. Dans la note qu’on m’a remise, il était question du Comité des finances, mais je sais que l’entente finale dit autre chose.

Si vous souhaitez que je relise ce passage, Votre Honneur, ce sera avec plaisir. Je vais relire les trois parties.

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, si le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, est adopté à l’étape de la deuxième lecture :

1.il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts;

2.le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la teneur du projet de loi;

3.le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à prendre en considération, au cours de son étude du projet de loi, tout document public et tout témoignage public reçus par le comité autorisé à étudier la teneur du projet de loi, de même que tout rapport de ce comité au Sénat sur la teneur du projet de loi.

Comme je le disais, chers collègues, le Comité des finances n’est plus mentionné, car toutes les parties se sont entendues pour que l’étude du projet de loi soit confiée au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, avec l’aide précieuse — plus que de l’aide, en fait — du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Son Honneur la Présidente : Je vous remercie. Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Le consentement n’est pas accordé. Quelqu’un a dit « non ». Le consentement n’est pas accordé.

Sénateur Wells, souhaitez-vous participer au débat?

Le sénateur Wells : Merci, Votre Honneur. Je ne souhaite pas participer au débat. Je ne remets pas en question que vous avez entendu un « non », mais je ne l’ai pas entendu. Ainsi, je voulais vous demander de poser de nouveau la question. Merci.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.


(1440)

PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

L’ingérence étrangère

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, en novembre dernier, lorsque des questions ont été soulevées pour la première fois sur ce que le premier ministre savait de l’ingérence de Pékin dans les élections canadiennes, il aurait dû annoncer la tenue d’une enquête publique. Vendredi, lorsque le rapporteur spécial, dont le poste a été créé par le premier ministre, a finalement fait ce qu’il fallait et a annoncé sa démission, le premier ministre aurait dû, une fois de plus, annoncer une enquête publique. Le fait qu’il ne l’a toujours pas fait n’est qu’un exemple de plus de son arrogance. Son attitude manque totalement de leadership et frise même l’outrage au Parlement.

Monsieur le leader, qu’est-ce qui empêche le premier ministre de mettre fin à son opération de camouflage et d’annoncer aujourd’hui la tenue d’une enquête publique?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Tout d’abord, le gouvernement apprécie le travail de l’honorable David Johnston, qui a rédigé un rapport qui soulève des questions importantes et qui propose une feuille de route pour un processus public.

Comme le ministre LeBlanc l’a déclaré publiquement, le gouvernement est ouvert à la collaboration et invite même tous les députés de l’opposition à collaborer avec lui afin de tracer la voie à suivre pour déterminer le meilleur type de processus public pour aborder ces questions importantes. Pour faire écho aux paroles du ministre LeBlanc, j’espère que le ton plutôt inquiétant du débat s’atténuera avec l’amorce d’une collaboration entre tous les partis de l’autre endroit.

Le sénateur Plett : S’il y a une chose sur laquelle nous nous entendons, c’est sur l’utilité de ce qu’a fait M. Johnston, surtout en dernier, c’est-à-dire démissionner. Nous sommes d’accord.

Le ministre LeBlanc tient un double discours, ce que font souvent les libéraux, d’ailleurs. Il a toujours refusé la tenue d’une enquête publique, mais depuis la démission du rapporteur spécial, il dit que cette idée a toujours été sur le tapis.

Vendredi dernier, le jour même de la démission du rapporteur spécial, un poste créé de toutes pièces par le premier ministre, le Globe and Mail a déclaré avoir posé au bureau du rapporteur spécial deux questions qui sont restées sans réponse. Le journal a demandé si l’entreprise Navigator avait eu accès, avant la publication du rapport, aux conclusions du rapporteur spécial sur un ancien député fédéral que M. Johnston exonère dans son rapport et qui avait aussi déjà retenu les services de cette boîte de communications. Le Globe and Mail a aussi demandé si le rapport avait été transmis au cabinet d’avocats Torys, qui n’a pas participé à l’enquête du rapporteur spécial, pas plus que son président indépendant, Robert Prichard.

Monsieur le leader, connaissez-vous la réponse à ces questions? Si vous ne la connaissez pas, je m’attends à ce que vous fassiez les appels nécessaires, aujourd’hui, pour être en mesure d’y répondre demain, parce que je vous les poserai de nouveau pendant la période des questions.

Le sénateur Gold : Je ne connais pas la réponse à ces questions. Comme je l’ai déjà dit, le dossier de l’ingérence étrangère est une question importante. J’aurais donc cru que les parlementaires que nous sommes l’aborderaient de manière responsable, en évitant les tournures du genre « créé de toutes pièces » ou « opération de camouflage ». C’est un sujet sérieux, alors j’aimerais qu’on l’aborde de manière sérieuse à partir de maintenant.

Les finances

Le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse également au leader du gouvernement au Sénat. J’ai reçu dernièrement une réponse différée à une question que j’avais posée en mars au sujet des contrats octroyés à Accenture pour la conception et le déploiement du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, un programme de prêts pour les petites entreprises. Alors que le Globe and Mail avait rapporté que le coût atteignait 143 millions de dollars, la réponse différée a confirmé que le coût réel était plutôt de plus de 208 millions de dollars. Ce montant n’a jamais été communiqué ouvertement aux contribuables. Dans la réponse que j’ai reçue, on explique que c’est Exportation et développement Canada qui a pris la décision de confier ce programme à un sous-traitant et de négocier avec Accenture.

Monsieur le leader, comment les membres du Cabinet Trudeau ont-ils appris que c’était Accenture qui administrait le programme du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes? Le savaient-ils depuis le début ou l’ont-ils appris dans les médias? Pourriez-vous vous informer et nous indiquer à quelle date la ministre du Commerce international, la ministre des Finances et leur personnel ont été informés du rôle d’Accenture?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Je suis heureux que vous ayez reçu votre réponse seulement quelques mois après que vous l’ayez posée. Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question et je ne sais pas si cette information a été communiquée dans le cadre du secret du Cabinet. Je vais assurément m’informer; c’est tout ce que je peux faire pour le moment.

La sénatrice Martin : La réponse différée que j’ai reçue indique que ce ne sera finalement pas 208 millions de dollars que les contribuables canadiens verseront à la société d’experts-conseils Accenture pour administrer le programme du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. La réponse précise :

Compte tenu du rôle d’Accenture dans le cadre du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes afin d’offrir des services technologiques de manière continue et à titre de fournisseur de logiciel-service, Exportation et développement Canada s’attend à ce qu’un contrat d’entretien et de soutien soit négocié pour appuyer les activités de perception qui sont toujours en cours.

Monsieur le leader, combien d’argent supplémentaire le gouvernement Trudeau estime-t-il qu’Accenture recevra pour le recouvrement des prêts du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes? Vous engagez-vous à faire preuve de transparence envers le Parlement et envers les contribuables au sujet de ces futurs coûts? Par ailleurs, pourriez-vous nous dire pourquoi Exportation et développement Canada a choisi Accenture pour commencer, et pourquoi il s’agit de contrats à fournisseur unique?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de vos questions. Je ne manquerai pas de les ajouter aux vérifications que j’entreprendrai.

La sécurité publique

L’ingérence étrangère

L’honorable Yuen Pau Woo : Sénateur Gold, la semaine dernière, le ministre de la Sécurité du Royaume-Uni a annoncé qu’après une enquête sur les prétendus postes de police dans ce pays, aucune activité illégale n’a été trouvée dans aucun de ces postes.

Quand la GRC et le ministre de la Sécurité publique du Canada feront-ils de même pour les enquêtes en cours sur les prétendus postes de police au Canada, notamment à Montréal?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, monsieur le sénateur. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises au Sénat, la GRC enquête activement à ce sujet. Lorsque ces enquêtes seront terminées, je suis convaincu que leurs résultats seront communiqués au gouvernement et au public, s’il y a lieu.

Le sénateur Woo : Sénateur Gold, entretemps, la réputation d’organismes et de particuliers a été salie par ces accusations. Ils ont perdu leur financement pour fournir des cours de langue et des services d’établissement aux immigrants. Un nuage gris plane toujours au-dessus de leur tête, et ils continuent d’être calomniés par les médias et d’autres intervenants, y compris par des collègues du Parlement du Canada.

Sénateur Gold, que peut faire le ministre pour soutenir ces organismes qui n’ont fait l’objet d’aucune accusation, alors que les enquêtes d’autres pays laissent entendre que l’affaire des prétendus postes de police est un canular? Que fera le gouvernement pour offrir des mesures de réparation aux organismes qui sont assiégés?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de vos questions. Comme je l’ai déjà dit au Sénat, il n’y a aucun doute que les allégations qui ont été soulevées en lien avec l’ingérence étrangère ont causé du tort et des désagréments, c’est le moins qu’on puisse dire, à des membres de la diaspora. C’est pourquoi le gouvernement agit de façon prudente et responsable. Avec des enquêtes en bonne et due forme de la GRC — qui est indépendante du gouvernement —, ces questions peuvent être traitées à partir des faits, et non d’allégations et d’insinuations. Le gouvernement du Canada s’engage à faire ce qui s’impose pour ces organismes si les allégations devaient se révéler infondées. Je ne suis pas en mesure en ce moment de savoir quelles seraient les possibles mesures de réparation et encore moins de répondre à des questions sur le sujet.

[Français]

Le Bureau du Conseil privé

La législation en matière de vérification de l’âge

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, une enquête troublante publiée dans le quotidien La Presse cette fin de semaine révèle que 45 % des vidéo-clips de la plateforme Pornhub, basée à Montréal, contiennent des scènes d’agression, d’étranglement, ou gagging, et que 97 % des cibles sont des femmes. On y interviewe un jeune homme qui est devenu accro à la pornographie à 8 ans, et un autre qui regardait des filles se faire battre dans des scènes pornographiques, ce qui a eu un impact sur son comportement sexuel.

Sénateur Gold, pourquoi le gouvernement n’appuie-t-il pas publiquement le projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite, obligeant la vérification de l’âge, projet de loi dont la Chambre des communes est maintenant saisie?

(1450)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question et pour votre engagement vis-à-vis de cet enjeu important. Je vous félicite de vos efforts et de la publication du texte, que j’ai lu avec intérêt. Comme vous l’avez bien mentionné, chère collègue, le projet de loi S-210 est maintenant à l’autre endroit et il sera à l’ordre du jour pour étude. Je suis convaincu qu’il y aura un débat intéressant et approfondi. À ce moment-là, le gouvernement sera en mesure de faire connaître sa perspective à ce sujet. Entre-temps, le gouvernement a communiqué ses intentions dans le contexte de notre étude sur le projet de loi C-11. Le gouvernement du Canada s’engage à continuer de s’occuper de la question de la sécurité en ligne, notamment sur le plan de la législation. Au fur et à mesure que les détails seront connus, je tiendrai cette Chambre au courant.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je comprends bien que le gouvernement réfléchit. Peut-être que les fonctionnaires réfléchissent aussi, mais dans certaines juridictions, comme la Louisiane, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, les gouvernements ont posé des actions pour protéger les enfants en adoptant des lois. Pourquoi notre gouvernement est-il silencieux sur un enjeu aussi grave de santé publique?

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour la question. Le gouvernement n’est pas silencieux, bien respectueusement. Le gouvernement prend la question très au sérieux et étudie les actions qu’il pourrait poser. Comme je l’ai mentionné, dès que le débat sur votre projet de loi commencera, la position du gouvernement sera connue.

[Traduction]

Les transports

Les normes de service de l’aviation

L’honorable Dennis Glen Patterson : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Comme vous le savez, sénateur Gold, les communautés nordiques et éloignées dépendent énormément ou entièrement, comme c’est le cas pour le Nunavut, du transport aérien. Toutefois, certaines décisions de votre gouvernement ont eu un effet négatif sur les tarifs et la disponibilité des vols. Dans une lettre envoyée le 8 juin au ministre Alghabra, John McKenna, PDG de l’Association du transport aérien du Canada, écrit que les nouvelles normes en matière de gestion de la fatigue des pilotes et le Règlement sur la protection des passagers aériens ont fait en sorte qu’il faut maintenant 30 % plus de pilotes afin de maintenir les niveaux de service actuels. M. McKenna ajoute que les solutions de rechange proposées dans le système de gestion des risques liés à la fatigue se sont révélées vraiment peu pratiques et impossibles à mettre en œuvre, sauf peut-être en ce qui concerne le plus important transporteur aérien au pays.

Votre gouvernement pourrait-il s’il vous plaît suspendre ces nouvelles mesures pendant 18 mois, comme M. McKenna l’a proposé, afin de permettre à l’industrie de travailler avec Transport Canada dans le but d’élaborer conjointement un régime de réglementation plus raisonnable et de laisser le temps de recruter et de former les pilotes supplémentaires nécessaires pour assurer les nouvelles normes de service?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et d’avoir soulevé l’importante question de la liaison aérienne avec le Nord, qui est essentielle, comme peuvent en témoigner tous ceux d’entre nous qui se sont déjà rendus dans le Nord. C’est important.

Bien entendu, les règles visant à assurer la sécurité des équipages et des passagers qui empruntent ces vols sont tout aussi importantes. À cet égard, je vais certainement porter votre suggestion à l’attention du ministre approprié.

Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie de votre réponse.

Sénateur Gold, ces augmentations de prix ne nous nuisent pas seulement sur le plan international et concurrentiel. Les États-Unis et l’Europe n’ont pas, à mon avis, de normes aussi excessives. Les nouvelles réglementations nous ont également durement touchés au pays, en particulier dans les régions éloignées et nordiques.

Ce qui aggrave encore plus encore la situation — et sans doute en partie à cause de ces changements restrictifs — le ministre des Transports et le transporteur aérien Canadian North ont annoncé le 25 avril dernier la levée des conditions de son accord de fusion avec First Air, lesquelles avaient été mises en place par le ministre pendant la pandémie afin de protéger les consommateurs du Nord contre les augmentations de prix. Ce nouvel accord alarmant permettra à Canadian North, transporteur en situation de quasi‑monopole dans la majeure partie du Nunavut, d’augmenter les coûts de fret et les tarifs aériens des passagers de 25 % par an pour chacune des quatre années à venir. Ces augmentations pourraient paralyser les choses.

Quelles mesures concrètes votre gouvernement compte-t-il prendre pour réduire le coût des voyages aériens dans le Nord, surtout si l’on tient compte du coût de la vie déjà très élevé?

Le sénateur Gold : Encore une fois, je vous remercie de votre question. Merci également de nous rappeler que le coût de la vie et les nécessités de base — la nourriture, le logement et tout ce qui est essentiel — sont beaucoup plus chers dans le Nord et dans les régions éloignées du pays. Je ne manquerai pas d’ajouter ce point à mes questions et de faire un suivi auprès du ministre.

[Français]

Les finances

L’Office d’investissement du régime de pensions du Canada

L’honorable Clément Gignac : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. La semaine dernière, le Toronto Star a publié un article sur l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada. L’article mentionnait que cette institution fédérale avait mis sur pied un réseau de plus 30 filiales basées aux îles Caïmans, un endroit reconnu comme la capitale mondiale des paradis fiscaux. Selon le porte-parole de l’organisme, l’objectif serait de réduire le fardeau fiscal payé à l’étranger dans l’unique but de maximiser le rendement annuel du fonds au bénéfice de 21 millions de Canadiens qui y cotisent et sont retraités.

Sénateur Gold, bien que cette opération d’évitement fiscal soit encore tout à fait légale en 2023, est-ce que votre gouvernement est à l’aise avec cette façon de procéder de la part de cette institution fédérale? Ne croyez-vous pas que cela manque d’éthique et que cela tend à miner la crédibilité du Canada au sein des pays de l’OCDE, malgré la volonté bien souvent exprimée par la ministre des Finances de mettre un terme au recours à des paradis fiscaux par les institutions financières ou multinationales?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Le gouvernement convient que les sociétés qui font affaire au Canada doivent payer leur juste part d’impôt. Une base de taxation nationale solide est essentielle à la solidité et à l’efficacité du filet de sécurité sociale du Canada. En ce qui concerne le Régime de pensions du Canada, celui-ci est dirigé par un conseil d’administration indépendant et n’a aucun lien de dépendance avec le gouvernement fédéral.

Le conseil d’administration de l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada définit des politiques d’investissements conformes au mandat de l’office. Cela consiste à investir des fonds dans le meilleur intérêt des 20 millions de Canadiens qui cotisent au régime et en bénéficient. Le conseil d’administration détermine l’orientation stratégique et prend des décisions cruciales sur le plan opérationnel. Le rapport de 2022 de l’office indiquait que le RPC demeure sûr et que la résilience du fonds d’investissement devrait donner confiance au Canada.

Si je peux ajouter quelque chose, afin d’améliorer l’équité au sein de l’économie canadienne, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures, comme l’introduction d’un dividende temporaire de relance du Canada pour les banques et les compagnies d’assurances, afin que ces dernières payent une taxe unique de 15 % sur le revenu imposable supérieur à 1 milliard de dollars pour l’année fiscale 2021. Cette mesure pourrait rapporter 4,05 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Le gouvernement a également proposé d’augmenter de façon permanente le taux d’imposition des sociétés de 1,5 % sur le revenu imposable et le taux d’imposition sur l’assurance vie supérieure à 100 millions de dollars. J’ai une longue liste de mesures que le gouvernement a prises pour faire en sorte que notre système soit plus équitable.

Le sénateur Gignac : Merci, sénateur Gold. Je comprends bien qu’Investissements RPC est indépendant du pouvoir politique et je respecte cela.

À mon avis, les Canadiens sont en droit de connaître plus de détails sur la nature des placements de leur caisse de retraite à l’étranger. Non seulement cela nous permettrait de valider leur empreinte carbone sur le plan des placements, mais aussi leur empreinte fiscale et démocratique, étant donné qu’ils investissent dans plusieurs pays peu respectueux des règles de droit, des droits de la personne et de l’équité fiscale. Sénateur Gold, ne croyez-vous pas que le temps est venu, pour le ministère des Finances, d’exiger de la part d’Investissements RPC et d’autres caisses publiques de retraite au pays plus d’informations et de transparence dans la divulgation de leurs activités à l’étranger?

(1500)

Le sénateur Gold : Je remercie le sénateur de sa suggestion. Je vais la porter à l’attention de la ministre.

Cela dit, je voudrais simplement faire remarquer que le Régime de pensions du Canada et les régimes de pensions du secteur public sont soumis à leurs propres lois du Parlement, qui ont été modifiées à de nombreuses reprises par les différents Parlements.

[Traduction]

La sécurité publique

L’ingérence étrangère

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, après la démission du rapporteur spécial du premier ministre Trudeau vendredi dernier, une enquête publique sur l’ingérence de Pékin dans les élections est maintenant la seule option crédible. On n’a pas besoin d’un autre rapporteur spécial, on n’a pas besoin d’un autre rapport où les principaux acteurs du scandale d’ingérence ne sont pas interrogés, et on n’a pas besoin d’un autre processus inutile dirigé par les amis du premier ministre Trudeau, ses partisans politiques ou des membres de la Fondation Pierre Elliott Trudeau. Environ 60 % des Canadiens veulent obtenir des réponses au moyen d’une enquête publique. La Chambre des communes a voté à trois reprises pour la tenue d’une enquête publique. C’est la voix des Canadiens. La demi-mesure des audiences publiques de M. Johnston ne suffira tout simplement pas.

Sénateur Gold, quand votre gouvernement, le gouvernement Trudeau, fera-t-il ce que les Canadiens, la Chambre des communes et tous les partis de l’opposition réclament? Quand déclenchera-t-il une enquête publique?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Comme je le disais plus tôt, le ministre LeBlanc a communiqué avec les chefs de tous les partis de l’opposition. Selon ce que j’en comprends, le chef de votre parti a dit, comme d’autres, qu’il collaborerait avec le ministre à l’établissement d’une feuille de route. Le ministre LeBlanc a aussi dit que la tenue d’une enquête publique n’a jamais été hors de question, mais que c’est au gouvernement, avec le soutien de l’opposition, de déterminer la marche à suivre pour que l’on puisse avoir la réponse à toutes nos questions sans pour autant nuire à la sécurité nationale en divulguant de l’information de nature délicate.

Le gouvernement du Canada est ravi que les partis de l’opposition aient accepté de collaborer à cet effort. Les prochaines étapes seront annoncées dès qu’elles seront connues.

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, maintenant que le rapporteur spécial a remis sa démission, les factures associées à la préparation de son rapport vont se mettre à arriver à une vitesse folle.

Commençons par les frais juridiques probablement faramineux de l’avocate et donatrice du Parti libéral Sheila Block et de son équipe du cabinet Torys, de Bay Street. Ces frais seront d’autant plus exorbitants que, pour une raison inconnue, tous ces gens pourront continuer à accumuler les heures facturables, sans aucune forme de limite, jusqu’à la fin juin. Parlons maintenant de l’argent dû à l’agence Orchestra pour ses conseils en matière de relations avec les médias. Les contribuables devront aussi payer la boîte de gestion de crise Navigator pour le soutien et les conseils offerts en matière de communications. J’espère en tout cas que ce n’est pas elle qui a eu l’idée d’inclure George Washington dans un rapport sur l’ingérence électorale de Pékin et d’en exclure la fondation Trudeau.

Les factures s’accumulent, sénateur Gold. En tout et pour tout, combien la tentative ratée de M. Trudeau pour classer ce scandale vite fait va-t-elle coûter aux Canadiens? Combien? Donnez-nous un chiffre, s’il vous plaît.

Le sénateur Gold : Je le répète une fois de plus, le gouvernement du Canada apprécie le travail accompli par l’honorable David Johnston, regrette la mesure dans laquelle son intégrité a été mise en cause et...

Le sénateur Plett : ... au premier ministre.

Le sénateur Gold : ... attend avec impatience l’engagement constructif des partis d’opposition pour tracer une voie à suivre.

[Français]

Les finances

L’Office d’investissement du régime de pensions du Canada

L’honorable Claude Carignan : Ma question donne suite à celle du sénateur Gignac.

Monsieur le leader, je ne suis pas satisfait de la réponse que vous avez donnée au sénateur Gignac. Vous savez très bien que l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada est créé par une loi du Parlement et qu’il doit rendre compte au gouvernement et au ministre des Finances.

Ne serait-il pas souhaitable de modifier la Loi sur le Parlement du Canada et de donner des directives claires en matière d’investissement pour éviter les paradis fiscaux?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question et la suggestion, monsieur le sénateur. Je vous remercie aussi de souligner le fait qu’il y a une loi qui gouverne le comportement et l’indépendance de ces instances.

Donc, je vais porter votre suggestion à l’attention de la ministre et on va suivre les développements sur ce sujet.

Le sénateur Carignan : Je rappelle que sur le site Web d’Investissements RPC, il est clairement écrit ce qui suit :

Investissements RPC doit rendre des comptes aux gérants du RPC, soit le ministre des Finances fédéral et les ministres des Finances des provinces participantes.

Il est aussi écrit que le « rapport annuel est déposé au Parlement par le ministre des Finances fédéral ». Le Parlement, c’est nous, et le ministre des Finances, c’est votre gouvernement. Je pense que le sénateur Gignac a parfaitement raison de faire cette proposition et que c’est inacceptable d’utiliser les paradis fiscaux de la part d’un office fédéral.

Le sénateur Gold : Il n’y a pas de question ici.

Encore une fois, c’est bien évident : il y a une grande différence entre une obligation de remettre des rapports au Parlement — ce qui est important et sain, et qui fait preuve d’une bonne gouvernance — et le fait de demander à un ministre de s’imposer dans les affaires si, en fait, l’encadrement législatif ou le cadre législatif ne le permettent pas.

[Traduction]

L’environnement et le changement climatique

La tarification du carbone

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, les premiers ministres des provinces de l’Atlantique ont demandé à votre gouvernement de révéler les répercussions de la deuxième taxe sur le carbone du premier ministre sur leur population. C’est la deuxième fois en moins d’un mois que les premiers ministres demandent ce renseignement. Leur déclaration d’hier se lit en partie comme suit :

Les mesures fédérales qui entreront en vigueur le 1er juillet 2023 auront pour conséquence d’augmenter considérablement le prix de l’essence et du diesel et entraîneront des pressions inflationnistes supplémentaires sur les familles et les personnes les plus vulnérables. Le directeur parlementaire du budget a constaté que ces politiques fédérales ont des effets disproportionnés sur les Canadiens de l’Atlantique.

Monsieur le leader, pourquoi votre gouvernement cache-t-il le coût de la deuxième taxe sur le carbone à ces premiers ministres — à moins que vous rejetiez leurs questions comme étant trop partisanes, comme vous le faites avec les miennes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Non. Je vous remercie de la question.

Le gouvernement ne cache rien aux premiers ministres en question et il ne rejette pas non plus leurs préoccupations. Il va sans dire qu’il est légitime que les Canadiens se préoccupent des coûts qu’ils pourraient avoir à assumer.

La tarification de la pollution constitue un important mécanisme de marché pour lutter contre le changement climatique. Il s’agit d’un élément important, mais pas le seul, de l’engagement du gouvernement à s’attaquer à ce grave problème existentiel pour le Canada, pour l’économie nationale et pour notre avenir. Le gouvernement du Canada respecte également l’analyse du directeur parlementaire du budget, même s’il n’est pas nécessairement d’accord sur tous les aspects de celle-ci.

Le sénateur Plett : Le gouvernement cache encore une fois les coûts. Pourquoi ne pas tout simplement répondre à ma question? Pourquoi ne pas obtenir l’information? Répondez aux questions qui vous sont posées. Vous affirmez que nous faisons preuve de partisanerie et que nous sommes une source de frustration pour le gouvernement. Pourtant, vous refusez de répondre à nos questions. Vous êtes bien loin de le faire.

Monsieur le leader, le 24 mai, le ministre Guilbeault a promis aux quatre premiers ministres de l’Atlantique qu’il leur fournirait, dans les deux semaines, de l’information sur le coût de la deuxième taxe sur le carbone pour les gens de leurs provinces. Ces deux semaines sont passées. Or, les provinces attendent toujours une réponse du gouvernement Trudeau. Monsieur le leader, le 1er juillet arrive à grands pas. Le ministre Guilbeault doit savoir combien la deuxième taxe sur le carbone coûtera aux Canadiens — ou serait-ce qu’il l’ignore? Se pourrait-il qu’il ne sache pas ce qu’il fait? Pourquoi n’a-t-il pas eu la courtoisie de fournir cette information aux premiers ministres tel que promis? Pourquoi n’avez-vous pas la courtoisie de nous fournir une réponse?

Pourquoi votre gouvernement n’a-t-il pas assez de bon sens pour annuler cette taxe sur le carbone qui est punitive et alimente l’inflation?

Le sénateur Gold : Je vais assurément m’informer pour savoir la raison qui justifie le délai à obtenir les renseignements auxquels vous faites référence. Le gouvernement n’a pas l’intention d’annuler la tarification de la pollution. Comme je l’ai déjà mentionné, c’est une composante importante de la politique à volets multiples qui s’attaque sérieusement aux changements climatiques. Les Canadiens ont impérativement besoin de cette politique pour avoir confiance en l’avenir.

Le Sénat

Hommages aux pages à l’occasion de leur départ

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, nous rendons hommage cette semaine aux pages du Sénat qui nous quitteront cet été.

(1510)

Azeeza Kagzi entamera son dernier semestre en science politique à l’Université d’Ottawa cet automne. Elle est extrêmement reconnaissante d’avoir pu occuper les fonctions de page au Sénat au cours des deux dernières années. Elle a très hâte de continuer à acquérir de l’expérience pour se bâtir une carrière dans le domaine du service extérieur. Azeeza tient à remercier l’huissier du bâton noir, les sénateurs, le personnel et ses collègues pages. Leur savoir, leur expertise et leur gentillesse ont contribué à ce que son expérience de page soit profondément enrichissante et gratifiante.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Emily Vibien entamera la quatrième année de son programme d’études en science politique à l’Université d’Ottawa. Elle se dit honorée et reconnaissante d’avoir eu la chance de participer au Programme des pages du Sénat. Elle tient à remercier toutes les personnes qui ont contribué à rendre son année au Sénat des plus mémorables.

Des voix : Bravo!

[Français]

Yasmine Zemni est la première page et elle représente l’Ontario. Yasmine est honorée d’avoir fait partie de l’équipe des pages durant les trois dernières années. Elle exprime ses plus sincères remerciements et sa plus profonde gratitude au Bureau de l’huissier du bâton noir, aux membres de l’Administration du Sénat et aux honorables sénateurs pour lui avoir permis de vivre cette expérience des plus enrichissantes et des plus formatrices.

Puisqu’elle vient tout juste de terminer son baccalauréat en sciences, Yasmine entamera cet automne ses études à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, en vue d’obtenir son doctorat en médecine en français.

Des voix : Bravo!


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’étude de la motion no 109, suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-47, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Le Sénat

Adoption de la motion modifiée tendant à autoriser le Sénat à se former en comité plénier afin de recevoir Harriet Solloway, candidate au poste de commissaire à l’intégrité du secteur public

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 8 juin 2023, propose :

Que :

1.à 15 heures le mercredi 14 juin 2023, le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir Mme Harriet Solloway relativement à sa nomination au poste de commissaire à l’intégrité du secteur public;

2.le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard 65 minutes après le début de ses travaux;

3.les remarques introductives de la témoin durent un maximum de cinq minutes;

4.si un sénateur n’utilise pas l’entière période de 10 minutes prévue pour les interventions à l’article 12-31(3)d) du Règlement, les réponses de la témoin y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur;

Que le 14 juin 2023 le Sénat ne traite que des affaires du gouvernement une fois l’ordre du jour appelé;

Que, nonobstant l’ordre du 21 septembre 2022, le 14 juin 2023 :

1.la séance continue au-delà de 16 heures, au besoin, jusqu’à une durée de temps équivalente au temps requis pour les travaux du comité plénier;

2.si un vote par appel nominal avait été reporté à ce jour-là, la sonnerie ne commence à retentir, pendant 15 minutes, qu’au moment où la séance serait autrement levée ou à 17 h 15, selon la première éventualité, le vote ayant lieu par la suite;

Que les comités devant siéger le 14 juin 2023 après 16 heures sur des affaires du gouvernement soient autorisés à le faire, même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Motion d’amendement

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion soit modifiée :

1.par substitution, aux mots « à 15 heures le mercredi 14 juin 2023 », des mots « à 15 heures ou à l’appel de l’ordre du jour le mercredi 14 juin 2023, selon la dernière éventualité »;

2.par substitution, aux mots « 65 minutes », des mots « 45 minutes »;

3.par substitution, au dernier paragraphe, de ce qui suit :

« Qu’une fois que la séance du Sénat aura commencé le 14 juin 2023, les comités ne se réunissent pas avant 17 heures ou 15 minutes après la levée de la séance, selon la première éventualité, à condition que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger dès 17 heures si le Sénat n’est pas encore ajourné, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard. ».

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

(La motion d’amendement de l’honorable sénateur Gold est adoptée.)

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2023

Deuxième lecture—Débat

L’honorable Tony Loffreda propose que le projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi d’initiative ministérielle C-47, Loi no 1 d’exécution du budget de 2023.

C’est un honneur pour moi que le sénateur Gold et la vice‑première ministre m’aient demandé de parrainer ce projet de loi au Sénat, et je les remercie de la confiance qu’ils m’accordent. Ce fut un plaisir de travailler avec les membres de leurs équipes, et je les remercie de toute l’aide qu’ils m’ont offerte depuis le mois d’avril, lorsque j’ai accepté de parrainer le projet de loi.

Après avoir parrainé l’automne dernier la Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne, il semblait aller de soi que je parraine un projet de loi d’exécution du budget. Je suppose qu’un projet de loi de 172 pages ne me suffisait pas; j’ai donc accepté d’en parrainer un de 430 pages.

Quand j’ai accepté d’en être le parrain, j’avais une idée générale de ce qu’il contenait. Après avoir été parfaitement informé de son contenu, je me sentais à l’aise avec les modifications législatives prévues et je souscrivais aux objectifs visés. Au début de notre étude préalable, je me suis rapidement rendu compte que j’avais du pain sur la planche.

Le Sénat a confié à huit comités le mandat d’effectuer une étude préalable de certaines sections du projet de loi. Il a aussi accordé au Comité sénatorial permanent des finances nationales le pouvoir de se pencher sur la teneur de l’ensemble du projet de loi. Voici donc où nous en sommes près de sept semaines plus tard.

Selon mes calculs, nous avons eu en tout 39 réunions, pendant lesquelles 210 témoins ont comparu, dont 3 ministres. Nous avons donc toutes les raisons du monde d’être fiers de notre travail. Nous devons souvent composer avec des échéances serrées, mais les sénateurs ont relevé le défi une fois de plus.

(1520)

Après avoir lu les rapports des comités sénatoriaux, je suis heureux de confirmer qu’aucun d’entre eux ne demande d’amendement au projet de loi. Ils ont toutefois fait des observations constructives, dont le gouvernement tiendra sûrement compte. J’en mentionnerai plusieurs pendant mon discours aujourd’hui.

Comme le savent les honorables sénateurs, le projet de loi C-47 a été présenté à l’autre endroit le 20 avril; il comprend des mesures annoncées dans le budget de 2023 et d’autres mesures budgétaires annoncées plus tôt. Il est divisé en quatre parties. La partie 1 apporte des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu et à d’autres lois; elle comprend 17 dispositions.

La partie 2 contient des mesures au sujet de la taxe sur les produits et services et de la taxe de vente harmonisée.

La partie 3 modifie la Loi sur l’accise et la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien.

Quant à la quatrième et dernière partie, elle contient 39 sections.

Au total, le projet de loi propose plus de 60 mesures indépendantes. Certaines d’entre elles sont très techniques, d’autres sont plutôt mineures. D’autres encore ont suscité beaucoup d’intérêt dans les médias, parmi les intervenants et au sein de nos comités.

Dans votre intérêt, je n’aborderai pas chaque mesure individuellement, car je ne dispose que de 45 minutes, ce qui est dommage, car vous savez tous à quel point je prends ce travail à cœur. Je vais plutôt me concentrer sur les mesures les plus importantes — celles qui, à mon avis, ont suscité le plus d’intérêt de la part des sénateurs et des témoins.

Avant d’aborder les mesures prévues dans le projet de loi, j’aimerais dire quelques mots sur l’état de l’économie canadienne. Certains diront que le Canada est moins performant que ses partenaires du G7 et du G20. Bien au contraire, je dirais que le Canada est dans une position enviable. Malgré les difficultés économiques mondiales, le Canada est dans une position de force économique fondamentale.

La semaine dernière, lorsque la ministre Freeland a comparu devant le Comité des finances nationales, elle a rappelé ceci :

Il y a désormais 907 000 Canadiens de plus qu’avant la pandémie qui ont un emploi. De plus, à seulement 5 %, le taux de chômage n’a presque jamais été aussi bas.

Les nouveaux chiffres de l’emploi publiés vendredi dernier indiquent que ce chiffre a légèrement baissé pour atteindre 890 000.

La ministre Freeland a ajouté qu’en 2022, le Canada a connu la plus forte croissance économique des pays du G7. Notre PIB réel a augmenté de 3,1 % au cours du premier trimestre de cette année — soit le taux le plus élevé du G7 —, et le Canada a le plus faible ratio du déficit au PIB et le plus faible ratio de la dette nette au PIB des pays du G7.

Honorables sénateurs, l’économie canadienne se porte plutôt bien. En fait, je dirais même que nous sommes en tête du peloton à bien des égards, et nous devrions être fiers de ce bilan impressionnant. Bien sûr, nous pourrions faire mieux, mais la situation n’est pas aussi désastreuse que certains pourraient le suggérer. Je pense que nous avons des raisons d’espérer que les choses ne feront que s’améliorer, car l’économie canadienne continue de rebondir avec vigueur après quelques années difficiles.

C’est un travail de longue haleine. Nous devons continuer à œuvrer pour améliorer la prospérité économique, créer et pérenniser des emplois mieux rémunérés, accélérer la croissance de la productivité et accroître notre compétitivité globale en attirant davantage d’investissements nationaux et étrangers, et trouver des moyens novateurs de générer davantage de richesses.

Je sais que le gouvernement a les mêmes objectifs. En effet, le projet de loi C-47 contient de nombreuses mesures qui visent à obtenir des résultats positifs tangibles et durables.

Ceci étant dit, je souhaite porter notre attention sur les mesures contenues dans le projet de loi. Je commencerai par les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu, qui figurent dans la partie 1 du projet de loi C-47.

En ce qui concerne la partie 1, dans le sommaire du projet de loi, à l’alinéa b), il est indiqué que le gouvernement propose de doubler la déduction pour les outils des gens de métier de 500 $ à 1 000 $, à compter de 2023 et pour les années d’imposition ultérieures. Nous prévoyons que cette mesure coûtera 11 millions de dollars sur six ans. Vous vous souviendrez peut-être que nous avons adopté l’an dernier une autre mesure pour les gens de métier, la déduction pour la mobilité de la main-d’œuvre. Les syndicats des métiers de la construction du Canada ont informé le Comité des finances nationales qu’ils appuient cette mesure qui, comme ils le disent, « redonne de l’argent directement aux travailleurs qui bâtissent notre pays ».

À l’alinéa c), le gouvernement élargit la règle sur les reventes précipitées de biens immobiliers résidentiels, que nous avons adoptée l’an dernier, afin d’inclure les cessions d’un contrat de vente. Des exceptions continueront à s’appliquer pour certains événements de la vie comme les décès, l’invalidité et les divorces. Cette mesure pourrait toucher environ 1 400 Canadiens par an et augmenter les recettes fiscales du gouvernement d’environ 1 million de dollars par an.

Comme il est expliqué à l’alinéa g) du sommaire, le gouvernement apporte des modifications à l’Allocation canadienne pour les travailleurs. Cette prestation est un crédit d’impôt remboursable qui s’ajoute aux revenus des travailleurs à revenu faible ou modeste. À l’heure actuelle, les bénéficiaires la demandent lorsqu’ils produisent leur déclaration de revenus. Cette mesure permettrait de verser automatiquement un paiement trimestriel anticipé de l’Allocation canadienne pour les travailleurs aux personnes qui y avaient droit l’année précédente. Le coût de cette proposition est estimé à 4 milliards de dollars sur six ans, dont 68 millions de dollars en frais administratifs.

Comme l’indique l’alinéa m) du sommaire, le gouvernement espère tirer 635 millions de dollars sur cinq ans de sa nouvelle mesure sur la vente à découvert et les opérations de couverture effectuées par les institutions financières du Canada. Cette mesure, qui a été annoncée dans le budget de 2022, vise à rendre le régime fiscal plus équitable. Le gouvernement sait que certaines institutions financières mettent en œuvre des mécanismes musclés de planification fiscale par lesquelles elles réclament une déduction sur les dividendes touchés lorsque celle-ci donne lieu à un avantage fiscal non prévu.

Je tiens aussi à parler de l’alinéa p) de la partie 1 dans le sommaire du projet de loi, parce que nous avons adopté le projet de loi C-228 en avril dernier. Le gouvernement permet ici aux régimes de retraite à prestations déterminées d’emprunter une somme supplémentaire correspondant à 20 % de leurs actifs. Les administrateurs des régimes doivent continuer de respecter les dispositions des lois fédérales et provinciales sur les normes relatives aux prestations, qui font en sorte que les caisses de retraite sont bien administrées, que les investissements se font de façon réfléchie et prudente et que le financement du régime respecte les normes prescrites. Cette modification donnera toutefois une plus grande marge de manœuvre aux administrateurs pour mettre en œuvre leurs stratégies d’investissement et de liquidité.

Je sais que je ne fais qu’effleurer le sujet, mais il s’agit là de 5 des 17 mesures de la partie 1 qui modifient la Loi de l’impôt sur le revenu.

Passons maintenant à la partie 2, qui comprend quatre mesures relatives à la taxe sur les produits et services ou à la taxe de vente harmonisée.

La première mesure clarifie le traitement de la TPS/TVH s’appliquant au minage de cryptoactifs en prévoyant que lorsqu’une personne effectue des activités de minage — soit seule, soit dans le cadre d’un groupe de minage dans lequel les mineurs partagent les produits de l’activité —, cette personne ne serait pas tenue de percevoir la taxe sur la fourniture de ses services de minage et n’aurait pas non plus le droit de récupérer la TPS/TVH payée sur les intrants de ces services de minage.

Par exemple, l’entreprise Digital Asset Mining Coalition a comparu devant le Comité des banques et le Comité des finances nationales et a fait valoir que cette mesure pourrait avoir des conséquences inattendues et rendre les entreprises informatiques canadiennes moins concurrentielles sur le marché international. Elle demande une exception aux changements proposés au traitement de la TPS afin d’indiquer clairement que si une entreprise canadienne fournit sa puissance informatique à un exploitant de groupe de minage qui est un non-résidant du Canada, les règles ordinaires en matière de TPS s’appliquent à cette entreprise.

Dans notre rapport, les sénateurs du Comité des banques ont écrit ceci :

Le comité déplore le fait que, malgré les consultations menées par le ministère des Finances Canada en 2022 sur ce sujet, il y a encore de l’ambiguïté sur sa mise en œuvre. Le comité recommande que le ministère consulte de nouveau les intervenants, notamment pour répondre aux préoccupations de Digital Asset Mining Coalition.

La ministre Freeland a déclaré ce qui suit au Comité des finances nationales :

Le ministère des Finances a toujours dit aux entreprises d’informatique et à leurs représentants que les mesures proposées ne les priveront d’aucun crédit d’impôt auquel leur donnent normalement droit les règles régissant la TPS et la TVH, puisque ces entreprises ne reçoivent pas de primes de minage de la part d’une coopérative de minage, elles vendent leurs services à prix fixe.

Dans la partie 2, le gouvernement entend également préciser que la TPS et la TVH s’appliquent aux services de compensation des cartes de paiement. Tout le monde estimait que cela avait toujours été le cas, mais les tribunaux ont conclu dernièrement que non. Le gouvernement souhaite donc à mettre les pendules à l’heure et revenir à l’ancienne politique, selon laquelle ces services sont de nature administrative, ce qui les exclut de la définition de « services financiers » pour les fins de la TPS et de la TVH.

De toutes les mesures étudiées pendant les réunions du Comité des finances nationales et de celui des banques, je crois que c’est celle qui a le plus retenu l’attention. C’est en tout cas celle-là qui a laissé le plus de gens perplexes. Pour tout dire, je m’inquiète aussi de la nature rétroactive de cette mesure, mais je comprends le raisonnement du gouvernement.

Celui-ci estime que la rétroactivité permettra de protéger les recettes tirées de la TPS et de la TVH et d’éviter qu’à cause de la décision des tribunaux, les émetteurs de cartes de paiement, comme les banques, qui achètent ces services, ne fassent de bénéfices inattendus. Elle protège en outre les entreprises qui fournissent ces services et qui ont déjà réclamé des crédits d’impôt, ce qu’elles avaient le droit de le faire, mais qui pourraient aujourd’hui les perdre. Selon les calculs du gouvernement, cette mesure devrait permettre d’éviter l’équivalent de 195 millions de dollars en bénéfices inattendus. Je suis convaincu que d’autres sénateurs reviendront sur le sujet.

(1530)

Passons à la partie 3 du projet de loi, qui ne contient que deux mesures. La section 1 prévoit de plafonner temporairement l’ajustement inflationniste des taux du droit d’accise applicables à la bière, aux spiritueux et au vin à 2 %, pour un an seulement, à compter du 1er avril 2023. Comme vous le savez, les droits d’accise applicables à l’alcool sont automatiquement indexés selon l’inflation de l’Indice des prix à la consommation, le 1er avril de chaque année. Nous savons que l’industrie a fait du lobbying auprès du gouvernement pour apporter ce changement, et que les secteurs de la restauration et du tourisme se réjouissent de ce gel fiscal. Vous vous souviendrez peut-être que, lorsque le mécanisme d’indexation a été instauré en 2017, le projet de loi d’exécution du budget de l’époque a été amendé au Sénat pour le retirer. Toutefois, l’amendement a ultimement été rejeté par la Chambre des communes. Je n’étais pas sénateur à ce moment-là, mais il se trouve que le Sénat avait peut-être raison, il y a cinq ans.

En outre, le gouvernement veut accroître de 32,85 % le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Il s’agit des frais payés par les passagers lorsqu’ils achètent des billets d’avion. Les fonds récoltés servent à financer le système de sécurité du transport aérien, y compris l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. La dernière fois que le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien a été augmenté, c’était en 2010, et l’augmentation s’élevait à 52,4 %. Le gouvernement estime que les frais pour un voyage aller-retour à l’intérieur du Canada passeront de 14,96 $ à 19,87 $. Le gouvernement s’attend à ce que cette mesure lui procure 1,25 milliard de dollars de recettes au cours des cinq prochaines années. Cette mesure entrera en vigueur à partir du 1er mai 2024.

J’aimerais maintenant prendre quelques instants pour parler de la partie 4 du projet de loi C-47, qui comprend 39 sections, dont 36 ont été renvoyées à huit comités sénatoriaux pour y être examinées, en tout ou en partie. Je tiens à les remercier pour l’important travail qu’ils ont fait. Vos rapports m’ont été très utiles en tant que parrain.

Je le répète, pour épargner du temps et ménager ma santé mentale — et peut-être même la vôtre —, je ne vais pas parler de chacune des sections de la partie 4. Je vais me concentrer sur celles que je trouve les plus importantes et qui ont généré le plus d’intérêt parmi nos collègues.

À la section 1, le gouvernement modifie la Loi sur les banques afin de créer un seul organisme externe à but non lucratif de traitement des plaintes afin que les Canadiens aient accès à un processus équitable et impartial pour traiter les plaintes non réglées avec leur banque. En ce moment, il y a deux organismes, et les banques peuvent choisir celui des deux qui recevra les plaintes.

Le gouvernement compte choisir le nouvel organisme plus tard cette année en fonction de la recommandation du commissaire de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada à la suite d’un processus de sélection mené par cette agence. Les témoins qui ont comparu devant le Comité des banques ont bien accueilli la création de ce nouvel organisme. Je crois moi aussi que c’est une bonne idée.

Dans son rapport, notre comité convient que :

[...] le passage à un seul organisme externe de traitement des plaintes est à l’avantage des consommateurs, mais recommande d’envisager l’imposition d’une date butoir, par exemple une année après l’octroi de la sanction royale, pour désigner l’organisme externe [...]

Nous demandons aussi que l’Agence de la consommation en matière financière du Canada :

[...] use de ses pouvoirs pour s’assurer qu’il est assujetti aux normes les plus élevées en matière de transparence et de reddition de comptes et qu’il soit juste pour toutes les parties.

Dans la partie 5, le gouvernement retire indéfiniment le tarif de la nation la plus favorisée à la Russie et au Bélarus. Ce n’est pas une mesure controversée ni une mesure qui a attiré beaucoup d’attention, mais je pense que cela vaut la peine d’en parler, compte tenu du conflit en cours en Ukraine. Cette mesure atteint l’objectif politique d’inciter les importateurs à s’approvisionner ailleurs qu’en Russie et au Bélarus. Il convient de souligner qu’en mars 2022, le Canada a été le premier pays à retirer à la Russie et au Bélarus le statut d’admissibilité au tarif de la nation la plus favorisée. Depuis, de nombreux autres pays ont suivi notre exemple.

La section 6 modifie la Loi sur la Banque du Canada. Peut-être vous souvenez-vous qu’en réponse aux tensions que causait la pandémie sur les marchés financiers, la banque a mis en place le Programme d’achat d’obligations du gouvernement du Canada, le premier programme d’assouplissement quantitatif du Canada. Comme les taux d’intérêt ont augmenté, la banque subit maintenant des pertes nettes d’intérêt. Selon la loi, la banque doit remettre au gouvernement tout excédent ou bénéfice qu’elle génère. Les changements proposés permettront à la banque de conserver les bénéfices futurs jusqu’à ce que les pertes liées au Programme d’achat d’obligations du gouvernement du Canada aient été couvertes, ce qui l’aidera à rétablir la situation de capitaux propres négatifs. L’Australie a fait la même chose.

La prochaine section dont je souhaite parler me semble arriver à point nommé. À la section 7 de la partie 4, le gouvernement crée la Corporation d’innovation du Canada, ou CIC. Cette nouvelle société d’État aura pour mandat de maximiser les investissements des entreprises canadiennes dans la recherche et le développement dans l’ensemble des secteurs de l’économie et des régions du Canada ainsi que de promouvoir une croissance économique axée sur l’innovation, notamment en travaillant avec les entreprises dans le but de promouvoir la création et la conservation d’actifs incorporels au Canada. Avant de présenter le projet de loi, le gouvernement a mené de vastes consultations auprès de parties prenantes pendant l’été et l’automne 2022.

La Corporation d’innovation du Canada sera gérée par des experts du secteur privé et fonctionnera à la vitesse des affaires. Elle sera financée par un transfert annuel prévu par la loi, ce qui lui donnera une certaine régularité et une stabilité opérationnelle et lui permettra d’établir des partenariats durables avec le secteur privé. Son budget initial sera de 2,6 milliards de dollars sur quatre ans.

Le Comité des banques a examiné cette section du projet de loi. L’évaluation de nos délibérations en comité me donne le sentiment que les sénateurs, moi y compris, veulent s’assurer que la nouvelle société ne répétera pas les erreurs de la Banque de l’infrastructure, qui a mis du temps à prendre son envol. À ce titre, nous avons suggéré dans notre rapport que le gouvernement procède à une évaluation de la CIC trois ans après sa création afin de déterminer si elle a réussi à remplir son mandat et qu’il publie les résultats de cette évaluation approfondie dans son rapport annuel.

La partie 4 du projet de loi comporte quatre sections relatives aux politiques et programmes du Canada en matière d’immigration et de citoyenneté.

Par exemple, la section 17 propose de modifier la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés afin de permettre au ministre de donner des instructions afin de plafonner le nombre de demandes de réfugiés parrainées par le secteur privé et présentées par des groupes de cinq personnes ou un répondant communautaire.

L’absence de plafond a entraîné une augmentation du nombre de demandes et l’allongement des délais de traitement. Le gouvernement estime que cette mesure permettra aux réfugiés et à leurs répondants de bénéficier de délais de traitement plus courts et plus prévisibles.

Le Comité des affaires sociales craint qu’imposer un plafond aux demandes de parrainage privé de réfugiés en guise de stratégie de gestion de l’arriéré :

[...] ait pour effet de priver certaines des personnes les plus vulnérables se trouvant dans des situations dangereuses et à haut risque de la possibilité [de]demander la protection du Canada.

La section 19 propose des modifications à la Loi sur la citoyenneté dans le but d’améliorer le service à la clientèle en général. Si le projet de loi est adopté, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, pourra administrer et appliquer le programme de citoyenneté par des moyens électroniques, demander à ce que le traitement des demandes et la prestation des services se fassent en ligne, et recueillir et utiliser des renseignements biométriques sur les clients pour pouvoir confirmer leur identité et vérifier leurs antécédents criminels de façon rapide et fiable. On espère que ces changements aideront IRCC à mettre en œuvre un programme plus efficace et mieux adapté aux besoins des nouveaux arrivants en tirant parti des nouvelles technologies pour accélérer le traitement. Avec ces modifications, les demandes en ligne deviendront la norme, on utilisera des outils décisionnels automatisés et assistés par ordinateur afin de traiter les demandes plus rapidement, et on pourra également prélever les empreintes digitales des clients et prendre des photos numériques des clients.

Dans son rapport, le Comité des affaires sociales a exprimé certaines craintes concernant le recours au traitement automatisé et assisté par ordinateur. Il a écrit ceci :

Les préjugés dans l’intelligence artificielle, l’automatisation et d’autres outils d’aide automatisés ont été bien documentés, en particulier contre les personnes racisées et autres populations vulnérables [...] [C]e comité craint que ces outils et leurs méthodes de tri n’influencent les décisions finales prises par les fonctionnaires.

Le comité demande au gouvernement de créer et de mettre en œuvre des mesures de protection pour encadrer l’utilisation d’outils de prise de décision assistée par ordinateur dans ce programme, afin d’éviter que des préjugés aient une influence négative sur les décisions relatives aux demandes dans le cadre du programme. Je pense qu’il s’agit là d’une observation très judicieuse et réfléchie, à laquelle je souscris totalement.

Plusieurs modifications sont proposées à la Loi sur les transports au Canada pour améliorer la communication de renseignements entre le gouvernement du Canada et les entités prenant part aux chaînes d’approvisionnement du transport.

En outre, la section 22 propose de faire passer temporairement de 30 à 160 kilomètres la limite d’interconnexion ferroviaire en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba en vue de renforcer la dynamique concurrentielle et d’offrir aux expéditeurs d’autres options en matière de taux et de services.

Il s’agit d’un nouveau projet pilote, qui s’appuie sur un projet pilote similaire mené entre 2014 et 2017, et qui répond directement à une recommandation du Rapport final du Groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement 2022.

Les compagnies ferroviaires canadiennes mettent en doute la valeur de cette mesure et s’y opposent par crainte qu’elle les rende moins concurrentielles par rapport aux compagnies américaines. C’est un argument valable, que je comprends, mais nous devons nous rappeler que le projet pilote se limite aux provinces des Prairies et vise à recueillir des données pour évaluer l’utilité de prolonger les limites d’interconnexion. Par contre, les représentants de la Canadian Canola Growers Association, laquelle représente 43 000 producteurs de canola, accueillent favorablement cette modification et nous ont dit, au comité, que « [...] ce système avantagerait aussi les secteurs miniers, de l’engrais, de la foresterie et des biens de consommation. » De plus, dans son rapport, le Comité des transports et des communications souligne que « Les mémoires soumis par les intervenants du milieu du transport ferroviaire donnent à penser qu’il n’y a pas de consensus sur les dispositions relatives à l’extension de l’interconnexion. »

(1540)

La section 23 fait beaucoup parler et je remercie le Comité des transports et des communications du travail qu’il a effectué au sujet des modifications proposées à la Loi sur les transports au Canada afin de renforcer les droits des passagers aériens, de simplifier le processus d’administration des plaintes relatives au transport aérien et de faire passer du gouvernement à l’industrie une partie du fardeau financier.

L’objectif global de ces changements est de permettre à l’Office des transports du Canada de s’acquitter de son mandat plus efficacement et de récupérer adéquatement, auprès de l’industrie, les coûts d’administration du régime des droits des passagers aériens.

Ces changements sont proposés en réponse aux difficultés que nous avons pu observer l’an dernier concernant les transporteurs aériens et les aéroports. Cette section comporte de nombreuses dispositions, la plus importante étant peut-être la réforme du processus actuel de règlement des différends en ce qui a trait aux plaintes des passagers.

Le gouvernement soutient que les droits des passagers aériens seront mieux protégés, car ces modifications permettront de simplifier et de renforcer le système en rendant le régime moins complexe et moins ambigu, entre autres parce que, dorénavant, en cas de retard ou d’annulation, les indemnités seront automatiques, à moins que lesdits retards et annulations soient causés par l’une des exceptions prévues dans le règlement d’application. C’est ce point qui a suscité des interrogations dans le milieu du transport aérien.

Le Conseil national des lignes aériennes du Canada, qui a comparu la semaine dernière devant le Comité des finances nationales, estime par exemple que la sécurité doit être le grand principe directeur pour déterminer les exceptions permettant aux lignes aériennes de ne pas payer d’indemnités au-delà du simple remboursement et de l’obligation de diligence. Dans son mémoire, NAV CANADA demande que :

[...] les décisions en matière de sécurité entraînant des retards ou des annulations par tout acteur du système — y compris les compagnies aériennes — [continuent] à être protégées contre les exigences en matière d’indemnisation

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la sécurité sera toujours la priorité numéro un du gouvernement, et c’est ce qu’ont confirmé les représentants que nous avons rencontrés la semaine dernière.

Le Conseil national des lignes aériennes du Canada estime en outre que la responsabilité et la reddition de comptes devraient être partagées par toutes les entités de l’écosystème du transport aérien, mais NAV CANADA, de son côté, souhaite échapper à toute responsabilité financière, qu’il s’agisse de remboursements ou d’indemnités. De toute évidence, il y aura beaucoup de détails à régler dans le règlement d’application, mais je fais confiance à Transports Canada pour consulter adéquatement les parties concernées afin d’avoir leurs commentaires et suggestions.

Le Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense s’est penché sur la section 24, qui modifie la Loi sur les douanes et donne suite à certaines priorités de l’Agence des services frontaliers du Canada en ce qui concerne l’Initiative de modernisation des programmes pour les voyageurs. Cette mesure a pour but d’accélérer les contrôles frontaliers et de faciliter la vie des voyageurs qui arrivent au Canada en leur offrant notamment plus de services informatisés en libre-service et en simplifiant les modalités de vérification de leur identité.

Dans son rapport, on peut lire que le comité « appuie le principe de l’utilisation de la technologie pour faciliter le traitement des voyageurs arrivant au Canada » et que cette approche « pourrait améliorer l’expérience des voyageurs et favoriser une meilleure affectation des ressources de l’ASFC ». Les témoins ont fait quelques observations sur quatre questions d’intérêt général, à savoir la protection des renseignements personnels, les différentes répercussions selon les catégories de voyageurs, la sécurité frontalière en général et les consultations auprès du syndicat des agents des services frontaliers.

Les modifications de la section 27 donnent suite aux recommandations du commissaire à l’environnement et au développement durable, qui a relevé des lacunes dans la surveillance des produits de santé naturels. Les mesures que propose le gouvernement modifieraient la Loi sur les aliments et drogues de façon à élargir la définition de « produit thérapeutique » pour qu’elle s’applique aussi aux produits de santé naturels. Ces changements permettront à Santé Canada de recueillir plus facilement de l’information et d’intervenir rapidement en cas de risque grave pour la santé.

Le secteur des produits de santé naturels n’est pas content de ces changements, mais comme l’a expliqué le gouvernement, Santé Canada a constaté des cas de non-respect du Règlement sur les produits de santé naturels au sein de l’industrie, qui entraînent des risques pour la santé et la sécurité. De tels cas sont constatés alors que les Canadiens utilisent de plus en plus fréquemment ces produits.

Par exemple, l’Association canadienne des aliments de santé soutient que Santé Canada n’a pas consulté adéquatement les intervenants et considère que les changements sont précipités, mais elle garde tout de même espoir que les intervenants finiront par avoir une occasion réelle de donner leur avis pendant le processus de réglementation. Comme elle l’a affirmé, une approche adéquate en matière de consultations fait en sorte que les décisions prises au sujet des produits de santé naturels sont éclairées, équilibrées et dans l’intérêt des Canadiens.

Je suis certain que le gouvernement est d’accord et que Santé Canada mènera des consultations justes et adéquates.

À la section 28, le gouvernement propose d’interdire les essais de cosmétiques sur des animaux au Canada, les allégations trompeuses sur l’étiquette de cosmétiques concernant les essais sur des animaux et la vente de cosmétiques dont la sûreté ne peut être établie sans avoir recours à des données tirées d’essais conduits sur des animaux, avec certaines exceptions. Ces exceptions feront en sorte que les produits cosmétiques déjà offerts demeurent sur le marché et que l’interdiction proposée ne viendra pas interférer avec les autres régimes législatifs au Canada dans les secteurs où les essais sur les animaux sont toujours requis pour faire la preuve de l’innocuité de certains produits.

L’interdiction proposée par Santé Canada est inspirée de celle de l’Union européenne. Le Canada se joindra à 41 pays qui ont déjà mis en place cette mesure. Je suis certain que notre ancienne collègue la sénatrice Stewart Olsen appuierait cette mesure, parce qu’elle défendait les droits des animaux et qu’elle avait présenté un projet de loi visant à interdire les essais de cosmétiques sur des animaux il y a quelque temps.

La section 30 mérite d’être mentionnée parce qu’elle introduit une norme sur les motifs raisonnables de soupçonner dans la Loi sur la Société canadienne des postes, ce qui donne suite à une décision de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador. Cela me donne également l’occasion de citer le rapport du Comité sénatorial des affaires juridiques :

Le comité note que les restrictions imposées sur l’ouverture du courrier sont plus sévères pour Postes Canada que pour les autres transporteurs privés exerçant des activités au Canada [...] De plus, ces règles empêchent la police d’ouvrir et de saisir toute lettre ou tout autre courrier pris en charge par Postes Canada.

Le rapport indique que les modifications proposées dans la loi d’exécution du budget ne règlent pas la question de la contrebande, en particulier du fentanyl, effectuée au moyen de lettres envoyées par Postes Canada. Les sénateurs demandent au Parlement et au gouvernement du Canada d’accorder une attention urgente à la résolution de ces problèmes. Je connais un sénateur qui a peut-être déjà une solution.

La section 31 modifiera la Loi sur les titres royaux et donnera à notre nouveau roi un titre canadien différent de celui de sa mère. Contrairement à la reine Élisabeth, le titre royal du roi Charles au Canada ne fera aucune référence au Royaume-Uni ni à son rôle de défenseur de la foi.

La section 32, qui traite du Fonds de croissance du Canada, m’intéresse beaucoup. Le Comité des finances nationales s’est penché sur le Fonds de croissance du Canada l’automne dernier, dans le cadre de la Loi de mise en œuvre de l’énoncé économique d’automne, le projet de loi C-32. De nombreuses questions qui étaient restées sans réponse à l’époque sont maintenant résolues. La grande nouveauté, c’est que le gouvernement a décidé de confier à l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public la gestion des actifs du Fonds de croissance du Canada et de remplir le mandat du fonds, qui est d’attirer des capitaux privés dans l’économie propre du Canada.

La section 32 augmentera également le montant que le ministre des Finances peut prélever sur le Trésor pour acquérir des actions du Fonds de croissance du Canada, jusqu’à concurrence de 15 milliards de dollars au total. Il convient de mentionner que le fonds sera indépendant du gouvernement.

Le Fonds de croissance du Canada utilisera des instruments d’investissement qui absorbent certains risques afin de catalyser les investissements privés dans des projets, des technologies, des entreprises et des chaînes d’approvisionnement à faible émission en carbone. L’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public a été choisi pour que le Fonds de croissance du Canada puisse agir rapidement et commencer à investir à court terme.

En réponse à la question que je lui ai posée lors de sa comparution devant le Comité des finances nationales, la ministre des Finances a expliqué que pour fournir un financement concessionnel comme il se doit afin que la transition verte se fasse à la vitesse et à l’échelle nécessaire, il faut faire appel à des professionnels de l’investissement. Voici ce qu’elle a dit :

Ces professionnels possèdent une longue expérience dans le domaine et font ce genre d’opérations au quotidien. C’est pour cette raison que le gouvernement a confié ce mandat à l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, ou Investissements PSP, qui fait des investissements professionnels tous les jours.

La ministre a ajouté qu’en confiant cette responsabilité à Investissements PSP :

[...] les Canadiens et le gouvernement du Canada bénéficieront du travail d’investisseurs professionnels de calibre mondial qui feront fructifier notre argent.

En juin de l’année dernière, lorsque je suis intervenu au sujet du projet de loi C-19, le projet de loi d’exécution du budget de 2022, j’ai expliqué qu’il est nettement plus facile de répartir la richesse que d’attirer et de créer de la richesse. J’ai exhorté le gouvernement à présenter un plan pour remédier à la faiblesse de sa productivité et de sa croissance. Un an plus tard, j’estime que le Fonds de croissance du Canada, ainsi que la Corporation d’innovation du Canada, constituent des solutions partielles à ce problème.

Par ailleurs, je reconnais que le gouvernement fait ces investissements ciblés. S’ils sont bien gérés, ces milliards de dollars qui seront injectés dans l’économie canadienne pourraient vraiment stimuler la croissance, augmenter la productivité des entreprises, améliorer la compétitivité du Canada et l’aider à faire la transition vers une économie carboneutre. J’ose espérer que ces deux entités collaboreront avec l’ensemble des partenaires concernés pour assurer leur réussite.

Nous passons à la section 34. Je suis persuadé que la sénatrice Ringuette était ravie de la voir incluse dans le projet de loi d’exécution du budget. Cette section réduira le taux d’intérêt criminel d’un taux annuel effectif de 60 % à un taux annuel de 35 %. Grâce à cette réduction, les Canadiens qui utilisent des produits de crédit à coût élevé devront payer des frais d’intérêts moins élevés.

(1550)

Voici ce que recommande le Comité sénatorial des affaires juridiques dans son rapport :

[d’]avoir un taux d’intérêt criminel clair et cohérent, fixé à un niveau raisonnable, afin de protéger les Canadiens contre les pratiques de prêt injustes ou problématiques [...]

... c’est de la plus haute importance, particulièrement parce que les personnes les plus marginalisées sur le plan économique recourent à ces prêteurs « [...] et risquent de rester piégées dans des cycles d'endettement ».

À la section 35, le gouvernement appuie les travailleurs saisonniers qui demandent des prestations d’assurance-emploi, en faisant un investissement d’approximativement 147 millions de dollars sur trois ans pour prolonger l’application des règles temporaires actuelles qui prévoient le versement de jusqu’à cinq semaines additionnelles de prestations régulières, jusqu’à concurrence de 45 semaines. Cette mesure qui s’applique dans 13 régions cibles est prolongée jusqu’au 26 octobre 2024.

Cette politique temporaire a initialement été introduite en 2018 et a été reconduite depuis. Les sénateurs qui siègent au Comité des affaires sociales attendent avec impatience l’élaboration d’une solution plus permanente. On prévoit qu’environ 60 000 travailleurs bénéficieront de cette prolongation.

La section 37 modifie la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada afin d’autoriser le ministre des Finances à augmenter la limite de protection de l’assurance-dépôts jusqu’au 30 avril 2024. Un pouvoir similaire a été accordé au ministre pendant la pandémie, mais n’a jamais été utilisé; toutefois, il est à nouveau demandé en raison des récents développements dans le secteur financier mondial.

Certains ont fait valoir que cette mesure envoie le message que notre secteur bancaire est instable. Soyez assurés, chers collègues, que nos banques sont saines et stables. Il ne s’agit que d’une mesure de précaution et d’un pouvoir temporaire, au cas où quelque chose se produirait.

Des fonctionnaires l’ont confirmé au Comité des banques :

Les banques canadiennes sont très bien réglementées, elles sont très résilientes et solides, mais il y a eu des perturbations aux États-Unis, et la ministre a pensé qu’il serait prudent de mettre en place une mesure temporaire.

Le gouvernement estime que cette mesure est nécessaire pour assurer la confiance des consommateurs dans le système bancaire. Selon moi, il est improbable que ce pouvoir soit utilisé.

La dernière section dont je souhaite parler est la section 39, qui propose d’établir un régime national uniforme relativement à l’utilisation, à la collecte, à la communication et à la conservation de renseignements personnels par les partis politiques fédéraux en modifiant la Loi électorale du Canada. Il convient de noter que les partis politiques ont déjà des politiques en matière de protection des renseignements personnels en place qui comprennent six éléments précis.

Dans son témoignage devant le Comité des affaires juridiques, le directeur général des élections a dit que ces nouvelles exigences amélioreront la transparence quant à la façon dont les partis politiques gèrent les renseignements personnels, mais que le projet de loi n’impose pas de normes minimales. Il ne prévoit pas, non plus, de mécanismes permettant de vérifier si les partis respectent leurs politiques et imposent des sanctions en cas de manquement.

Dans son rapport, le comité nous rappelle ceci : « L’amendement crée un cadre pour un futur régime potentiel. Il n’établit pas réellement un tel régime. »

Certains diront peut-être que cette section n’est pas assez rigoureuse, qu’elle ne va pas assez loin, que les choses ne vont pas assez vite. Je presse donc le gouvernement d’en faire une priorité sans plus tarder. Nos collègues auront peut-être quelque chose à ajouter là-dessus.

Honorables sénateurs, voici en gros quelques-unes des mesures que contient le projet de loi C-47. Comme je l’ai dit au début, le temps de parole limité ne me permet que d’effleurer le contenu du projet de loi. Je suis d’ailleurs content d’avoir seulement effleuré le sujet parce qu’il est assez épuisant de parler pendant 45 minutes. Vous êtes sûrement contents, vous aussi, que je n’aie pu aborder que la moitié des mesures prévues, mais vous avez sans doute lu les 430 pages du projet de loi et vous en savez certes assez pour voter en faveur du projet de loi C-47.

Avant de conclure, je voudrais faire deux remarques finales. Tout d’abord, comme vous le savez peut-être, le projet de loi a été amendé à l’autre endroit. Vous vous souviendrez que les deux principales dispositions du projet de loi C-46, que nous avons adopté le mois dernier, figuraient également dans le projet de loi C-47. Ces deux mesures — le transfert de 2 milliards de dollars aux provinces et aux territoires au titre de la santé et les 2,5 milliards de dollars pour l’augmentation ponctuelle du crédit pour la TPS, également connu sous le nom de remboursement pour l’épicerie — ont effectivement été retirées de la loi d’exécution du budget par le biais de dispositions de coordination.

En second lieu, je souhaite également faire part de ma déception, une fois de plus, quant à la nature et à la taille des projets de loi budgétaires. Je suis sûr que de nombreux sénateurs seront d’accord avec moi pour dire que les mesures non budgétaires ne devraient pas figurer dans les lois d’exécution du budget. En fait, dans leurs rapports d’étude préliminaire du projet de loi C-47, les comités ont exprimé des frustrations similaires.

Comme l’a écrit le Comité des transports et des communications :

En l’absence d’un lien clair avec la politique budgétaire du gouvernement, le comité espère qu’à l’avenir, un tel contenu [...]

 — c’est-à-dire les changements comme ceux inclus dans les sections 22 et 23 —

[ ...] fera l’objet d’un projet de loi distinct.

Le Comité des affaires juridiques est du même avis et a souligné que « les modifications aux lois criminelles devraient faire l’objet d’un projet de loi distinct afin d’en permettre une étude approfondie ».

Je comprends que c’est une pratique de longue date, et c’est un thème qui revient année après année, mais les projets de loi omnibus ne sont pas idéaux. Certaines mesures, comme la nouvelle loi visant à créer la Corporation d’innovation du Canada, les changements au processus de plaintes portées par les passagers aériens ou les modifications à la Loi sur la citoyenneté, mériteraient probablement leur propre projet de loi. Néanmoins, je pense tout de même que nos comités ont fait de l’excellent travail et qu’ils ont examiné comme il faut la teneur du projet de loi. Ils ont entendu les préoccupations de beaucoup d’intervenants concernés et ils ont reçu des dizaines de mémoires.

Je les remercie encore une fois de leur excellent travail.

En terminant, honorables sénateurs, le projet de loi C-47 est un bon projet de loi. En tant que sénateur indépendant n’ayant aucun lien avec le parti au pouvoir...

Une voix : Oh, oh!

Le sénateur Loffreda : ... ce fut pour moi un honneur de parrainer le projet de loi au Sénat. Est-il parfait?

Une voix : Non.

Le sénateur Loffreda : Bien sûr qu’il ne l’est pas. Aucun projet de loi n’est parfait, à l’exception peut-être de celui que je parraine, le projet de loi S-259, qui porte sur le Mois du patrimoine hellénique. Celui-là est peut-être parfait. Je blague.

Je crois quand même que le gouvernement a présenté une série de modifications et de nouvelles mesures qui bénéficieront aux Canadiens et à de nombreux secteurs de notre économie. Elles indiqueront clairement que nous sommes sur la voie d’une croissance accrue, de meilleurs résultats économiques et de changements sociaux positifs.

J’invite humblement tous les sénateurs à voter en faveur du renvoi du projet de loi C-47 au Comité des finances nationales aujourd’hui afin que nous puissions en commencer l’étude article par article. Merci.

Son Honneur la Présidente : Je vois que deux sénateurs se sont levés pour poser des questions. Je vais commencer par le sénateur Gignac, puis ce sera au tour de la sénatrice Batters. Le sénateur Loffreda accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Loffreda : Oui, avec plaisir.

[Français]

L’honorable Clément Gignac : Sénateur Loffreda, merci d’avoir accepté de répondre à la question. Félicitations pour le leadership que vous avez montré à titre de parrain de ce projet de loi.

J’ai appris que c’est compliqué de demander un amendement à un projet de loi, surtout quand on parle de la loi d’exécution du budget; c’est arrivé trois fois seulement depuis 2009. J’ai bien compris que je ne présenterai pas d’amendement à la loi d’exécution du budget.

Cependant, je voudrais vous interpeller sur les articles 114 à 116 du projet de loi. Vous avez fait référence au seuil de l’application de la TPS et au service de compensation des cartes de paiement. Pour les collègues qui nous écoutent, il faut bien comprendre que le gouvernement fédéral a perdu devant la Cour d’appel fédérale en janvier 2021, puisque, dans le fond, ces cartes de paiement ne sont pas imposables et sont considérées comme non taxables, puisque ce sont des services financiers. Or, le gouvernement prétend qu’il s’agit plutôt d’un service administratif.

Êtes-vous à l’aise avec une observation que l’on pourrait inclure à la fin de notre rapport et qui affirmerait que c’est totalement inacceptable que le gouvernement fédéral ait attendu 26 mois, après qu’il a perdu devant la cour d’appel, pour présenter une mesure dans le budget? Qui plus est, cette mesure est rétroactive et pourrait reculer jusqu’en 1991. Quel est votre degré de confort à cet égard, et accepteriez-vous au minimum que le comité présente une observation?

Le sénateur Loffreda : Merci pour la question, sénateur Gignac. Comme vous le savez, nous siégeons tous les deux au comité et on y a discuté de ce point à maintes reprises. Le comité a reçu des représentants du ministère des Finances, qui nous ont expliqué que cette mesure ne devrait pas être une surprise pour les banques et que la rétroactivité était quelque chose de raisonnable, à leur avis. Selon eux, c’est tout à fait raisonnable, parce que c’est une chose à laquelle les banques devraient s’attendre, parce que cela n’avait jamais été acceptable comme tel. Je fais tout à fait confiance à notre ministère des Finances et à notre Comité des finances nationales. J’accepte que nous ajoutions une observation, parce que c’est une observation comme telle.

[Traduction]

Présenter une mesure législative 26 mois après une décision de la cour représente un délai qui devrait être jugé inacceptable. Agir de façon rétroactive est préoccupant. L’indépendance de notre système judiciaire est aussi préoccupante. J’ai confiance que les représentants du ministère des Finances qui ont comparu devant nous et qui nous ont expliqué que cela ne devrait pas surprendre les banques et qu’on leur avait dit que ce n’était pas permis. Il s’agit d’une manne de 195 millions de dollars pour les banques. Je crois qu’une observation minutieuse sera la bienvenue. Je crois qu’il y aura une discussion avec le gouvernement à ce sujet. J’ai hâte de voir votre observation.

(1600)

[Français]

Merci de votre question, sénateur Gignac.

[Traduction]

L’honorable Denise Batters : Sénateur Loffreda, vous avez mentionné au passage dans votre intervention qu’il y a une leçon à tirer de l’expérience de la Banque de l’infrastructure du Canada, car celle-ci a mis du temps à prendre son envol.

Selon ce que j’ai entendu dire, la Banque de l’infrastructure a déjà dépensé 35 milliards de dollars, mais aucun projet n’a encore été mené à terme. Savez-vous si c’est exact?

Le sénateur Loffreda : J’ai dit que, dans le cas de la loi d’exécution du budget, il faut éviter de répéter les erreurs qui ont été commises dans le dossier de la Banque de l’infrastructure. Or, comme vous le savez, la banque n’est pas visée par la loi d’exécution du budget. Ce n’est pas toujours aisé de démarrer ce type société. Les débuts ne sont jamais faciles. Il faut beaucoup d’efforts et de ressources et il faut que les bonnes personnes occupent les bons postes. Je suis convaincu que ce sera le cas pour la Corporation d’innovation du Canada. Dans le dossier du Fonds de croissance du Canada, les bonnes mesures ont été prises et on sait que ce fonds sera utile pour l’économie.

Pour revenir à la Banque de l’infrastructure, je ne crois pas que ce soit pertinent dans le cadre de l’étude actuelle, mais vous pourriez poser la question au gouvernement pendant la période des questions, et il pourra vous transmettre les données à jour. Je suis certain qu’elles existent. De mon côté, je préfère m’en tenir à la loi d’exécution du budget, et tous les éléments du budget n’ont pas nécessairement de lien avec celle-ci. Je suis disposé à répondre aux questions de nature économique s’il y en a, mais je laisserai le gouvernement répondre à celles sur la Banque de l’infrastructure.

L’honorable Pamela Wallin : Je voulais poursuivre, sénateur Loffreda, sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, c’est-à-dire le supplément imposé aux passagers, qui augmente de 33 %. Ce droit est payé exclusivement par les passagers. Vous avez dit qu’il générerait 1,25 milliard de dollars par année. Cet argent est censé être recyclé dans le système pour la sécurité et les améliorations, mais on me dit qu’il aboutit dans les coffres de l’État pour des dépenses liées à un large éventail de domaines. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Il s’agit encore une fois d’un cas où, parce qu’il s’agit d’un projet de loi distinct, nous n’avons pas eu le temps de l’examiner.

[Français]

Son Honneur la Présidente : Sénateur Loffreda, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Loffreda : Oui.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Merci de votre question, sénatrice Wallin. Les comités du Sénat se sont penchés sur cette question. Je pense qu’à peu près tout cet argent aboutit dans les coffres de l’État, mais je vous donnerai une réponse plus précise à ce sujet, ainsi qu’au comité qui a examiné cette partie du projet de loi.

La sénatrice Batters : J’ai remarqué que vous avez effleuré le fait que le Comité des affaires juridiques, dans son rapport, a fait des observations sérieuses indiquant à quel point nous trouvions inquiétant que des articles clés du droit pénal aient été inclus dans un projet de loi d’exécution du budget de 430 pages plutôt que dans des projets de loi distincts. Il s’agit notamment de certains des articles dont vous avez parlé.

Vous n’avez pas parlé de l’article sur les actifs numériques qui traite des modifications du Code criminel. Le Comité des affaires juridiques n’a même pas eu le temps d’entendre des témoignages à ce sujet. Ne conviendriez-vous pas que c’est préoccupant et que ce type de modifications du droit pénal devrait faire l’objet de projets de loi distincts plutôt que d’un projet de loi d’exécution du budget de 430 pages?

Le sénateur Loffreda : Merci. Comme je l’ai dit, aucun projet de loi n’est parfait. Il est maintenant pratique courante de présenter des projets de loi omnibus. Certes, je pense que certaines mesures devraient être présentées dans des projets de loi distincts. J’ai donné quelques exemples des mesures qui auraient pu être étudiées séparément. Les modifications dont vous avez parlé auraient peut-être dû l’être. Comme je l’ai dit, aucun projet de loi n’est parfait, mais il s’agit d’un bon projet de loi. Il permettra de soutenir les Canadiens et contribuera à renforcer l’économie. Je vous remercie de la question.

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je prends moi aussi la parole au sujet du projet de loi C-47, la loi d’exécution du budget. Je remercie le sénateur Loffreda d’avoir présenté ses observations et d’avoir passé en revue le projet de loi, ce que je n’aurai pas à faire maintenant. Je peux parler de l’économie, de l’état des finances publiques et de la situation des Canadiens.

Les Canadiens font face à de nombreux défis en cette période difficile. L’inflation a augmenté, ce qui a fait grimper le coût de la vie. Alors que l’inflation a commencé à reculer après avoir atteint un pic à 8,1 % en juin 2022 pour s’établir à 4,3 % en mars de cette année, il a rebondi en avril pour atteindre 4,4 %. Ce changement ne signifie pas que les prix sont à la baisse : l’augmentation des prix a tout simplement ralenti. Cependant, le prix des aliments demeure élevé, ce qui touche tous les Canadiens. En fait, l’inflation du coût des aliments demeure élevée, à un taux de 8,3 % en avril de cette année.

Pour composer avec la hausse du coût de la vie, bien des Canadiens ont réduit leur consommation d’aliments. Ils ont modifié leurs habitudes alimentaires et celles de leur famille. Certains Canadiens utilisent leur carte de crédit pour s’acheter de la nourriture. À une réunion récente du Comité des finances de la Chambre des communes, le PDG de la plus grande banque alimentaire du Canada, située à Toronto, a dit que son organisme recevait environ 60 000 visites chaque mois avant la pandémie. Pendant la pandémie, ce nombre a atteint 120 000 visites par mois, puis 270 000 visites en mars dernier.

Deuxième récolte, le service national qui récupère le surplus d’aliments comestibles que les entreprises ne peuvent pas utiliser et les distribue par l’entremise d’un réseau aux personnes qui en ont besoin, a mené un sondage auprès de 1 300 organismes à but non lucratif en décembre 2022 pour mieux comprendre la manière dont l’aide alimentaire est susceptible de changer en 2023. Les résultats du sondage indiquent que 2 millions de personnes par mois utilisaient ces services au Canada avant la pandémie. Ce chiffre est passé à 5 millions de personnes en 2022, et on s’attend à ce que 8 millions de personnes fassent appel à ces organismes en 2023, ce qui représente 20 % de la population du Canada. Autrement dit, un Canadien sur cinq aura probablement recours aux banques alimentaires ou à d’autres programmes d’aide alimentaire cette année. C’est certainement une statistique peu réjouissante.

Le gouvernement pense que l’économie se porte bien. S’il veut vraiment connaître l’état de l’économie, il devrait parler à quelques-uns des millions de Canadiens qui font la queue dans les banques alimentaires.

Les loyers ont également augmenté considérablement dans la plupart des villes et municipalités d’un bout à l’autre du pays. Selon un article de La Presse canadienne publié en avril, le prix des loyers au Canada a augmenté de plus de 10 % entre mars de l’année dernière et mars de cette année. Le prix moyen d’un loyer se situe à plus de 2 000 $. C’est à Vancouver qu’il faut payer le plus cher pour se loger : un appartement d’une seule chambre à coucher s’élève à 2 743 $, ce qui représente une augmentation de 17 % par rapport à l’an dernier. Il en coûte un peu moins cher pour se loger à Toronto, où un appartement d’une chambre à coucher se situe à 2 506 $, ce qui représente une augmentation de 19 % par rapport à l’an dernier. Selon le recensement de 2021, près de 5 millions de ménages canadiens louent leur logement. Par conséquent, l’augmentation des coûts de location des logements touche une partie importante de la population canadienne.

Afin d’atténuer les répercussions de la hausse du coût de l’épicerie et du loyer, le gouvernement accorde une aide financière. Par exemple, le projet de loi C-46 a fourni une aide financière à certaines familles pour les aider à payer l’épicerie fondée sur le programme de remboursement de la TPS. Toutefois, comme l’a dit le président-directeur général de la banque alimentaire Daily Bread Food Bank lors d’une récente réunion du Comité des finances de la Chambre des communes : « La prestation est certes utile, mais [...] ne réduira pas les files d’attente à l’extérieur des banques alimentaires au Canada. »

De son côté, la présidente-directrice générale de la banque alimentaire Mississauga Food Bank a dit : « Tout l’argent qui va dans les poches des personnes pauvres est bienvenu [...], mais ce remboursement ne changera pas grand-chose au bout de la semaine ou du mois où il sera reçu. »

Le remboursement pour l’épicerie est fondé sur le remboursement de la TPS. Cette aide a été fournie à 11 millions de bénéficiaires considérés par le gouvernement comme ayant des revenus faibles ou modestes. Autrement dit, 30 % de la population a reçu une aide financière pour acheter de la nourriture. Cela s’ajoute à l’aide fournie par les banques alimentaires.

(1610)

Le projet de loi C-31, adopté l’année dernière, a permis aux locataires répondant aux critères du programme de recevoir 500 $. Le gouvernement avait estimé que 1,8 million de locataires seraient admissibles au programme et qu’il coûterait, au total, 1,2 milliard de dollars. Soulignons que près de 5 millions de ménages sont locataires et que 36 % des locataires ont reçu une aide financière dans le cadre de ce programme, une autre statistique qui donne à réfléchir.

Lorsque le sous-ministre délégué des Finances a comparu devant le Comité des finances nationales, je lui ai demandé comment le gouvernement savait que le remboursement de TPS destiné à l’épicerie serait réellement versé aux personnes qui en avaient le plus besoin. On pourrait se poser la même question au sujet de l’allocation pour le logement et de tous les programmes d’aide financière destinés à certains segments de la population canadienne. Étant donné la myriade de programmes d’aide financière conçus pour aider les Canadiens à payer leurs frais de subsistance et d’autres dépenses, le gouvernement doit évaluer ces programmes pour s’assurer que l’argent sert réellement à aider ceux qui en ont le plus besoin.

Pour tenter de maîtriser l’inflation, la Banque du Canada a commencé à augmenter les taux d’intérêt en mars 2022, ce qui a créé de nouveaux problèmes. Au cours de la dernière année, la Banque du Canada a fait passer son taux d’intérêt de référence de 0,25 % à 4,75 %, soit le taux le plus élevé depuis 2001, il y a de cela une génération. Les Canadiens étant très endettés, cette hausse a eu une incidence considérable sur leur hypothèque et les autres dettes des ménages. Contrairement aux Canadiens qui sont locataires, les détenteurs d’une hypothèque ne reçoivent aucune aide financière du gouvernement. Le coût des prêts hypothécaires a beaucoup augmenté. En effet, Statistique Canada a rapporté que les frais d’intérêts hypothécaires ont augmenté de 26 %.

De nombreux Canadiens ayant contracté des prêts hypothécaires éprouvent de plus en plus de difficultés à en payer les coûts croissants. Nombreux sont ceux qui prolongent la durée de leurs prêts, tandis que d’autres ajoutent des frais d’intérêt au solde de leur hypothèque.

Dans ses résultats financiers du quatrième trimestre publié le 4 mai dernier, la Société canadienne d’hypothèques et de logement a indiqué qu’une part croissante de son programme d’assurance hypothécaire couvre des maisons dont la valeur est proche de « plonger » ou a déjà « plongé »; la récente baisse des prix de l’immobilier entraînant une érosion des capitaux propres des emprunteurs. On dit que la valeur d’une maison plonge lorsqu’elle est inférieure à l’hypothèque en cours, de sorte que la valeur du prêt hypothécaire est supérieure à celle de la maison. Au quatrième trimestre de l’année dernière, 2,3 milliards de dollars de prêts hypothécaires garantis par la Société canadienne d’hypothèques et de logement, soit 1,2 % de son portefeuille, présentaient un rapport prêt-valeur supérieur à 95 %. Cette année, ce chiffre est passé à 10 milliards de dollars, soit 5,8 % du portefeuille de la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

C’est une donnée révélatrice du stress financier que subissent les Canadiens, mais c’est aussi préoccupant parce que le gouvernement cautionne l’assurance de ces prêts hypothécaires. Les deux institutions du secteur privé qui fournissent également une assurance hypothécaire affichent des résultats similaires. La Société d’assurance hypothécaire Canada Garanty a indiqué que 5 % de ses prêts hypothécaires assurés, soit près de 4 milliards de dollars, sont des prêts hypothécaires qui dépassent la valeur de la maison. Il faut comparer ce chiffre avec les 532 millions de dollars de l’année dernière, qui représentaient moins de 1 % du portefeuille de cette société.

Selon Sagen MI Canada Inc., 10 % de ses prêts hypothécaires assurés, d’une valeur de 14 milliards de dollars, excèdent la valeur de la propriété grevée de l’hypothèque. Il s’agit d’une hausse par rapport à l’an dernier, où 5 % de ses prêts hypothécaires assurés, d’une valeur de 7 milliards de dollars, excédaient la valeur de la propriété grevée de l’hypothèque. Donc, en un an, cela a doublé.

La hausse des taux d’intérêt n’est pas terminée. La semaine dernière, la Banque du Canada a fait passer le taux directeur de 4,5 % à 4,75 %, en précisant que d’autres hausses sont à prévoir. Le rapport du mois dernier concernant l’inflation laisse croire que l’inflation est peut-être en train d’accélérer de nouveau, ce qui exacerbera les pressions exercées sur l’économie et sur les Canadiens.

L’automne dernier, le gouverneur actuel de la Banque du Canada, Tiff Macklem, ainsi que son prédécesseur, Mark Carney, ont dit au Comité sénatorial des banques que l’inflation au Canada est le résultat de facteurs propres au Canada et reflète ce qui se passe au Canada.

Dans une récente entrevue qu’il a accordée au Hill Times, Ian Lee, professeur de commerce à l’Université Carleton, a déclaré que la Banque du Canada refroidit l’économie en haussant le taux directeur alors que, de son côté, le gouvernement injecte de l’argent dans l’économie. Selon lui, même si le gouvernement nie qu’il stimule ainsi l’économie, tout déficit constitue un stimulant. L’économiste Don Drummond, ancien sous-ministre adjoint des Finances et économiste en chef de la Banque TD, est d’accord pour dire que les dépenses du gouvernement qui causent un déficit sont absolument à l’origine de cette hausse de l’inflation.

Il y a plusieurs mois, le gouvernement a dit aux Canadiens que les taux d’intérêt commenceraient à redescendre l’été venu. Il a ensuite été question de décembre, puis du printemps. Or, les taux d’intérêt sont plus élevés que jamais et ils pourraient le rester encore longtemps.

Le mois dernier, la Banque du Canada a publié sa Revue du système financier, dans laquelle elle affirme que les taux d’intérêt élevés font ressortir les vulnérabilités du système financier mondial. Même si, à son avis, les banques canadiennes demeurent robustes, elles ne sont pas à l’abri de ce qui se passe ailleurs dans le monde. La banque conclut qu’elle « s’inquiète plus que l’an passé de la capacité des ménages d’assurer le service de leur dette ». Elle ajoute ceci :

On s’attend à ce que davantage de ménages subissent des pressions financières dans les prochaines années, à mesure qu’ils renouvelleront leurs prêts hypothécaires. De plus, la baisse des prix des logements a réduit l’avoir propre foncier des propriétaires, et on commence à voir apparaître des signes de stress financier, particulièrement chez les acheteurs récents.

Dans sa revue, la Banque du Canada prévoit ceci :

La part des ménages touchés par l’augmentation des taux d’intérêt continuera de progresser au cours des prochaines années à mesure que les emprunteurs renouvelleront leurs prêts hypothécaires.

Depuis le début de l’année, le tiers des prêts hypothécaires ont connu une majoration des versements, mais d’ici trois ans, ce sera le cas de la quasi-totalité d’entre eux.

De plus, les acheteurs de logement ont davantage recours aux cartes de crédit pour financer leur dette. On peut aussi lire ceci dans la Revue du système financier de la Banque du Canada :

Un gros choc négatif, comme une grave récession mondiale accompagnée d’un taux de chômage élevé qui ferait baisser davantage les prix des logements, pourrait avoir pour effet d’accroître les défauts de paiement des ménages. Des défauts de paiement à grande échelle sur des prêts hypothécaires non assurés associés à une situation d’avoir propre foncier négatif pourraient se solder par des pertes de crédit substantielles pour les prêteurs canadiens.

Cela comprend les institutions bancaires canadiennes.

La Banque du Canada affirme que la part de ménages endettés, toutes catégories de cotes de crédit confondues, qui ont au moins 60 jours de retard sur leurs paiements est en deçà de la moyenne prépandémique, mais qu’elle augmente depuis la mi-2022. Le gouverneur de la Banque du Canada a récemment dit que personne ne devait s’attendre à ce que les taux d’intérêt redeviennent aussi bas qu’ils l’étaient au cours de la dernière décennie. Il ne faut pas s’attendre à revoir les taux d’intérêt être près de zéro comme c’était le cas dans les deux premières années de la pandémie de COVID-19 ou dans les années qui ont suivi la crise financière. Les taux d’intérêt seront plus élevés que ce à quoi les gens se sont habitués, et la transition amène certains risques.

À 4,75 %, le taux directeur de la banque centrale n’a jamais été aussi élevé depuis 2001. En fait, le niveau d’endettement des ménages du Canada est le plus élevé du G7. La Société canadienne d’hypothèques et de logement nous a récemment indiqué que l’endettement des ménages au Canada avait augmenté de manière considérable, en raison de la hausse des prix de l’immobilier. Les prêts hypothécaires représentent actuellement environ trois quarts de la dette des ménages au Canada. La dette des ménages canadiens représentait 80 % de l’ensemble de l’économie canadienne pendant la récession de 2008. Elle est passée à 95 % en 2020 et, en 2021, elle a dépassé la taille de l’ensemble de l’économie canadienne. Contrairement aux autres pays du G7, la dette des ménages aux États-Unis est passée de 100 % du PIB en 2008 à 75 % en 2021. La dette des ménages a également diminué au Royaume-Uni et en Allemagne, et est restée pratiquement inchangée en Italie, alors qu’elle continue d’augmenter au Canada.

En cas de récession ou d’autre choc économique négatif, il pourrait s’avérer difficile, voire impossible, pour les débiteurs de rembourser leurs dettes.

L’économiste en chef adjoint de la Société canadienne d’hypothèques et de logement a également déclaré que la société d’État perçoit déjà des signes avant-coureurs indiquant que de plus en plus de consommateurs éprouvent des difficultés financières. Un rapport récent d’Économique RBC indique qu’une récession imminente et un taux de chômage qui devrait atteindre 6,6 % au début de 2024 sont susceptibles de « faire basculer un plus grand nombre de Canadiens dans le défaut de paiement et l’insolvabilité ». Le rapport ajoute qu’avec la fin des mesures de soutien du gouvernement liées à la pandémie et la montée en flèche du coût de la vie, les défauts de paiement des prêts hypothécaires pourraient augmenter de plus d’un tiers par rapport aux niveaux actuels au cours de l’année à venir.

Les économistes de Desjardins Marché des capitaux ont publié un rapport le mois dernier avertissant que les taux d’intérêt élevés pourraient infliger encore beaucoup plus de dégâts au marché hypothécaire et au marché du logement. Ils ont qualifié la dette hypothécaire du Canada de « bombe à retardement ». Le rapport indique que les difficultés des détenteurs de prêts hypothécaires n’en sont qu’à leurs débuts. La majorité des hypothèques prises pendant la pandémie de COVID-19 — alors que les taux étaient bas et le prix des maisons élevé — seront renouvelées en 2025 et en 2026. Si les taux d’intérêt demeurent élevés, bon nombre de ménages devront faire face à une hausse considérable de leurs paiements hypothécaires.

(1620)

Les Canadiens ne sont pas les seuls à devoir payer davantage en intérêts. Le gouvernement doit assumer une dette considérable de plus de 1,6 billion de dollars. La hausse des taux d’intérêt et l’augmentation des emprunts font croître le coût du service de la dette pour le gouvernement.

De 2013 à 2022, le coût du service de la dette pour le gouvernement se situait entre 20 et 25 milliards de dollars par année. Cependant, étant donné que le gouvernement a emprunté plus d’argent et que les taux d’intérêt ont commencé à augmenter, les frais de la dette publique ont aussi augmenté. Pour l’exercice qui vient de se terminer, au mois de mars, les frais de la dette publique s’élevaient à 34,5 milliards de dollars. Le gouvernement s’attend à ce que ces frais augmentent pour l’exercice en cours, passant de 34,5 à 43,9 milliards de dollars, et à ce qu’ils continuent d’augmenter d’année en année par la suite. Selon le document budgétaire, on estime que, d’ici 2027-2028, le gouvernement devra payer environ 50 milliards de dollars pour le service de la dette.

Cependant, dans la foulée de l’augmentation du taux directeur de la Banque du Canada la semaine dernière, le coût du service de la dette va également augmenter. Lorsque la ministre des Finances a comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales la semaine dernière, je lui ai demandé de combien augmenterait le coût du service de la dette dans la foulée de l’augmentation du taux d’escompte. Elle n’a pas voulu le dire. Elle a plutôt répondu que le gouvernement tiendrait régulièrement les Canadiens au courant de l’évolution de la situation économique, et qu’il le ferait certainement dans sa mise à jour économique de l’automne, en décembre. Je pense que la ministre craignait de nous faire peur avec ces nouveaux chiffres.

Le coût du service de la dette est maintenant l’un des postes les plus élevés du gouvernement. En effet, il dépasse le coût du programme de péréquation, le coût du ministère de la Défense nationale, le coût du nouveau programme de services de garde d’enfants, et se rapproche du montant du Transfert canadien en matière de santé. En fait, si le gouvernement n’avait pas à assumer le service de la dette, il dégagerait un excédent de 3,8 milliards de dollars cette année.

Quelle est la fiabilité des prévisions du gouvernement concernant le coût du service de la dette? En décembre 2020, dans sa mise à jour économique de l’automne, le gouvernement estimait que le coût du service de la dette s’élèverait à un peu plus de 25 milliards de dollars pour l’exercice actuel.

Or, 30 mois plus tard, ce montant s’élève à 43,9 milliards de dollars, soit au moins 70 % de plus que ce que le gouvernement estimait il y a à peine 30 mois, et il continue d’augmenter.

Maintenant que la Banque du Canada a haussé le taux d’intérêt de référence, la semaine dernière, nous savons que le coût du service de la dette dépassera les 43,9 milliards de dollars indiqués dans le budget. Nombre d’analystes et d’économistes s’attendent à ce que la Banque du Canada hausse de nouveau le taux d’intérêt de référence en juillet ou en septembre, ou même pendant ces deux mois.

Dans le budget de 2023, le gouvernement justifie la hausse des coûts du service de la dette en expliquant que, selon les prévisions, ces coûts devraient augmenter pour atteindre 1,6 % du PIB jusqu’en 2024-2025, pour ensuite tomber à 1,5 % du PIB pour le reste de la période de projection ou, comme le gouvernement le dit dans son budget, à « un niveau qui est faible d’un point de vue historique », mais c’est faux.

Les frais de la dette publique correspondaient à 0,9 % du PIB en 2021, à 1 % du PIB en 2021-2022, et à 1,2 % du PIB en 2022-2023, et ils ont grimpé à 1,6 % cette année.

Il existe d’autres façons de mesurer les frais de la dette publique. Par exemple, dans un article publié par le Forum des politiques publiques, David Dodge, ancien gouverneur de la Banque du Canada, propose de ne plus se fonder sur le ratio de la dette par rapport au PIB pour mesurer les frais de la dette publique, et d’adopter plutôt une approche fondée sur les recettes selon laquelle les coûts gérables du service de la dette ne devraient pas dépasser 10 % des recettes gouvernementales annuelles.

Cependant, les coûts du service de la dette en pourcentage des recettes augmentent également. Il y a deux ans, ils représentaient 5,9 % des recettes. Cette année, ils seront de 9,6 %. Ce chiffre est tout juste inférieur à la limite de 10 % préconisée par l’ancien gouverneur de la Banque du Canada. En fait, le directeur parlementaire du budget, dans les Perspectives économiques et financières qu’il a publiées le 23 mars, calcule les coûts du service de la dette en pourcentage des recettes fiscales et non de l’ensemble des recettes, auquel cas ils s’élèveraient cette année à 11,5 % — bien plus que les 10 % préconisés par M. Dodge.

Quelle confiance pouvons-nous accorder aux projections du gouvernement concernant les coûts du service de la dette, alors que les projections antérieures ont été si erronées et si loin du compte?

Quoi qu’il en soit, les coûts du service de la dette en pourcentage des recettes sont également sur une trajectoire ascendante. Les coûts du service de la dette augmentent de manière importante, quelle que soit la manière dont on les mesure. Les parlementaires, les Canadiens et, oui, même le gouvernement du Canada devraient s’en préoccuper.

Honorables sénateurs, comme je l’ai déjà mentionné, les Canadiens sont les plus endettés des pays du G20, et la dette des ménages au Canada est la plus élevée du G7. Cependant, les Canadiens ne sont pas les seuls à avoir un fort endettement. Notre propre gouvernement a également augmenté notre dette de manière significative depuis 2015.

En 2015, la dette du gouvernement s’élevait à 665 milliards de dollars. Le budget de cette année indique que le gouvernement devra emprunter 63 milliards de dollars, ce qui portera la dette de cette année à 1 319 milliards de dollars. Comparons ce montant aux 665 milliards de dollars de 2015. C’est presque le double. Enfin, c’est 98,3 %. Voilà qui explique l’augmentation des coûts du service de la dette. C’est le résultat combiné de l’augmentation de la dette et de la hausse des taux d’intérêt.

Le plafond actuel de la dette du gouvernement est de 1,831 billion de dollars, et il a été relevé par rapport au plafond initial par l’entremise du projet de loi C-14 en décembre 2021. De nombreux parlementaires ainsi que d’autres personnes se sont alarmés de cette augmentation majeure. Toutefois, la ministre a tenté de nous rassurer en disant que le montant de 1,831 billion de dollars constitue la limite maximale. Cela ne signifie pas que le gouvernement contractera ces emprunts. Toutefois, le gouvernement se rapproche du plafond.

Le plafond de la dette de 1,831 billion de dollars comprend non seulement les emprunts du gouvernement, mais aussi la dette des sociétés d’État. Le directeur parlementaire du budget estime que le total des emprunts devrait s’élever à 1,622 billion de dollars d’ici la fin de l’année. Étant donné que le gouvernement en place n’a jamais remboursé aucune de ses dettes, il s’agit de l’héritage que nous laissons à nos enfants et à nos petits-enfants. Autrement dit, nous leur disons qu’à l’avenir, ils devront payer pour les programmes gouvernementaux dont nous profitons aujourd’hui.

Honorables sénateurs, je voudrais parler du document sur le budget de 2023, parce qu’il appuie le projet de loi C-47 et que les projections financières sont décrites dans ce document.

Le document qui appuie le projet de loi C-47 est cité en référence; il compte 255 pages. Il définit les nouvelles initiatives que le gouvernement a l’intention d’entreprendre et il fournit l’information relative aux coûts des deux nouvelles initiatives, ainsi que des détails sur les projections économiques et financières. Il comprend également la stratégie de gestion de la dette du gouvernement et un résumé des mesures législatives figurant dans le projet de loi C-47.

En 2015, le gouvernement a promis des déficits modestes pendant trois ans, suivis d’un budget équilibré. Plus précisément, il a promis un déficit de 10 milliards de dollars pour 2016-2017, suivi d’un déficit de moins de 10 milliards de dollars en 2018 et d’un plan pour équilibrer le budget en 2019. Il a également promis de réduire à 27 % le ratio de la dette fédérale au PIB.

Depuis 2015, nous avons connu des déficits chaque année. Pour l’année qui vient de s’achever en mars, le gouvernement estime un déficit de 43 milliards de dollars, suivi d’un déficit de 40 milliards de dollars cette année, en 2023-2024, puis d’un déficit de 35 milliards de dollars l’année prochaine, d’un déficit de 27 milliards de dollars l’année suivante, puis d’un déficit de 16 milliards de dollars et d’un déficit de 14 milliards de dollars. Autrement dit, tel qu’il est présenté dans le document budgétaire, le déficit est censé diminuer chaque année.

Il n’y a cependant pas de budget équilibré dans notre avenir. Aucun budget équilibré ne figure dans ce document budgétaire.

Quand le gouvernement a publié l’énoncé économique de l’automne en novembre dernier, il prévoyait un excédent budgétaire de 4,5 milliards de dollars pour l’exercice 2027-2028. Cependant, lorsque le budget de 2023 a été présenté en avril, à peine quatre mois plus tard, l’excédent s’était évaporé pour faire place à un déficit de 14 milliards de dollars. Force est de constater que les projections financières du gouvernement tendent à se détériorer au fil du temps.

À titre d’exemple, dans l’énoncé économique de l’automne présenté en novembre, le gouvernement estimait que le déficit pour l’exercice qui vient de se terminer serait de 36 milliards de dollars. Toutefois, en mars, à peine quatre mois plus tard, le déficit de 36 milliards de dollars avait grimpé à 43 milliards de dollars. Puis, toujours dans l’énoncé économique de novembre, le gouvernement estimait que le déficit pour l’exercice en cours serait de 30 milliards de dollars. Maintenant, à peine quatre mois plus tard, ce déficit a grimpé à 40 milliards de dollars, et l’année n’est pas encore terminée. Bref, les chiffres qui figurent dans le présent budget vont dans une seule direction : vers le haut. Et cette tendance se maintient pour les exercices à venir. Les déficits prévus pour chaque exercice augmenteront au fil du temps.

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Le déficit total estimé pour la période de six ans entre 2022 et 2028 est plus élevé de 69 milliards de dollars dans le budget que dans l’énoncé économique de l’automne, publié il y a quatre mois à peine.

Le budget de 2023 met également en évidence un autre problème, soit le fait que trois dépenses importantes dans l’exercice en cours sont inscrites dans les comptes de l’année dernière, dont le déficit passe ainsi de 35,5 milliards de dollars à 43 milliards de dollars. Il s’agit d’une augmentation de 7,5 milliards de dollars. Deux de ces dépenses étaient incluses dans le projet de loi C-46 — le sénateur Loffreda en a déjà parlé — et la troisième est l’entente de règlement du recours collectif de la bande de Gottfriedson d’une valeur de 2,8 milliards de dollars, qui est incluse dans le Budget principal des dépenses de cette année, mais qui n’a pas encore reçu l’approbation du Parlement.

Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d’inscrire ces dépenses dans les comptes de l’année dernière? Pourquoi les autres dépenses ne sont-elles pas incluses? Par exemple, il conviendrait peut-être d’inscrire une partie du coût des avions de chasse F-35 dans les comptes de l’année dernière ou une partie du règlement salarial conclu avec le syndicat. En tant qu’ancienne vérificatrice, il me semble que le gouvernement essaie de maintenir chaque déficit annuel dans une certaine fourchette et de ne pas faire fluctuer les déficits de manière considérable d’une année à l’autre. Si vous examinez le budget de 2023, vous constaterez que les déficits prévus pour les prochaines années — selon le budget de 2023 — diminuent nettement chaque année.

Je voudrais également aborder la question des projets de loi omnibus. Le sénateur Loffreda en a parlé. En fait, avant de devenir premier ministre, Justin Trudeau a déclaré que les « projets de loi omnibus [empêchent] les parlementaires d’étudier [les] propositions et d’en débattre convenablement ». Il a ajouté : « Nous mettrons un terme à cette pratique antidémocratique [...] » Nous voici donc avec un projet de loi omnibus, le projet de loi C-47, qui compte 430 pages et qui modifie ou ajoute 51 lois du Parlement, y compris un certain nombre de modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu, qui est déjà complexe, et deux nouvelles lois — l’une créant la Corporation d’innovation du Canada et l’autre créant le Régime canadien de soins dentaires.

Le sénateur Loffreda a mentionné les rapports des comités sur le projet de loi C-47 dans ses remarques, mais je ne pense pas qu’il leur ait rendu justice. En effet, dans leurs rapports, un certain nombre de comités ont exprimé des préoccupations au sujet du projet de loi omnibus et du manque de temps accordé pour en examiner la teneur. J’encourage mes collègues du Sénat à lire les rapports des comités, car j’ai été vraiment frappée par le ton de leurs remarques. Elles étaient plutôt négatives et presque désobligeantes à l’égard du gouvernement. Les comités se sont inquiétés du fait que de nombreuses modifications n’étaient pas liées au budget et que beaucoup d’entre elles auraient dû faire l’objet de projets de loi distincts afin de pouvoir être étudiées convenablement.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s’est plaint de ne pas avoir eu suffisamment de temps ou d’occasions pour analyser les dispositions du projet de loi renvoyées au comité et l’impact de ses amendements. Il a ajouté que cela ne rend pas service au processus législatif et que c’est particulièrement préoccupant en ce qui concerne les amendements au Code criminel et à la Loi électorale du Canada qui auraient dû faire l’objet de projets de loi distincts.

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles s’est dit insatisfait des réponses données par les représentants d’Environnement et Changement climatique Canada concernant les modifications proposées à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

Dans son rapport, le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie déclare rester préoccupé par le fait que le gouvernement fédéral choisisse d’apporter des changements de fond au droit canadien dans un projet de loi d’exécution du budget, ce qui signifie que le comité ne dispose pas de suffisamment de temps pour examiner adéquatement le projet de loi et entendre les préoccupations des intervenants.

Enfin, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications reconnaît que le libellé de la section 22 et de la section 23 de la partie 4 du projet de loi C-47 est très complexe. En l’absence d’un lien clair avec la politique budgétaire du gouvernement, le comité dit espérer qu’à l’avenir, un tel contenu fera l’objet d’un projet de loi distinct.

Je crois qu’il serait vraiment bénéfique que tous les sénateurs lisent ces rapports.

Je regarde l’horloge et je crois que je risque de manquer de temps.

En examinant le budget de plus près, on s’aperçoit que les 5,3 milliards de dollars affectés au coût de la nouvelle initiative budgétaire représentent en réalité le coût net de cette dernière. Le véritable coût de cette initiative est de 10,9 milliards de dollars. De nombreux chiffres qui figurent dans le budget n’ont pas de référence précise. Il est donc difficile de savoir à quoi ils correspondent. On a réduit le coût de la mesure budgétaire en procédant à un certain nombre d’ajustements. L’un d’entre eux, d’un montant de 3,4 milliards de dollars, est décrit comme le recentrage de dépenses gouvernementales. Ensuite, on trouve un ajustement de 665 millions de dollars, décrit comme des fonds affectés précédemment dans le cadre financier. Enfin, on trouve un montant de 500 millions de dollars d’économies sur les services de consultants et les frais de déplacement.

Sur ces 665 millions de dollars, 561 millions concernent le ministère de la Défense nationale. J’ai demandé où se trouvaient ces fonds dans le cadre financier. Impossible de le savoir. J’ai l’impression que personne ne le savait. On s’est engagé à fournir au Comité des finances les renseignements nécessaires, mais nous ne les avons jamais reçus, bien que nous les ayons demandés il y a un bon bout de temps.

Lorsque j’ai interrogé le directeur parlementaire du budget sur ces ajustements budgétaires, il m’a répondu que personne, même avec tout le savoir et la meilleure volonté du monde, ne pourrait les trouver dans les documents budgétaires. Il m’a expliqué que ces dispositions faisaient partie du cadre financier, qu’elles n’étaient pas faciles à suivre, et qu’elles n’étaient pas toujours transparentes. C’est quand même quelque chose de la part d’un gouvernement qui ne cesse de se vanter de sa transparence.

Il y a aussi 500 millions de dollars d’économies sur les services de consultants et les frais de déplacement pour l’exercice en cours. Le directeur parlementaire du budget a affirmé qu’il serait relativement facile de réaliser ces économies, mais il a aussi ajouté qu’une partie du travail mené par les consultants pourrait être effectué par les fonctionnaires. Alors, si on estime à 500 millions de dollars les économies possibles pour l’exercice en cours, ce sont 15 milliards de dollars qui pourraient être épargnés au cours des quatre prochaines années. Ces 15 milliards de dollars comprennent d’autres réductions relatives aux services de consultants, 7 milliards de dollars de réductions supplémentaires dans l’ensemble des ministères et organismes et 1,2 milliard d’économies dans les sociétés d’État. Rien n’indique cependant comment le gouvernement réalisera ces économies. Au total, on commencera à réaliser 15 milliards de dollars d’économies à partir du prochain exercice.

Cette information est pertinente, parce que ces économies sont incluses dans le plan financier et les prévisions relatives au déficit des quatre prochaines années et que 15 milliards de dollars d’économies sur quatre ans représentent un engagement majeur.

Je voudrais maintenant parler du Fonds de croissance du Canada, parce que j’en ai parlé l’année dernière et je sais que le sénateur Loffreda en a parlé. Je voudrais revenir sur ce que j’avais dit l’année dernière et sur ce qui s’est passé depuis. J’ai encore des préoccupations au sujet du Fonds de croissance du Canada. En fait, j’en ai encore plus cette année.

Le budget de l’an dernier a annoncé l’intention du gouvernement de créer le Fonds de croissance du Canada. Comme la Banque de l’infrastructure du Canada, il devait s’agir un véhicule d’investissement public indépendant dont le but serait d’attirer les capitaux privés pour contribuer à l’atteinte des objectifs de la politique économique du gouvernement et aider à remédier au manque d’investissement au sein de l’économie canadienne.

Le fonds a été établi l’an dernier par la voie du projet de loi C-32, au sujet duquel j’ai pris la parole à l’époque. Il n’y avait aucune information concernant le fonds, sauf pour dire qu’il s’agirait d’une filiale à part entière de la Corporation de développement des investissements du Canada, laquelle serait responsable de l’administrer. Rien n’indiquait comment les fonds seraient administrés.

Contrairement à la Banque de l’infrastructure du Canada et à la Corporation d’innovation du Canada nouvellement créée, le Fonds de croissance du Canada n’a pas été édicté en application de son propre projet de loi. Le projet de loi C-32 était très bref. Il a créé le Fonds de croissance du Canada, mais ne prévoyait aucune reddition de compte au Parlement. On en sait très peu à son sujet.

L’énoncé économique de l’automne disait alors que le fonds serait administré d’une façon indépendante du gouvernement fédéral et qu’il utiliserait, pour investir, un vaste ensemble d’instruments financiers, notamment toutes sortes de capitaux propres, de dette et de contrats sur produits dérivés. Il offrira des formes de financement concessionnel et aura pour objectif de faire en sorte que chaque dollar du gouvernement investi attire au moins 3 $ en capitaux privés. L’objectif d’attirer du capital privé est identique à celui de la Banque de l’infrastructure du Canada, qui, comme nous le savons tous, a connu un succès qui laisse à désirer. L’objectif est d’attirer 45 milliards de dollars d’investissements privés, en plus des 15 milliards de dollars que fournit le gouvernement fédéral, pour un investissement de 60 milliards de dollars en tout.

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En plus de mes préoccupations au sujet de l’absence de mesures législatives pour définir le mandat et la structure de gouvernance du fonds, le projet de loi C-32, vous vous en souviendrez, a accordé 2 milliards de dollars à la ministre pour l’achat d’actions dans la filiale. Le problème était que la filiale n’existait pas. La ministre, dans sa réponse, a expliqué que le Fonds de croissance du Canada devait agir rapidement et établir des partenariats avec des entités du secteur privé. Elle a dit que des retards étaient susceptibles d’entraîner la perte de certaines occasions. Finalement, en décembre, le fonds a été incorporé comme filiale de la Corporation de développement des investissements du Canada.

C’est ici qu’entre en jeu la Loi sur la gestion des finances publiques, car elle prévoit une mesure législative très importante. En effet, elle établit le cadre de gestion financière du gouvernement, en plus de fournir une orientation aux ministères, aux organismes et aux sociétés d’État en matière de gestion financière. C’est l’une des mesures législatives fondamentales du gouvernement du Canada. En vertu de cette section de la Loi sur la gestion des finances publiques, certaines transactions d’une société d’État mère ou des filiales des sociétés d’État doivent être approuvées par le gouverneur en conseil. Cela signifie qu’elles doivent consulter le Cabinet pour obtenir une approbation. Parmi ces types de transactions, on retrouve l’acquisition d’actions de sociétés, l’achat de certains actifs ou de l’ensemble des actifs d’une autre société d’État ou la vente et la cession d’actions.

Le 21 décembre de l’année dernière, un règlement pour modifier le Règlement général sur les sociétés d’État a été publié dans la Gazette du Canada pour exempter le Fonds de croissance du Canada et ses filiales de cette section de la Loi sur la gestion des finances publiques. Le Fonds de croissance du Canada étant exclu de l’article 91 de la Loi sur la gestion des finances publiques, il n’a aucune obligation de rendre des comptes au Parlement. De plus, comme il n’y a aucune loi de mise en œuvre, le Fonds de croissance du Canada sera administré derrière un voile opaque. Les demandes d’accès à l’information à son égard ne seront pas recevables.

Le résumé de l’étude d’impact de la réglementation a indiqué que cette exemption à l’article 91 de la Loi sur la gestion des finances publiques est nécessaire parce que le fait d’exiger l’approbation du Cabinet ralentirait la participation du fonds à des transactions. On espérait que le fonds serait en mesure de faire des investissements dès le premier trimestre de 2023.

La section 32 de la partie 4 du projet de loi C-47 propose de modifier la Loi sur l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public afin que celui-ci puisse gérer les actifs du fonds. Elle permettra à l’office de créer une filiale qui fournira au fonds des services de gestion de placements. De plus, la section 32 modifiera le projet de loi C-32 afin d’augmenter la somme de 2 milliards qui a été approuvée en décembre dans le cadre du projet de la Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne; ainsi le paiement de décembre portera cette somme à 15 milliards de dollars, lesquels seront versés immédiatement. Nous croyons que ce sera ensuite terminé, mais le financement n’est toutefois pas plafonné à 15 milliards de dollars, puisque le projet de loi C-47 prévoit aussi la possibilité d’obtenir des fonds supplémentaires au moyen d’un projet de loi de crédits.

Il n’y a pas de loi habilitante ni de structure de gouvernance qui encadre le Fonds de croissance du Canada. Bien que le projet de loi C-47 prévoie qu’on consacre 15 milliards de dollars à ce fonds, personne n’a l’obligation de présenter de rapports annuels au Parlement, et le fonds est exempté des exigences en matière de reddition de comptes prévues à l’article 91 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Il y a également une certaine confusion par rapport à la possible structure du fonds. Selon le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, le fonds n’est censé être une filiale de la Corporation de développement des investissements du Canada qu’à titre provisoire. Pourtant, des fonctionnaires qui ont témoigné devant le Comité sénatorial des finances la semaine dernière ont indiqué que le fonds demeurerait une filiale de la Corporation de développement des investissements du Canada.

Même si l’objectif du gouvernement était de permettre au fonds de faire des investissements au premier trimestre de cette année — comme l’a dit la ministre, il fallait agir rapidement —, il n’est toujours pas actif. On repassera pour un fonds qui agit rapidement, au rythme accéléré du secteur privé. Le gouvernement n’a même pas été en mesure d’établir le fonds de façon appropriée. De toute façon, j’en sais suffisamment sur le Fonds de croissance du Canada pour pouvoir dire que je ne pense pas que cette mesure finira bien.

Je vais maintenant parler de la Loi sur la Corporation d’innovation du Canada. La section 7 de la partie 4 du projet de loi propose d’édicter cette loi. La corporation a sa propre loi. Le projet de loi prévoit ce qui suit :

[...] maximiser les investissements des entreprises dans la recherche et le développement dans l’ensemble des secteurs de l’économie et des régions du Canada afin de promouvoir une croissance économique axée sur l’innovation.

Qu’entend-on par « maximiser les investissements des entreprises » et « une croissance économique axée sur l’innovation »? Comment le gouvernement évaluera-t-il le respect de ces critères s’il doit investir de l’argent dans cette organisation?

La mesure législative ne précise pas ce que le gouvernement attend de la corporation, ni comment il mesurera son succès ou son échec. C’est particulièrement inquiétant parce que le gouvernement dispose déjà de nombreux fonds visant à stimuler la croissance économique.

Par exemple, il y a le Fonds stratégique pour l’innovation, le Fonds pour un gouvernement vert, le Fonds des collectivités innovatrices et des fonds pour appuyer les grappes et les supergrappes, qui déboursent des milliards de dollars. Pourtant, le sous-ministre d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada et le sous-ministre des Finances ont déclaré au Comité sénatorial des banques qu’on n’a jamais évalué ces fonds pour déterminer leur incidence sur l’économie. Cela signifie que le gouvernement ne sait pas si ces fonds qui versent des milliards de dollars sont vraiment avantageux sur le plan économique.

Puisque cette corporation a été créée pour maximiser les investissements des entreprises et promouvoir une croissance économique axée sur l’innovation, le gouvernement doit définir la structure et les critères par rapport auxquels la corporation sera évaluée.

L’article 20 de la Loi sur la Corporation d’innovation du Canada fournit l’argent nécessaire au fonctionnement du gouvernement. Étant donné que l’argent provient du Trésor et qu’il est prévu dans la loi, il s’agit de paiements législatifs. Cela signifie que l’argent sera versé automatiquement chaque année et qu’il n’est pas nécessaire de le demander dans un projet de loi de crédits. Il n’y aura donc plus de débat parlementaire à ce sujet.

Le projet de loi C-47 accorde 198 millions de dollars cette année à la Corporation d’innovation du Canada. L’année prochaine, elle recevra 775 millions de dollars. L’année suivante, 800 millions de dollars, et l’année d’après, encore 800 millions. En tout et pour tout, au cours des quatre premières années, 3 milliards de dollars lui seront versés.

Les sommes accordées à cet organisme ne s’arrêtent pas là. La loi prévoit que le ministre lui versera 525 millions chaque année à compter de mars 2027, et aucune date limite n’est prévue. Elle prévoit explicitement 525 millions de dollars pour chacune des années suivantes, et rien de plus n’est ajouté. Comme je l’ai dit, cette somme est aussi inscrite dans la loi.

Une fois que le projet de loi C-47 sera adopté, le gouvernement sera habilité à verser cet argent sans qu’il y ait d’autres délibérations parlementaires. Les sommes prévues pour la Corporation d’innovation du Canada ne s’arrêtent pas là. En plus d’octroyer 3 milliards de dollars au cours des quatre premières années et 525 millions de dollars, à jamais, pour chacune des années suivantes à compter de 2027-2028, le projet de loi C-47 prévoit aussi une loi de crédits qui lui allouera des sommes supplémentaires. On accorde ainsi des milliards de dollars à un organisme dont le mandat n’est pas bien défini, et sans savoir précisément ce qu’il est censé accomplir avec tout cet argent.

Le projet de loi précise que la corporation n’est pas une société d’État, sauf pour ce qui est de certaines activités précises, mais les fonctionnaires n’ont pas pu nous expliquer clairement l’avantage qu’en retirera la corporation ni les avantages ou les inconvénients que cela entraînera pour le gouvernement. Même s’il est dit dans le projet de loi C-47 que la corporation ne constitue pas une société d’État, elle est créée par une loi fédérale et elle est financée par des deniers publics. Cette mesure législative confère aussi toute une série de responsabilités au ministre des Finances et au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie. En fait, le mot « ministre » se trouve 46 fois dans la Loi sur la Corporation d’innovation du Canada.

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Même si le projet de loi C-47 comprend des éléments d’une structure de gouvernance, une référence à la nomination de vérificateurs ou à l’exigence que la corporation présente ses rapports annuels au Parlement brille par son absence. Le projet de loi mentionne la Loi sur la gestion des finances publiques, qui exige l’inclusion de certaines informations dans les rapports trimestriels et annuels de la corporation, mais ne va pas jusqu’à exiger la présentation des rapports au Parlement.

Comme l’a dit le sénateur Loffreda dans son discours, le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie suggère dans son rapport sur le projet de loi C-47 que le gouvernement évalue la corporation trois ans après sa création afin de déterminer si elle a réussi à remplir son mandat, et qu’il publie les résultats de cet examen approfondi dans son rapport annuel, qui doit être présenté au Parlement.

Je suis tombée sur un sondage très intéressant, car il y a un lien à faire avec ces deux organismes, qui reçoivent beaucoup d’argent du gouvernement. Le gouvernement se tourne vers le secteur privé pour accroître les investissements au Canada. J’ai trouvé les résultats de ce sondage aussi intéressants qu’informatifs. Mené pour le compte du Globe and Mail, il a été réalisé par Nanos Research du 15 mars au 12 avril de cette année auprès de 30 chefs d’entreprise. Ces 30 dirigeants sont à la tête d’entreprises publiques et privées provenant de tous les secteurs de l’économie canadienne. Les résultats ne risquent d’ailleurs pas de surprendre les membres du Comité des banques, car ils correspondent aux témoignages qu’ils ont entendus au sujet des investissements commerciaux au Canada.

Plus de 6 dirigeants sur 10 estiment que le Canada est de moins en moins un bon endroit où les entreprises devraient investir. Seulement le tiers des chefs d’entreprise estiment au contraire qu’il l’est de plus en plus, ce qui constitue un recul par rapport à il y a cinq ans. Les obstacles mentionnés vont du fait que les politiques industrielles et commerciales manquent généralement de clarté à l’hostilité du gouvernement envers les entreprises, quelles qu’elles soient, en passant par le peu de consultations menées auprès des grandes entreprises et le manque de collaboration avec ces dernières.

Les résultats de l’enquête correspondaient aux conclusions du Conseil canadien des affaires, dont les membres comprennent les plus grandes entreprises canadiennes. Le président et chef de la direction du Conseil canadien des affaires a également déclaré que l’appui du gouvernement fédéral au secteur de la production d’énergie à faibles émissions de carbone, à la stratégie sur les minéraux critiques, et à la fabrication de technologies propres, doit cibler des projets prêts à démarrer, et que si la politique du gouvernement ne garantit pas que les projets peuvent être approuvés et mis en œuvre, les entreprises seront réticentes à investir. On a beaucoup entendu parler du régime réglementaire du gouvernement et de la difficulté de faire approuver les projets.

La fiscalité est un autre sujet de préoccupation, dans la mesure où le Canada a le quatrième taux marginal d’imposition le plus élevé parmi ses pairs, et un taux d’imposition des sociétés qui défavorise les entreprises canadiennes par rapport aux entreprises américaines. Les nouvelles mesures fiscales, notamment la taxe sur les banques, l’impôt sur les dividendes des sociétés de services financiers, et la taxe sur les rachats d’actions ne font rien pour aider les entreprises à demeurer concurrentielles. L’enquête indique également qu’environ 8 chefs d’entreprise sur 10 pensent que le Canada sera en récession au cours du deuxième trimestre.

Contrairement au gouvernement fédéral, qui continue à dépenser, les chefs d’entreprise interrogés se préparent activement à un ralentissement économique en maîtrisant leurs coûts et en renforçant leurs bilans.

Je pense qu’il me reste quelques minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Marshall, votre temps est écoulé. Si vous souhaitez quelques minutes de plus, vous pouvez en faire la demande. Sénatrice Marshall, demandez‑vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Marshall : Puis-je avoir cinq minutes de plus pour parler du système de santé au Canada?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Marshall : Je remercie tous mes collègues.

Je voulais parler du Transfert canadien en matière de santé, car on propose un montant supplémentaire de 2 milliards de dollars à la section 8 de la partie 4 du projet de loi. On propose de répartir cette somme entre l’ensemble des provinces et des territoires en fonction de la population. Plus tôt, nous avons parlé de l’économie, et j’ai parlé des banques alimentaires et des gens qui peinent à payer leur loyer ou à faire leurs paiements hypothécaires. Je sais que certains disent que l’économie se porte bien, mais il y a aussi des gens qui ont beaucoup de difficultés.

En ce qui concerne le Transfert canadien en matière de santé, l’introduction du chapitre 2 du budget commence par cette phrase :

Les Canadiens sont fiers de leur système public et universel de soins de santé. Quel que soit votre lieu de naissance et peu importe combien d’argent vous gagnez, ou ce que font vos parents, vous recevrez les soins dont vous avez besoin.

Mais nous savons maintenant que ce n’est pas vrai. Le système de santé universel n’est pas accessible à de nombreux Canadiens. En fait, beaucoup d’entre eux affirment que le système de santé s’est effondré et qu’il est en crise. Healthy Debate, qui publie des articles sur les soins de santé au Canada, a mené une enquête de septembre à octobre de l’an dernier, à laquelle ont répondu plus de 9 000 personnes dans tout le pays. Selon les résultats de l’enquête, plus d’un Canadien sur cinq — c’est un chiffre important : 6,5 millions de personnes — n’a pas accès à un médecin de famille ou à infirmier praticien qu’il peut consulter régulièrement pour se faire soigner. C’est vrai, car je suis l’une de ces personnes à Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sondage a permis de constater que la situation est particulièrement sombre dans certaines régions du pays — en Colombie-Britannique, au Québec et dans les provinces de l’Atlantique, où environ 30 % des adultes, soit un adulte sur trois, n’ont pas accès à un médecin de famille ou à un infirmier praticien. Le pourcentage est cependant meilleur en Ontario, où seulement 13 % des répondants ont dit ne pas avoir accès à un médecin de famille ou à un infirmier praticien.

Mais 21 % de ceux qui n’ont pas de médecin de famille ont dû payer des honoraires, et selon l’enquête, certaines personnes paieraient pour obtenir des services de soins primaires. Je peux affirmer que certaines personnes paient pour obtenir des services de soins primaires qui devraient être couverts en vertu de la Loi canadienne sur la santé, ce qui ajoute au débat sur un système de soins de santé à deux vitesses au Canada.

Les urgences sont pleines alors que les Canadiens font la file pour obtenir des soins médicaux et attendent pendant de longues heures. Dans certaines localités, les urgences ont fermé et les services d’ambulance sont irréguliers. Pour se rendre aux urgences ou dans un centre de soins, il faut apporter un oreiller, une couverture et un casse-croûte.

Au cours des 30 dernières années, l’Institut Fraser a régulièrement évalué l’état des soins de santé au Canada. J’ai parlé de son rapport l’année dernière, mais il vient d’en publier un plus récent.

En décembre dernier, les médecins spécialistes interrogés ont signalé un temps d’attente médian de 27,4 semaines entre le moment où le patient est recommandé par un omnipraticien et la réception du traitement, ce qui dépasse le temps d’attente de 25,6 semaines déclaré en 2021 et le temps d’attente de 20,9 semaines déclaré en 2019. Le temps d’attente de cette année est donc le plus long jamais enregistré au cours des 30 années d’existence de l’enquête, et il est 195 % plus long qu’en 1993, où il n’était que de 9,3 semaines.

Les Canadiens ont également dû attendre pour obtenir des diagnostics reposant sur diverses technologies. Cette année, les Canadiens doivent se préparer à attendre 5,4 semaines pour un tomodensitogramme, 10,6 semaines pour une IRM et 4,9 semaines pour une échographie.

La section 8 de la partie 4 du projet de loi C-47 autorise le ministre de la Santé à fournir 2 milliards de dollars supplémentaires aux 10 provinces et aux 3 territoires, répartis, comme je l’ai dit plus tôt, en fonction du nombre d’habitants, afin de répondre aux pressions dans les urgences, dans les salles d’opération et dans les hôpitaux pédiatriques. Un nouveau financement de 46,2 milliards de dollars sera également fourni au cours des 10 prochaines années, en plus des 195,8 milliards de dollars de transferts en matière de santé.

Je dois dire que le chapitre 3 du document budgétaire décrit le financement. On y trouve un graphique, et j’ai essayé pendant un certain temps d’obtenir les chiffres associés à ce graphique parce que les lignes sont illisibles. Je ne peux donc pas vous donner une idée de ce qui augmente chaque année, mais j’ai fait le total et il y a un nouveau financement de 46,2 milliards de dollars. Cependant, les professionnels de la santé affirment que cet argent supplémentaire n’est pas suffisant pour redresser le système de santé et pour y apporter un changement fondamental.

L’année dernière, l’Institut Fraser a publié un rapport comparant les performances du système de santé canadien à celles de ses homologues internationaux. Ce rapport définit le coût des systèmes de santé ainsi que de la prestation des services de santé, elle-même axée sur la disponibilité des ressources, leur utilisation et l’accès à celles-ci, ainsi que sur les performances cliniques et la qualité.

Tous les indicateurs dont l’institut s’est servi pour le rapport sont soit accessibles au public, soit dérivés des données accessibles au public de l’OCDE, du Fonds du Commonwealth et de l’Organisation mondiale de la Santé. Pour être admissible à l’étude, chaque pays doit être un membre de l’OCDE, il doit fournir une couverture universelle ou quasi universelle pour les services médicaux essentiels, et il doit être classé comme pays à revenu élevé par la Banque mondiale. Parmi les 37 pays de l’OCDE...

(1700)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Marshall, je suis désolée de vous interrompre, mais pourriez-vous conclure rapidement?

La sénatrice Marshall : Notre système de soins de santé coûte cher et nos résultats sont modestes ou pauvres.

Des voix : Bravo!

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-47, Loi no 1 d’exécution du budget de 2023. Peut-être vous attendez-vous à ce que je parle des milliards de dollars prévus pour favoriser les investissements commerciaux, mais je pense que les sénateurs Loffreda et Marshall ont fait de l’excellent travail à ce sujet, alors je vais parler d’un autre élément qui m’intéresse un peu plus, soit la section 39 de la partie 4, à la toute fin de ce projet de loi de 430 pages.

Cet élément peut sembler plutôt anodin, puisqu’il propose ce qui paraît être une modification raisonnable à la Loi électorale du Canada dont l’objectif est :

[...] d’établir un régime national, uniforme, exclusif et complet applicable aux partis enregistrés et aux partis admissibles relativement à la collecte, à l’utilisation, à la communication, à la conservation et au retrait de renseignements personnels par ceux-ci.

Cependant, à la lecture de cette disposition, différentes choses me sont venues à l’esprit. Premièrement, la modification de la Loi électorale du Canada au moyen d’une loi d’exécution du budget rompt avec la tradition de longue date qui veut qu’on discute ouvertement de telles modifications au Parlement et établit sans doute un dangereux précédent. Deuxièmement, comme il n’y a pas de régime national, uniforme, exclusif et complet qui régit la conduite des partis fédéraux relativement à la collecte, à l’utilisation, à la communication, à la conservation et au retrait de renseignements personnels, qu’attend-on?

Vous vous souvenez peut-être que nous avons adopté la Loi sur la modernisation des élections en décembre 2018. Elle permettait aux partis politiques de réglementer eux-mêmes la façon dont ils recueillent et utilisent les renseignements personnels liés aux électeurs canadiens, à la condition qu’ils publient leur politique sur la protection des renseignements personnels. C’est à cela que le commissaire à la protection de la vie privée faisait référence lorsqu’il s’est adressé au Comité des affaires juridiques. Il a déclaré que la publication de ces politiques était un bon début, mais qu’elles ne respectaient pas les 10 principes énoncés dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Il a ajouté qu’il n’était pas de son ressort d’enquêter sur ces politiques ni de les commenter.

Ces politiques élaborées volontairement ne sont pas uniformes. Elles ne sont pas complètes non plus, surtout si on les compare à des normes internationales raisonnables. Elles ne reflètent pas les mesures de protection de la vie privée que les entreprises et les gouvernements doivent respecter, en particulier en ce qui concerne le consentement, la transparence et la responsabilité. Avec le recul, j’ai été un peu naïf de penser que tout groupe devrait être entièrement libre d’établir ses propres politiques de protection de la vie privée, mais voilà où nous en sommes : à l’heure actuelle, il n’y a pas de politique de protection de la vie privée uniforme et complète qui régit les partis politiques fédéraux.

Dans le cadre de l’étude sur le projet de loi C-47, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a souligné que les mesures de protection de la vie privée, ou leur absence, peuvent avoir un impact sur la confiance des Canadiens envers les partis politiques et, par ricochet, le processus électoral. Les membres du comité ont recommandé que les modifications de la Loi électorale du Canada fassent l’objet de consultations auprès du directeur général des élections et du commissaire à la protection de la vie privée, en plus d’être présentées dans un projet de loi distinct pour permettre une étude exhaustive. Le comité a d’ailleurs fait remarquer qu’aucune de ces deux recommandations n’a été respectée.

Bien avant le scandale Facebook–Cambridge Analytica, qui porte sur l’utilisation non consensuelle des renseignements personnels de dizaines de millions de personnes de manière frauduleuse afin d’influencer le vote dans diverses élections, le directeur général des élections et le commissaire à la protection de la vie privée s’étaient prononcés sur la protection de la vie privée des électeurs. Par exemple, en 2012, ils avaient soulevé de sérieuses inquiétudes à propos des lacunes en matière de protection de la vie privée pour les électeurs canadiens.

Deux ans plus tard, en 2014, Pierre Poilievre, qui était à l’époque ministre d’État (Réforme démocratique), a présenté le projet de loi C-23, intitulé Loi sur l’intégrité des élections. Ce projet de loi n’offrait aucune protection de la vie privée pour les électeurs canadiens.

Quatre autres années se sont écoulées. Puis, en 2018, Karina Gould, qui était à l’époque ministre des Institutions démocratiques, a témoigné devant notre Comité des affaires juridiques pour défendre le projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada. Quand on lui a posé la question sur l’application de la législation en matière de protection de la vie privée, elle a déclaré ce qui suit :

[...] qu’une étude soit menée à l’intention des parlementaires afin d’examiner comment les partis politiques pourraient s’inscrire dans un régime de protection des renseignements personnels.

Fait intéressant, au moment même où le projet de loi C-76 recevait la sanction royale, le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes publiait justement une étude, intitulée Démocratie menacée : risques et solutions à l’ère de la désinformation et du monopole des données. L’étude du Comité de l’éthique de la Chambre était une réponse directe au scandale Facebook-Cambridge Analytica. Ce groupe de députés élus de toutes les allégeances politiques a recommandé de prendre des mesures de toute urgence, notamment en assujettissant les partis politiques et leurs sous-traitants, comme les plateformes de médias sociaux, les courtiers en données, les maisons de sondage et les consultants, à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Une autre recommandation se lit comme suit :

[...] octroie le mandat et l’autorité au commissaire à la protection de la vie privée ou à Élections Canada de mener des audits proactifs des partis politiques [...] à l’égard de leurs pratiques relatives à la protection des renseignements personnels et d’émettre des ordonnances et des sanctions monétaires.

Les auteurs ont également recommandé au gouvernement, entre autres, d’adopter un projet de loi qui oblige les entreprises de médias sociaux à créer des bases de données consultables par le public de publicités politiques en ligne, à étiqueter la publicité politique, à étiqueter le contenu produit automatiquement ou algorithmiquement, à supprimer les comptes qui se font passer pour d’autres pour des raisons malveillantes et à supprimer le contenu harcelant, menaçant ou manipulé à des fins malveillantes comme les vidéos contrefaites appelées « deep fake ».

À ce jour, les dirigeants des partis politiques fédéraux du Canada ont ignoré les recommandations des membres de leur propre caucus qui siégeaient au Comité d’éthique de la Chambre.

Peu après, le commissaire à la protection de la vie privée et le directeur général des élections ont publié une déclaration commune demandant que nos partis politiques fédéraux adoptent volontairement des politiques sur la protection des renseignements personnels conformes aux normes internationales en la matière et fondées sur les principes du consentement, de la transparence et de la responsabilité. Rien ou presque n’a changé depuis.

Je vous encourage tous à lire les diverses politiques sur la protection des renseignements personnels de nos partis politiques fédéraux pour vérifier si l’un d’entre eux a volontairement donné suite aux recommandations que je viens de mentionner. D’après mes recherches, il semble que non.

Alors, pourquoi la section 39 figure-t-elle même dans le projet de loi d’exécution du budget? Il semble que, en 2022, le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique a déclaré que les partis politiques fédéraux doivent se conformer au régime de protection des renseignements personnels de la province qui régit les partis politiques, et je soupçonne que c’est en réponse à une inaction persistante.

Le commissaire a dressé la liste des données personnelles collectées sans le consentement de l’électeur. C’est très révélateur. Les politiques de confidentialité des partis politiques donnent aux électeurs le droit de corriger les renseignements inexacts, mais ces électeurs n’ont pas le droit d’accéder auxdits renseignements. Il s’agit de données provenant du registre électoral, mais aussi d’informations extraites d’Internet, recueillies par le biais d’applications ou de médias sociaux, ou encore par l’intermédiaire des militants qui font du porte-à-porte. Actuellement, vous n’avez pas le droit de demander aux partis politiques de cesser de partager vos données avec un tiers, tel qu’un consultant, un institut de sondage ou une plateforme de médias sociaux. S’ils sont victimes d’une cyberfraude, comme celle qui a touché la base de données du gouvernement et qui a affecté 100 000 Néo-Écossais la semaine dernière, ils n’ont aucune obligation d’en informer qui que ce soit. Les entreprises et les gouvernements, eux, sont tenus de le faire, et ce pour de bonnes raisons.

Pendant plus d’une décennie, les partis politiques fédéraux ont ignoré les recommandations des deux mandataires du Parlement responsables de ces questions. Ils ont ignoré les recommandations soigneusement documentées du Comité de l’éthique de la Chambre. Et lorsque la Colombie-Britannique a décidé que c’en était assez, le Parti libéral, le Parti conservateur et le NPD ont contesté cette décision devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. En ces temps où la partisanerie fait rage, je dois dire qu’il est vraiment remarquable que les conservateurs, les néo-démocrates et les libéraux soient tous d’accord sur cette question.

Pourquoi donc se battent-ils si vigoureusement? Pour commencer, chaque parti possède une énorme base de données détaillées qui portent directement sur des électeurs en particulier. Les conservateurs ont leur système de gestion de l’information sur les électeurs, les libéraux ont Libéraliste et les néo-démocrates ont NDP Vote. Chaque parti a aussi des applications qui recueillent de vastes données et des systèmes avancés de gestion des informations pour traiter toutes ces données.

Les données sur les électeurs canadiens peuvent être utilisées à de nombreuses fins, comme cibler des électeurs aux vues similaires parmi la population générale avec des messages politiques. Lorsqu’on combine les bases de données des partis politiques avec la quantité astronomique de données très personnelles que possèdent Facebook, d’autres médias sociaux et les grandes sociétés technologiques, leurs méthodes sophistiquées peuvent prédire avec précision qui répondra à quel type de message politique, avec des résultats quasi instantanés.

(1710)

Selon moi, le microciblage s’apparente au remaniement arbitraire numérique des circonscriptions et intensifie la politique de la division.

Les organisateurs politiques admettent ouvertement que les électeurs ne choisissent plus leur parti politique; ce sont les partis politiques qui choisissent leurs électeurs. Personnellement, je trouve cela inquiétant.

La première fois que j’ai entendu parler de microciblage, c’était il y a 11 ans, alors que j’écoutais l’émission Under The Influence de la Première chaîne de la radio anglaise de Radio-Canada, animée par Terry O’Reilly. Je vous encourage à écouter ce balado de 30 minutes datant du 28 avril 2012, disponible dans les archives. Vous commencerez alors à comprendre pourquoi le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes a intitulé son rapport Démocracie menacée : risques et solutions à l’ère de la désinformation et du monopole de données. Le comité a constaté que les pratiques actuelles des partis politiques en matière de protection des renseignements personnels représentent un risque pour nos processus démocratiques et électoraux et a recommandé la prise de mesures immédiates en vue de protéger les Canadiens et la démocratie.

Que pensent les électeurs canadiens des pratiques des partis politiques en matière de protection des renseignements personnels?

Dans son rapport sur les élections de 2021, Élections Canada révèle que 96 % des électeurs canadiens souhaitent que la collecte et l’utilisation de leurs renseignements personnels par les partis politiques soient régies par des lois. Or, les lois fédérales actuelles font carrément l’opposé de ce que souhaitent les électeurs canadiens en ce qui concerne cette question de confiance.

Quoi qu’il en soit, les trois partis politiques continuent sans vergogne de ne pas tenir compte des recommandations répétées voulant qu’ils adhèrent aux normes internationales en matière de protection des renseignements personnels et à la surveillance par un tiers, qu’ils obtiennent le consentement des citoyens avant de recueillir leurs renseignements personnels et qu’ils les avisent de toute atteinte à la sécurité de leurs renseignements personnels risquant de leur causer des préjudices importants.

Ces risques ne sont pas hypothétiques. En janvier de cette année, le Parti vert a volontairement révélé qu’il y avait eu une diffusion accidentelle de noms, d’adresses, de numéros de téléphone et de dates de naissance des membres et des partisans du parti, ainsi que d’autres données les concernant. Il convient de souligner que rien ne l’obligeait à le faire. D’autres partis feraient-ils de même? Nous ne le saurons peut-être jamais.

Les données hautement personnelles détenues par les trois autres partis politiques nationaux bénéficient-elles de protections exceptionnelles en matière de cybersécurité? J’espère certes que oui.

En effet, des adversaires étrangers pourraient utiliser ces renseignements personnels détaillés et précieux pour semer la division à l’échelle du Canada. Cette année, on a beaucoup parlé de l’ingérence étrangère dans notre démocratie, mais ces partis continuent d’ignorer les risques mis en évidence par leurs propres députés il y a cinq ans.

Imaginez comment des quantités sans précédent de données détaillées sur des électeurs canadiens identifiés pourraient faciliter les efforts clandestins des adversaires du Canada, surtout avec l’avènement de l’intelligence artificielle générative fondée sur de grandes bases de données. Cela fait de nos partis politiques des cibles de choix pour les cyberattaques. Si cela se produit, ils ne sont pas obligés de nous le dire.

Les Canadiens sont de plus en plus la cible du siphonnement de leurs données. On estime maintenant que chaque Canadien génère en moyenne quelque deux mégaoctets de données par seconde. Pour mettre les choses en perspective, l’œuvre complète de Shakespeare représente cinq mégaoctets de données, ou ce que chacun d’entre nous génère en environ 2,5 secondes au moyen de nos appareils et de nos activités en ligne. C’est pourquoi les citoyens veulent avoir le contrôle de leurs données. C’est le cas dans la plupart des pays. Nous savons qu’il y a d’énormes quantités de données, mais nous ne savons pas vraiment à quelles fins elles sont utilisées.

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie s’est penché sur les investissements des entreprises à l’ère numérique. Nous avons entendu le témoignage d’investisseurs de capitaux de risque et de fondateurs de certaines des entreprises de haute technologie à la croissance spectaculaire. Tous dépendent des données pour créer de la valeur qu’ils exportent à l’international. Ils ont tous insisté sur le fait que la réussite de leur entreprise requiert l’établissement et le maintien d’un solide contrat social avec les citoyens — il s’agit du droit des personnes à contrôler leurs données et de leur capacité à avoir confiance dans les façons dont ces données sont utilisées.

Du point de vue de ces entrepreneurs et investisseurs ayant réussi sur la scène internationale, ce contrat social — ce lien de confiance — est fondamental pour la prospérité future du Canada.

Dans une lettre d’opinion publiée récemment dans le Hill Times, le professeur de sciences politiques de l’Université de Victoria Colin Bennett, qui mène des recherches sur ce sujet depuis une dizaine d’années, a écrit ce qui suit :

Les partis politiques sont régis par les lois sur la protection de la vie privée dans presque tous les autres pays démocratiques du monde, y compris ceux qui sont régis par le règlement général sur la protection des données, ou RGPD, de l’Union européenne.

Il a aussi déclaré que le vide réglementaire au Canada est devenu intenable et indéfendable.

Que faire maintenant?

Nous savons ce qui ne fonctionne pas. Les dirigeants, les cadres et les conseils d’administration du Nouveau Parti démocratique, du Parti libéral et du Parti conservateur persistent à ignorer la volonté et les conseils des deux mandataires du Parlement responsables de la protection de la vie privée et des élections. Ils ont ignoré le comité d’éthique de la Chambre des communes et ont refusé d’adopter volontairement des politiques de protection de la vie privée conformes aux normes internationales.

Au lieu de tenir compte de ce conseil, le gouvernement inclut maintenant — dans la loi d’exécution du budget, croyez-le ou non — un expédient qui permet aux trois partis de maintenir le statu quo. Peut-être devrions-nous inviter les présidents de ces partis fédéraux à expliquer les raisons et les faits qui justifient leur inaction. Peut-être ont-ils des preuves que, d’une manière ou d’une autre, la démocratie en Europe a été minée par les protections de la vie privée des électeurs prévues par le règlement général sur la protection des données.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Deacon, je suis désolée, mais je dois vous interrompre. Nous devons procéder au vote sur le projet de loi S-5.

Je crois qu’il y a entente au sujet de la sonnerie?

Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, je dois interrompre les travaux. Conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 17 h 30 sur les motions concernant la réponse au message de la Chambre des communes sur le projet de loi S-5.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

Projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption des amendements des Communes

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson :

Que, en ce qui concerne le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane, le Sénat accepte les amendements apportés par la Chambre des communes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Gold, c.p., propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson :

Que, en ce qui concerne le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane, le Sénat accepte les amendements apportés par la Chambre des communes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Greenwood
Arnot Harder
Audette Jaffer
Bernard Klyne
Boehm Kutcher
Boniface LaBoucane-Benson
Boyer Loffreda
Brazeau MacAdam
Burey Massicotte
Busson McPhedran
Cardozo Mégie
Clement Miville-Dechêne
Cordy Moncion
Cormier Moodie
Cotter Omidvar
Coyle Osler
Dagenais Pate
Dalphond Patterson (Ontario)
Dasko Petitclerc
Deacon (Nouvelle-Écosse) Petten
Deacon (Ontario) Quinn
Dean Ravalia
Downe Ringuette
Dupuis Saint-Germain
Forest Simons
Francis Sorensen
Galvez Tannas
Gerba Woo
Gignac Yussuff—59
Gold

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Patterson (Nunavut)
Batters Plett
Boisvenu Poirier
Carignan Richards
Housakos Seidman
MacDonald Smith
Marshall Verner
Martin Wallin
Mockler Wells—19
Oh

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

[Français]

Son Honneur la Présidente : Nous reprenons le débat sur le projet de loi C-47.

[Traduction]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2023

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Loffreda, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

L’honorable Colin Deacon : Je vais maintenant terminer mes deux dernières phrases. Comme les entreprises et les gouvernements, les partis politiques doivent commencer à adhérer à des normes internationales solides et donner aux particuliers canadiens le contrôle de leurs données personnelles et de leur utilisation. Non seulement la confiance qui en résulte est essentielle à la souveraineté individuelle et collective des Canadiens, mais elle est également fondamentale pour notre prospérité et notre démocratie futures. Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente : Votre temps de parole est écoulé. Je vois que la sénatrice Simons a une question à poser. Demandez-vous cinq minutes supplémentaires?

Le sénateur C. Deacon : Si le Sénat y consent, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente : Encore cinq minutes?

Des voix : D’accord.

L’honorable Paula Simons : Sénateur Deacon, vous avez évoqué de manière assez troublante le pouvoir des partis politiques et des personnes mal intentionnées qui peuvent se servir de ce type de données comme arme. Toutefois, je voulais vous poser une question beaucoup plus simple. Étant donné le faible taux de participation aux élections que nous avons connu au cours des dernières décennies, y a-t-il un risque, si les gens ne pensent pas que l’on puisse faire confiance aux partis pour conserver leurs données, qu’ils ne fassent pas de bénévolat ni de dons, et qu’ils ne répondent pas aux questions lors d’un sondage? Quel est l’impact d’un tel manque de protection de la vie privée dans notre relation quotidienne avec le système démocratique canadien?

(1740)

Le sénateur C. Deacon : Merci, sénatrice Simons. Je crois que des entreprises vous diraient que cela a un effet sur leur clientèle. Quand un client ne fait pas confiance à une entreprise quant à la façon dont elle se sert de ses données, au type de données qu’elle recueille et aux avantages pour lui, il aura tendance à arrêter d’avoir recours aux services de cette entreprise.

Je crois que c’est la même chose pour les électeurs, parce que 96 % des Canadiens ont dit vouloir que les partis politiques mettent en place des mesures de protection des renseignements personnels. C’est une proportion assez convaincante. Il y a très peu de choses sur lesquelles 96 % des Canadiens s’entendent.

J’appuie les conclusions du Comité de l’éthique de la Chambre des communes, soit que l’absence de ces mesures mine la démocratie canadienne. Plus le temps passe, plus elle la mine.

Je sais que la Chambre des communes n’est pas pressée de corriger la situation, mais il s’agit d’une question dont le Sénat doit, à mon avis, être bien informé. Il est inquiétant que rien n’ait été fait à ce sujet jusqu’à maintenant. Merci.

L’honorable Leo Housakos : Le sénateur Deacon accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur C. Deacon : Oui, merci.

Le sénateur Housakos : Pouvez-vous nous dire quelles sont les données dont vous disposez? Qu’est-ce qui prouve que les membres de partis politiques ont détecté des intrusions dans leurs données ou une mauvaise utilisation de ces dernières? Où est la preuve qu’il y a eu des abus? Des plaintes officielles ont-elles été formulées ? Y a‑t‑il eu de nombreuses plaintes? Des plaintes ont-elles été déposées auprès du commissaire à la protection de la vie privée?

Même si votre discours était intéressant, quelles sont les solutions que vous proposez? D’après ce que j’ai compris du discours et compte tenu du fait qu’il porte sur le projet de loi C-47, il n’y a pas de solution. Ai-je tort ?

Le sénateur C. Deacon : Pour ce qui est des preuves concernant les intrusions ou les plaintes, le commissaire à l’éthique a indiqué clairement que ce n’est pas de son ressort. Il n’a pas le pouvoir juridique d’intervenir. C’est un problème.

Je ne comprends pas pourquoi les partis politiques n’ont pas jugé bon d’obtenir le consentement de leurs membres et des autres personnes dont ils recueillent les données, et de faire preuve de transparence sur la façon dont ces données sont utilisées. Je poserais la question autrement en disant : où est le problème? Pourquoi ne pas aller de l’avant? Pourquoi rejette-t-on cette idée? Pourquoi un parti politique aurait-il peur de prendre des mesures pour rassurer ses membres et des membres potentiels par rapport à la façon dont il utilise leurs données? C’est ma façon de voir les choses.

Pour ce qui est des solutions que l’on peut proposer dans cette enceinte, nous savons tous que des amendements au projet de loi d’exécution du budget ont déjà été proposés par le passé. C’est un fait. Je pense qu’il a été amendé en 2016, à la demande du ministre des Finances, et en 2017, le Sénat a voulu apporter un amendement qui a cependant été rejeté par la Chambre. On l’a donc déjà fait par le passé. Pour ce qui est de savoir si c’est la voie à suivre ou s’il y a une autre solution, je dirais simplement que c’est un vrai problème, et que, pour le moment, la Chambre ne semble pas du tout vouloir le régler.

Les partis politiques ont rabroué — je trouve cela incroyable — leurs propres élus qui siègent au Comité de l’éthique, ainsi que deux mandataires du Parlement qui ont répété à maintes reprises qu’il s’agissait d’une priorité pour les Canadiens afin de maintenir la confiance dans notre système électoral. Je ne sais pas quels sont les remèdes, sénateur Housakos; je suis désolé.

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Batters, il reste 30 secondes, il faut donc que la question soit courte.

L’honorable Denise Batters : Elle très courte. Je suis membre du Comité des affaires juridiques, sénateur Deacon, et bien que le gouvernement Trudeau ait inclus cette partie relative à la Loi électorale du Canada dans sa loi d’exécution du budget, saviez-vous que ni le directeur général des élections ni le commissaire à la protection de la vie privée n’ont été consultés par le gouvernement Trudeau malgré l’inclusion de cette partie dans sa loi d’exécution du budget? Le saviez-vous?

Son Honneur la Présidente : Sénateur Deacon, vos cinq minutes sont terminées. Demandez-vous cinq minutes supplémentaires?

Le sénateur C. Deacon : Oui, pour répondre à cette question.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Maintenant.

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Jaffer
Arnot Kutcher
Audette LaBoucane-Benson
Boehm Loffreda
Boniface MacAdam
Boyer Massicotte
Brazeau Mégie
Burey Miville-Dechêne
Busson Moncion
Cardozo Moodie
Clement Omidvar
Cordy Osler
Cormier Pate
Cotter Patterson (Nunavut)
Coyle Patterson (Ontario)
Dagenais Petitclerc
Dasko Petten
Deacon (Nouvelle-Écosse) Quinn
Deacon (Ontario) Ravalia
Dean Ringuette
Downe Saint-Germain
Dupuis Simons
Forest Smith
Francis Sorensen
Galvez Tannas
Gerba Verner
Gignac Wallin
Gold Woo
Greenwood Yussuff—59
Harder

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Mockler
Batters Oh
Boisvenu Plett
Carignan Poirier
Housakos Richards
MacDonald Seidman
Marshall Wells—15
Martin

ABSTENTION
L’honorable sénatrice

McPhedran—1

(1750)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Loffreda, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Adoption de la motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier la teneur du projet de loi et le Comité de l’agriculture et des forêts à prendre en considération les documents et les témoignages reçus au cours de l’étude du projet de loi

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, si le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, est adopté à l’étape de la deuxième lecture :

1.il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts;

2.le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la teneur du projet de loi;

3.le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à prendre en considération, au cours de son étude du projet de loi, tout document public et tout témoignage public reçus par le comité autorisé à étudier la teneur du projet de loi, de même que tout rapport de ce comité au Sénat sur la teneur du projet de loi.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, David Plouffe, un ancien conseiller du président Obama, avait dévoilé comment les politiciens font parfois de la petite politique. Il appelait cela l’effet de la « tension vagabonde », qu’il a expliqué ainsi :

Les gens portent attention à la controverse et en discutent. Donc, [...] en tant que politicien, vous prenez position [...] peu importe que vous y ayez déjà songé ou non — puis vous appuyez ou contestez avec vigueur!

C’est exactement ce qui s’est passé au sujet du projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu. Ceux qui vivent en région rurale et qui aiment la chasse ou le tir sportif et ceux qui vivent dans les centres urbains où le taux de criminalité est élevé vivent dans deux mondes bien différents.

Comme l’a dit Robert Frenerg, contrôleur des armes à feu de la Saskatchewan, ce projet de loi va criminaliser des milliers de Canadiens même si ce sont les propriétaires légitimes d’armes à feu qui appuient la formation, la délivrance de permis et l’enregistrement des armes à feu. Malgré tout ce qu’ils ont fait pour se conformer aux règles et promouvoir les programmes d’éducation, et même s’ils respectent le principe « Si vous voyez quelque chose, dites-le », ce sont les propriétaires légitimes d’armes à feu qui sont maintenant visés par cette mesure législative.

Une voix : Bravo!

La sénatrice Wallin : Le gouvernement veut priver d’armes à feu ceux qui réclament la délivrance de permis aux propriétaires d’armes à feu, mais qui se voient maintenant dépossédés de leurs biens.

La manière dont le gouvernement a procédé pour faire adopter ce projet de loi — et ce, à plusieurs reprises — a empêché la tenue d’un débat parlementaire éclairé ou de véritables audiences en comité avec un large éventail de témoins. Au lieu de cela, le gouvernement a eu recours à des décrets du Cabinet pour réglementer « [... ] les cas dans lesquels un particulier peut avoir ou non besoin d’une arme à feu ». Voilà une raison de plus pour que ce projet de loi soit bien étudié par le Sénat. Il nous faut des données probantes et des faits, pas seulement des opinions et des considérations politiques.

Comme si les libéraux cherchaient à s’éloigner encore plus des électeurs en milieu rural, ils sont en train de réduire les peines imposées pour les crimes commis à l’aide d’une arme à feu. En adoptant le projet de loi C-5, le gouvernement a abrogé un tiers des peines d’emprisonnement minimales obligatoires, notamment pour 14 infractions liées aux armes à feu, au tabac et à la drogue.

En résumé, si on veut mettre un terme aux crimes commis au moyen d’armes à feu illégales, il faut s’attaquer aux gangs et aux trafiquants plutôt qu’aux chasseurs et aux agriculteurs.

Une voix : Bravo!

La sénatrice Wallin : Lorsqu’on nous parle d’augmenter les peines pour les trafiquants d’armes pour les faire passer de 10 à 14 ans, cela semble excellent. Mais jusqu’à maintenant, personne n’a été condamné à la peine maximale de 10 ans; porter le maximum à 14 ans ne fait donc aucune différence. Le sénateur Plett a dit l’autre jour qu’il y avait peut-être un cas, en fait, mais nous n’en sommes pas certains.

Les lois et les gouvernements doivent se concentrer sur les personnes qui font constamment des allers-retours entre le système judiciaire et le monde extérieur, les gens à qui on a interdit de détenir des armes à feu, mais qui sont trop souvent relâchés quelques heures après leur arrestation. Il y a de fortes chances que les méchants aient plus d’armes à feu — ou qu’ils y aient accès — et qu’ils aillent en chercher d’autres et finissent, dans bien des cas, par exercer des représailles contre les personnes qui ont participé à leur arrestation ou à leur condamnation.

Depuis 2015, en raison de l’approche indulgente adoptée envers les criminels, les crimes violents ont augmenté de 32 %. Il y a eu 124 000 crimes violents de plus en 2021 comparativement à 2015, et les homicides liés aux gangs ont augmenté de 92 %.

Comme nous le savons tous, il y a de la criminalité quand les gens commettent des crimes. Confisquer des armes à feu ou des couteaux — les couteaux sont d’ailleurs responsables d’un nombre croissant de décès — n’empêchera pas les gens de commettre des crimes. Si on veut tuer quelqu’un, on peut le faire avec un pied‑de‑biche, un couteau de cuisine ou même le poing.

Par ailleurs, le gouvernement se sert sournoisement des fusillades innombrables, horribles et mortelles qui surviennent au sud de la frontière — par exemple à Uvalde ou à Buffalo — pour alimenter un débat sur le contrôle des armes à feu ici, alors que le contexte canadien et le contexte américain sont complètement différents.

Le projet de loi C-21 ne s’attaque pas vraiment aux causes profondes de la violence armée, c’est-à-dire la contrebande, la violence des gangs, le commerce des drogues illicites et la toxicomanie. Nous devons nous concentrer sur la réadaptation, et non sur les tracasseries administratives.

Son Honneur la Présidente : Je regrette de vous interrompre.

Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Il en est ainsi ordonné.

(La séance du Sénat est suspendue.)

[Français]

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

La sanction royale

Son Honneur la Présidente informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 13 juin 2023

Madame la Présidente,

J’ai l’honneur de vous aviser qu’au nom et à la demande de la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, Christine MacIntyre, suppléante de la gouverneure générale, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l’annexe de la présente lettre le 13 juin 2023 à 18 h 9.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.

Directeur, Bureau du secrétaire du gouverneur général,

Ryan McAdam

L’honorable

La Présidente du Sénat

Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le mardi 13 juin 2023 :

Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane (projet de loi S-5, chapitre 12, 2023)

[Traduction]

Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, comme je le disais, le projet de loi C-21 ne s’attaque pas vraiment aux causes profondes de la violence armée, comme le commerce illégal de la drogue, la toxicomanie, la contrebande, la violence des gangs. Encore une fois, je citerai les paroles du contrôleur des armes à feu de la Saskatchewan :

Si vous […] regardez les armes à feu saisies et utilisées pour commettre des crimes […] vous ne trouverez pas d’armes d’assaut. Elles ne sont pas utilisées. Ces armes ont l’air effrayantes, mais c’est une illusion d’optique, car toutes les armes à feu peuvent avoir l’air effrayantes […] c’est vraiment l’utilisation finale qui compte.

Si l’on regarde les nouvelles américaines […] on constate qu’il n’y a pas de réglementation, pas de vérification, pas de programmes d’éducation, pas d’exigences en matière d’entreposage sécuritaire et que les armes à feu ne sont pas enregistrées. C’est un paradigme totalement différent de celui qui prévaut ici.

Le gouvernement exploite souvent les événements survenus aux États-Unis et l’absence de règles dans ce pays pour défendre la législation canadienne, pour consolider ses propres bases et pour donner l’impression aux électeurs des zones urbaines qu’il est intraitable sur la criminalité.

Mais ces mesures se retournent parfois contre eux. Le projet de gel des ventes d’armes de poing a en fait déclenché une frénésie d’achat. Et de nombreuses armes de poing sont devenues clandestines, des armes de poing familiales, parce qu’il est très compliqué de les transférer à un de ses enfants. Bien sûr, en fin de compte, cette mesure entraînera la fermeture de centaines de petites entreprises dans tout le pays, qui emploient des milliers de personnes vendant des armes légales à des acheteurs sains d’esprit, et non à des criminels.

Ce projet de loi risque également de créer un précédent pour d’autres éventuelles interdictions ou confiscations jugées nécessaires par le gouvernement pour « le bien commun ainsi que la sécurité et le bien-être des citoyens », comme il le prétend. C’est une pente savonneuse.

Malheureusement, ce projet de loi fait bien peu pour sauver des vies innocentes. Il s’en prend aux chasseurs, aux collectionneurs et aux tireurs sportifs, mais pas aux criminels.

N’oublions pas non plus l’effet important, mais toujours omis de ce projet de loi sur le coût de la vie. Posséder une arme à feu pour chasser pourrait être utile à bien des Canadiens. Alors que nourrir sa famille coûte de plus en plus cher, avoir un chevreuil ou un orignal dans le congélateur peut véritablement changer la donne. De plus, tuer le coyote qui tue son bétail permet d’éviter de pertes de revenu et aide à nourrir sa famille.

Toutefois, ce genre de raisonnement pratique ne fait pas partie de la mentalité au Parlement. Espérons que nous examinerons tous les aspects de ce projet de loi, y compris les dommages collatéraux possibles pour les entreprises et les chasseurs, en particulier les Autochtones, qui ont le droit ancestral et issu de traités de chasser.

Pensons à l’incidence sur les familles. Traitons les dépendances qui mènent à la criminalité. Appliquons la loi dans toute sa rigueur à l’égard de ceux qui commettent des actes criminels avec des armes à feu. Ne réduisons pas le financement des services de police et ne sous-finançons pas les contrôleurs des armes à feu. Soutenons leur bon travail, appuyons la possession légale d’arme à feu et punissons les méchants le plus sévèrement possible.

La Chambre des communes avait le devoir et la responsabilité de produire un meilleur projet de loi; elle a failli à la tâche. C’est donc maintenant à nous qu’incombe cette responsabilité. Assurons-nous de faire en sorte que le projet de loi C-21 puisse vraiment rendre le Canada plus sûr. Assurons-nous également que la législation canadienne respecte les citoyens qui obéissent à la loi. Merci.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-21, qui apporte des modifications au Code criminel et à la Loi sur les armes à feu.

Le projet de loi propose des changements à la législation du Canada en matière d’armes à feu afin de mieux protéger les collectivités contre la violence armée, en particulier la violence fondée sur le sexe, de combattre la contrebande et de cibler les armes fantômes, des armes sans aucune traçabilité souvent fabriquées illégalement au moyen d’imprimantes 3D.

En outre, élément crucial, le projet de loi officialise le gel de la vente, de l’achat, du transfert et de l’importation d’armes de poing adopté l’année dernière.

J’appuie ces mesures et j’espère que le projet de loi C-21 franchira les dernières étapes du processus législatif, mais la raison pour laquelle je prends aujourd’hui la parole est que je souhaite parler du rôle des armes à feu dans les communautés autochtones et présenter certaines de mes réflexions qui, je l’espère, aideront les sénateurs dans la poursuite de notre débat et de l’étude de cette mesure législative.

Pour de nombreuses familles autochtones, y compris la mienne, la chasse est au cœur de l’histoire, de la culture, de notre mode de vie et de notre subsistance. Les droits de récolte des Autochtones sont des droits issus de traités et ils ont été enchâssés dans la Constitution en 1982. Toute loi relative aux armes à feu doit respecter ces droits. En outre, le droit de chasser et de trapper est intimement lié à la sécurité alimentaire des Autochtones, à leur culture, à leurs rites de passage et à la formation de leur identité.

Avec la permission de mon mari et de mon fils, j’aimerais vous raconter une histoire de famille pour illustrer mes propos. Mon mari, ses frères, mon frère, mon père et d’autres membres de la famille élargie se réunissent chaque automne pendant une semaine dans un camp de chasse familial. Mon plus jeune fils, Gabe, y va depuis qu’il est tout petit. Il y a appris de nombreuses leçons de vie, notamment la survie en forêt, le pistage, la relation sacrée qui nous unit aux animaux que l’on chasse, et le maniement sécuritaire des armes à feu.

Un jour, il est parti avec son père et le mien. Ce matin-là, ils avaient procédé à une cérémonie de purification des fusils et des munitions pendant laquelle il a prié pour devenir chasseur. Ses prières ont été exaucées lorsqu’il a été le premier à apercevoir un chevreuil sur la ligne de coupe et que celui-ci y est resté suffisamment longtemps pour qu’il puisse convaincre son père que c’était le bon moment. Il a fait exactement ce qu’on lui avait appris. Il est sorti du véhicule lentement et avec détermination. Il a visé sa cible, pris une grande inspiration, puis visé de nouveau. Une fois qu’il a été sûr de son coup, il a appuyé sur la gâchette.

Lorsque le chevreuil est tombé, il s’est approché de l’animal, les larmes aux yeux. Il a déposé du tabac et il a remercié le chevreuil d’avoir donné sa vie afin que lui et sa famille puissent se nourrir. Son père lui a montré comment faire les autres offrandes et comment veiller à la salubrité de la nourriture qu’il apporterait à la maison. Dans ce moment, avec humilité et gratitude, il a compris la complexité du droit sacré de chasser.

Allen m’a téléphoné, et j’avais les larmes aux yeux. Nous savions que Gabe avait entamé une nouvelle étape de sa vie, et que c’était un important rite de passage dans son parcours.

(2010)

Lorsqu’ils sont arrivés à la maison, Gabe a aidé son père à préparer, emballer et congeler la viande. Le lendemain, nous avons organisé un festin avec quatre aînés. Gabe m’a aidé à préparer le ragoût de chevreuil et il a offert le reste de la viande aux aînés qui étaient réunis autour de notre table, les aînés qui lui ont appris à devenir un homme, à assumer ses responsabilités envers sa famille, sa communauté et les animaux qu’il chasserait ainsi qu’à entretenir une relation sacrée avec la terre. Quelques années plus tard, lorsqu’il a ramené son premier orignal au camp de chasse, on lui a donné du tabac et sa première plume d’aigle. Il avait prouvé qu’il pouvait survivre dans la brousse et qu’il était capable de nourrir sa famille.

C’est avec beaucoup de fierté que je peux dire que nos trois fils sont des chasseurs traditionnels compétents et que je ne souffrirai jamais de la faim. En effet, chers collègues, la chasse, la pêche et le piégeage sont des activités qui renforcent les liens communautaires, permettent de transmettre des enseignements sacrés et favorisent le sens des responsabilités à l’égard de notre communauté et du monde naturel. Comme l’a dit le regretté Harold Cardinal à mon mari, les formidables compétences d’Allen dans la brousse étaient transférables et c’est l’une des raisons pour lesquelles il a été un chef d’entreprise couronné de succès.

Chers sénateurs, ma famille dispose d’une variété d’armes, grandes et petites, qui sont spécifiques à l’animal qui sera récolté. Nous possédons aussi des armes familiales qui ont été transmises de génération en génération. Mon père a fait don des armes de mon grand-père à nos fils en reconnaissance de leur travail acharné au camp et du fait qu’ils sont d’excellents chasseurs traditionnels. Chacune de ces armes est légale et entreposée en toute sécurité.

Allen, mon mari, a été le coproducteur de deux vidéos sur les droits de chasse des peuples autochtones et l’obtention d’un permis de possession et d’acquisition. L’Alberta Fish and Wildlife et la GRC ont participé à la production de ces vidéos dans le but d’établir des relations entre les policiers, les agents de conservation et les chasseurs autochtones. Tout Canadien — autochtone ou non — qui souhaite acheter une arme à feu doit demander un permis de possession et d’acquisition. Il existe également des dispositions de longue date dans le processus de délivrance des permis qui aident les Autochtones à obtenir leur permis de possession et d’acquisition et, par conséquent, qui assurent la préservation des droits de chasse des Autochtones.

En même temps, les collectivités autochtones sont fréquemment touchées par la violence liée aux armes à feu — souvent pour des raisons découlant de traumatismes historiques et intergénérationnels. Comme les autres Canadiens, les Autochtones veulent et méritent une protection contre les menaces qui pèsent sur la sécurité de la collectivité telles que la violence fondée sur le sexe et la violence des gangs, ainsi que des mesures visant à réduire le risque de suicide.

Sénateurs, mon mari a été très clair : si une de ses armes à feu devenait interdite, il la mettrait hors service ou la remettrait, car le droit de chasser — un droit sacré qui nous a été accordé par le Créateur et non par le gouvernement — n’est pas lié à l’utilisation d’une arme à feu précise, et le droit de vivre dans une communauté sûre est lui aussi sacré.

Sénateurs, le fait est que le projet de loi C-21 ne changerait pas la classification d’une seule arme à feu. L’automne dernier, le gouvernement a proposé des amendements pendant l’étude en comité à l’autre endroit qui auraient modifié la classification. Certaines communautés et organisations autochtones avaient alors dit qu’elles n’avaient pas été suffisamment consultées à ce sujet. Je suis heureuse que le gouvernement ait pris une pause à ce moment et qu’il ait passé plusieurs mois à discuter avec des organisations et des détenteurs de droits autochtones, y compris l’Assemblée des Premières Nations; le Ralliement national des Métis; l’Inuit Tapiriit Kanatami; la Fédération métisse du Manitoba; le Tribal Chiefs’ Ventures Incorporated, qui représente plusieurs Premières Nations du territoire du Traité no 6 en Alberta; les Manitoba Keewatinowi Okimakanak; la nation métisse de la Colombie-Britannique; le Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage, qui s’occupe des droits de récolte dans le Nord du Québec; le Conseil des Autochtones de l’Île-du-Prince-Édouard; la nation wolastoqey du Nouveau-Brunswick; et l’Association des chefs de police des Premières Nations.

D’après ce que j’ai entendu au sujet de ces discussions, plusieurs grands thèmes sont ressortis : premièrement, un grand nombre d’organisations et de peuples autochtones sont d’accord avec le principe voulant que certaines armes à feu sont trop dangereuses et inappropriées pour une utilisation à des fins civiles; deuxièmement, la préservation des droits de chasse et des armes à feu utilisées pour exercer ces droits est une priorité absolue pour les communautés autochtones; troisièmement, il est important pour les Autochtones de pouvoir transférer leurs armes à feu d’une génération à l’autre; et, enfin, on a souligné à maintes reprises que les organisations et les détenteurs de droits autochtones veulent collaborer avec le gouvernement sur les questions liées à la réglementation des armes à feu. Entreprendre des consultations dès le début du processus et les poursuivre de façon continue peut aider à optimiser l’adhésion au sein des communautés autochtones, à maximiser l’efficacité des lois et à réduire au minimum la désinformation à propos d’un projet de loi ou d’un changement en particulier.

Dans la foulée de consultations exhaustives, l’amendement présenté l’automne dernier a été retiré. D’autres amendements, notamment ceux axés sur la lutte contre la prolifération des armes à feu fantômes, ont été présentés de nouveau, puis adoptés. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-21 enchâsserait dans la loi le gel des armes de poing qui est en vigueur depuis un an; maintiendrait l’interdiction d’environ 1 500 fusils de style arme d’assaut qui a été adoptée en 2020; et établirait une définition technique des fusils de style arme d’assaut à utiliser à l’avenir afin d’éviter que les fusils de style arme d’assaut nouvellement conçus ou fabriqués entrent sur le marché canadien.

Pour les chasseurs, l’important est que les armes d’épaule utilisées pour la chasse aujourd’hui demeurent légales après que le projet de loi C-21 aura été adopté. Le projet de loi contribuera à protéger tous les Canadiens, y compris les peuples autochtones, contre la violence armée, en plus de rendre nos collectivités plus sûres.

Chers collègues, faisons ce qu’il faut pour que le projet de loi C-21 soit renvoyé au comité pour étude le plus rapidement possible. Hiy hiy.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur une approche axée sur la santé en matière de consommation de substances

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boniface, appuyée par l’honorable sénatrice Hartling, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-232, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale de décriminalisation des substances illégales et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et d’autres lois en conséquence.

(Sur la motion du sénateur Woo, le débat est ajourné.)

La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social
La Loi sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Dalphond, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-244, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Loi sur l’assurance-emploi (Conseil de l’assurance-emploi).

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S- 244, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Loi sur l’assurance-emploi (Conseil de l’assurance-emploi). Comme l’a expliqué la marraine de cette mesure, la sénatrice Diane Bellemare, ce projet de loi vise à constituer, au sein de la Commission de l’assurance-emploi du Canada, un conseil de l’assurance-emploi qui favorisera un dialogue social au sujet de questions liées à l’assurance-emploi.

Comme vous le savez peut-être, chers collègues, le filet social offert aux Canadiens sans emploi existe depuis 1940. On l’a tout d’abord appelé l’assurance-chômage mais, dans ma région, nous utilisions plutôt l’acronyme anglais « UIC », popularisé par une chanson du groupe 1755. Ce programme est finalement devenu l’assurance-emploi en 1990.

De 1940 à nos jours, en 2023, le programme a connu peu de transformations. Au lieu de moderniser le programme, les gouvernements successifs ont lancé de nombreux projets pilotes afin d’aider le marché du travail à trouver des travailleurs tout en aidant les Canadiens à trouver des emplois.

(2020)

Par exemple, il y a actuellement un autre projet pilote visant à aider les Canadiens qui occupent des emplois saisonniers à survivre au « trou noir ». J’ai déjà parlé de cette question. Le « trou noir » est une période de l’année où les travailleurs saisonniers n’ont plus d’heures assurables, mais où leurs emplois saisonniers n’ont pas encore commencé. Encore une fois, la réaction pour aider les gens immédiatement a toujours été un projet pilote, qui est une solution à court terme. Cependant, les travailleurs saisonniers attendent toujours une solution à moyen et à long terme.

Je suis certain qu’ils ne sont pas les seuls à avoir besoin d’un meilleur filet de sécurité lorsqu’il n’y a tout simplement pas d’emplois. Le marché du travail a énormément évolué depuis 1990 avec Internet. Depuis les années 2000, les télécommunications ont changé notre façon de vivre et de travailler. Les nouvelles technologies ont été bénéfiques pour certains acteurs de l’économie, mais elles ont perturbé les travailleurs. Au cours des derniers mois, l’émergence de l’intelligence artificielle pourrait constituer une nouvelle perturbation majeure sur le marché du travail. Qui sait où en sera l’intelligence artificielle d’ici deux à cinq ans?

Tout cela pour vous dire, chers collègues, que le marché du travail a énormément évolué au cours des 10 dernières années, mais que notre système d’assurance-emploi n’a pas quitté le XXe siècle. Il reste obsolète et est devenu une solution fragmentée qu’il faut impérativement moderniser.

Il suffit de penser à la récente pandémie de COVID en 2020 : le programme est très rigide et il ne s’adapte pas facilement à des situations soudaines. Maintenant que la crise est derrière nous, nous devons nous pencher sur la protection et l’aide que nous apportons aux chômeurs canadiens.

Cela m’amène au projet de loi de la sénatrice Bellemare. L’idée d’un dialogue social au sein de la Commission de l’assurance-emploi est bonne. Ce que nous voulons, c’est que les décisions soient prises en fonction des besoins des employeurs et des employés. Si l’on fait trop pencher le pendule d’un côté, cela nuit à l’économie. Si on fait trop pencher le pendule de l’autre côté, cela nuit au travailleur. C’est un équilibre difficile à trouver.

Pour ma part, avant d’être sénatrice, j’ai été députée à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick pour ma circonscription de 1999 jusqu’à ma nomination ici en 2010. Mon expérience de l’assurance-emploi et du soutien social est basée sur mes rencontres avec des concitoyens se trouvant dans une situation désespérée et n’ayant aucun autre recours. J’ai souvent pleuré avec mes concitoyens qui avaient besoin d’argent pour acheter de la nourriture, pour payer le chauffage, pour payer les vêtements de leurs enfants, et ainsi de suite.

Je me range du côté des travailleurs qui ont besoin d’aide pour subvenir aux besoins de leur famille. Le projet de loi dont nous sommes saisis propose un dialogue social entre les principales organisations qui représentent les employeurs et les principales organisations qui représentent les travailleurs. Cependant, si nous voulons promouvoir un dialogue social en bonne et due forme au sujet de l’assurance-emploi, nous devons exercer la diligence requise en veillant à n’oublier personne. Or, je crains que ce dialogue social inclue surtout les industries qui comptent le plus grand nombre de travailleurs et les représentants des grands employeurs. Il est important que les gens qui ne font pas nécessairement partie des principales industries et qui vivent dans les régions les moins populeuses du pays aient également voix au chapitre. Je crains que le dialogue porte surtout sur les industries qui comptent le plus grand nombre de travailleurs et sur les grands employeurs.

Par ailleurs, il pourrait être important de tenir compte des facteurs qui touchent certaines régions du pays. Je suis à peu près certaine que lorsque je parle de « trou noir », ce ne sont pas tous les Canadiens qui songent à la période de quatre semaines pendant laquelle les travailleurs saisonniers n’ont pas de revenus, tout comme je pourrais ne pas être au fait des problèmes qui touchent plus particulièrement les gens des Prairies ou de l’Ouest canadien. Nous devons veiller à ce que toutes les régions aient voix au chapitre. Le fait est que nous vivons dans un pays qui s’étend sur un vaste territoire et qui a une économie diversifiée pouvant varier d’une région à l’autre. Le marché du travail est différent selon les régions.

Enfin, je voudrais faire une mise en garde contre l’excès de bureaucratie. La sphère de l’assurance-emploi est vaste. Je comprends que le conseil fasse partie de la commission, mais il ne doit pas centraliser l’attention et la consultation au sein d’une seule structure. Il arrive qu’une chose semble bonne en théorie, jusqu’à ce qu’elle soit mise en application, et c’est là que mon expérience en tant que députée de l’Assemblée législative entre en jeu. J’ai tenu la main de personnes qui passaient par le régime d’assurance-emploi. Même s’il s’agissait d’une compétence fédérale et que j’étais une députée provinciale, je me suis impliquée uniquement pour apporter mon aide lorsque c’était possible, de toutes les manières possibles.

Quand on écoute directement les personnes qui ne sont pas représentées par les grands syndicats et qui ne travaillent pas dans une grande industrie, on comprend qu’on ne peut pas les abandonner. Le système doit être inclusif afin que toutes les voix soient entendues.

En fin de compte, honorables sénateurs, notre régime d’assurance-emploi a besoin d’un remaniement majeur. L’assurance-emploi fait partie du filet de sécurité sociale des Canadiens. Les futurs gouvernements devront mieux s’en occuper. Ils devront faire preuve d’audace et procéder à une refonte au lieu de se contenter de projets pilotes. Il est arrivé trop souvent que le régime d’assurance-emploi ne réponde pas aux besoins des travailleurs canadiens dans une économie qui évolue rapidement. Je suis persuadée que le comité fera une étude approfondie du projet de loi, car, aujourd’hui plus que jamais, notre régime d’assurance-emploi a besoin d’être modernisé.

Alors que nous attendons que le gouvernement présente son plan pour améliorer le régime d’assurance-emploi, je remercie et félicite la sénatrice Bellemare de son initiative. Merci, honorables sénateurs.

L’honorable Hassan Yussuff : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Poirier : Oui, bien sûr.

Le sénateur Yussuff : D’abord, je vous remercie de vos observations au sujet de votre expérience, mais aussi du projet de loi. Comme nous le savons, la dernière réforme en profondeur du régime canadien d’assurance-emploi remonte à des dizaines d’années. Peu importe la région du pays, que ce soit dans un contexte urbain ou rural, les travailleurs font face aux mêmes défis au quotidien — c’est-à-dire leur situation s’ils sont laissés pour compte, s’ils n’ont pas droit à des prestations ou s’ils se retrouvent sans emploi.

À mon avis, il est juste de dire que le régime que nous utilisons depuis des dizaines d’années pour tenter de cibler ces préoccupations n’a pas vraiment permis de s’attaquer au cœur du problème : comment pouvons-nous mettre en place un meilleur régime qui tient compte de la réalité de ce qu’est le Canada?

Dans les collectivités rurales, il est tout à fait normal que les gens occupent des emplois saisonniers. Sans ces personnes, ces industries disparaîtraient. Je vais utiliser l’Île-du-Prince-Édouard comme exemple. Nous avons besoin de gens pour cultiver les pommes de terre et pêcher. Or, il y a des moments de l’année où il n’y a pas de travail pour eux dans ces industries, et c’est notre responsabilité collective de veiller sur eux.

J’espère que bon nombre des préoccupations que vous avez soulevées au sujet du projet de loi pourront être examinées par le comité et que des témoins auront la possibilité de raconter leur histoire. La structure que la sénatrice Bellemare propose dans son projet de loi sera aussi inclusive que possible pour que toutes les régions et toutes les industries du Canada soient entendues. Ce sont les travailleurs et les employeurs qui financent le système.

N’êtes-vous pas d’accord pour dire qu’il serait possible d’atténuer les préoccupations que vous avez soulevées et, parallèlement, de veiller à ce que ces voix soient entendues quand la nouvelle structure aura été créée après l’adoption de ce projet de loi, qui deviendrait ainsi une composante intégrale de la législation de notre pays?

La sénatrice Poirier : Je suis tout à fait d’accord.

En ce qui concerne le conseil qui sera mis en place, il sera extrêmement important — en particulier, dans les zones rurales du Nouveau-Brunswick et du Canada, où il y a beaucoup d’entreprises et de milieux de travail qui ne sont pas syndiqués — de nous assurer que ces travailleurs ont une voix et que nous pouvons les entendre.

Je suis convaincue que le Comité des affaires sociales, — dont je ne fais plus partie, mais où j’ai siégé pendant longtemps — fera un excellent travail et veillera à ce que toutes les voix soient entendues. Oui, il y a beaucoup de gens qui souffrent. Encore une fois, je me souviens de l’époque où j’étais députée à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick et que des électeurs faisaient appel à moi parce qu’ils n’avaient aucun autre recours. Il n’y avait même pas de projets pilotes ou quoi que ce soit d’autre. Je me tournais même vers les églises et les organisations locales pour voir où je pourrais trouver du bois de chauffage pour aider les familles à chauffer leur maison l’hiver, de la nourriture ou d’autres choses.

Oui, c’est quelque chose qui me tient à cœur. Je crois vraiment que le comité fera un excellent travail et s’assurera que toutes nos voix sont bien entendues. Merci.

[Français]

L’honorable Éric Forest : D’abord, félicitations pour votre intervention cruciale pour des régions où l’industrie repose en bonne partie sur l’industrie saisonnière — pensons aux pêches et à l’industrie agricole.

En ce qui concerne le phénomène du trou noir, on nous répète qu’on mène des consultations et qu’on va nous arriver avec une réforme de l’assurance-emploi.

Ne pensez-vous pas que le danger qui nous guette actuellement, compte tenu de la rareté des ressources et du fait que l’on se dispute une main-d’œuvre qualifiée, c’est que des régions comme la vôtre et comme la mienne, qui sont des régions où les travailleurs sont liés à l’industrie saisonnière, soient accaparées par d’autres secteurs industriels beaucoup plus permanents? Ne pensez-vous pas qu’il serait urgent d’arrêter de faire des consultations et de procéder à une réforme de l’assurance-emploi qui tiendra compte de ces réalités?

La sénatrice Poirier : C’est là que je pense que le comité pourrait faire du travail. Premièrement, à l’heure actuelle, il n’y a même pas de système en place pour donner une voix ou donner la parole aux personnes qui sont affectées par tout cela. Il n’y a personne pour les entendre.

(2030)

C’est bien beau de parler aux représentants des gouvernements qui sont là et qui prennent les décisions, mais il n’y a aucun recours pour se faire entendre. C’est là qu’il faut commencer pour que tout le monde comprenne. Ce qui est triste, c’est que beaucoup de gens croient que les travailleurs saisonniers... J’ai déjà présenté une interpellation à ce sujet il y a quelques années, peut-être avant votre arrivée au Sénat.

Il y a des endroits dans le pays, comme au Nouveau-Brunswick, où on peut travailler dans le secteur de la pêche, dans un champ de pommes de terre, dans le secteur de l’agriculture ou dans le secteur du tourisme, mais à un certain moment, la saison prend fin. Le nombre de semaines pour lesquelles ces travailleurs reçoivent des prestations, avec une famille, n’est pas suffisant. On a obtenu une réponse immédiate, et on a convenu que oui, on avait besoin d’un projet pilote, mais on est bien au-delà de cela maintenant. Il faut passer à l’action pour remédier à la situation dans les régions. S’il fallait éliminer tous les emplois saisonniers dans notre pays, on ferait pitié. Merci.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Dalphond, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

[Traduction]

Le Code criminel

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Kutcher, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-251, Loi abrogeant l’article 43 du Code criminel (appel à l’action numéro 6 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada).

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-251, Loi abrogeant l’article 43 du Code criminel (appel à l’action numéro 6 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada). Comme l’a souligné le sénateur Kutcher, c’est la 18e fois que ce projet de loi, ou un projet de loi semblable, est présenté. Je partage son espoir que c’est la dernière fois que nous voyons ce projet de loi, ou un projet de loi similaire, au Parlement — bien que ce soit pour des raisons probablement différentes de celles du sénateur Kutcher, comme je l’expliquerai.

Chers collègues, comme vous le savez, ce projet de loi modifiera le Code criminel afin de supprimer l’article 43, qui se lit comme suit :

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

En 2004, la Cour suprême a été invitée à examiner la constitutionnalité de cet article. Dans sa décision, elle a décrit les paramètres de l’affaire comme suit :

Le présent pourvoi porte sur la constitutionnalité de la décision du législateur d’établir une zone à l’intérieur de laquelle les pères, mères [...] et instituteurs peuvent, dans certaines circonstances, employer une force légère pour corriger un enfant sans s’exposer à des sanctions pénales. L’article 265 du Code criminel [...], qui traite des voies de fait, interdit à quiconque d’employer intentionnellement la force contre une autre personne sans son consentement. Selon l’art. 43 du Code criminel, ne constituent pas des voies de fait les châtiments corporels raisonnables que les parents et instituteurs infligent à un enfant.

Chers collègues, la question sur laquelle il faut trancher demeure la suivante : devrait-on traiter comme un criminel un parent qui a recours à la force pour corriger son enfant si la force n’excède pas la limite du raisonnable dans les circonstances?

Je signale que la question n’est pas de savoir si l’on devrait autoriser les parents à user de violence physique contre leur enfant ni si l’on devrait les autoriser à agresser physiquement leur enfant. Personne ne réclame cela. Personne ne nous demande de prévoir dans la loi un moyen de justifier la violence faite à un enfant. Or, c’est pourtant ce que laissaient entendre certains des discours qui ont été prononcés au Sénat.

Mon bon ami le sénateur Kutcher a laissé entendre que l’article 43 du Code criminel « [...] offre une protection aux personnes qui ont recours à la violence comme un outil éducatif [...] » La sénatrice Pate a dit que l’article 43 « [...] défend et justifie la violence perpétrée contre des enfants [...] » La sénatrice Petitclerc nous a poussés à adopter ce projet de loi parce que, comme l’a dit Nelson Mandela, « [n]ous devons à nos enfants [...] une vie exempte de violence et de peur ». Enfin, la sénatrice Moodie a dit que, dans les faits, l’article 43 permet aux « [...] enfants [de subir] certaines formes de violence physique ».

Chers collègues, la rhétorique acerbe sur le projet de loi est inquiétante par son manque de fondement et son caractère trompeur. Permettez-moi de vous donner quelques faits.

En 2004, la Cour suprême a défini des paramètres très stricts et précis pour l’application de l’article 43. Après avoir examiné les témoignages et les preuves, la juge en chef de la Cour suprême a écrit ce qui suit au nom de la majorité des juges :

Je conclus [...] que l’exemption de sanctions pénales, dans le cas où la force employée pour infliger une correction est « raisonnable dans les circonstances », ne contrevient pas à la Charte. J’affirme cela après avoir examiné attentivement le point de vue contraire de ma collègue la juge Arbour, selon lequel le moyen de défense fondé sur la correction raisonnable qu’offre l’art. 43 est si imprécis qu’il faut l’invalider pour cause d’inconstitutionnalité et laisser à la merci des moyens de défense fondés sur la nécessité et le principe de minimis les parents qui emploient la force pour corriger leur enfant.

La juge McLachlin a ajouté :

Je suis persuadée que le large consensus social relatif à ce qui constitue une correction raisonnable — étayé, en l’espèce, par une preuve d’expert cohérente et exhaustive concernant ce qui est raisonnable — contribue à clarifier le contenu de l’art. 43. Je suis également persuadée, en toute déférence pour le point de vue contraire, que l’exemption de sanctions pénales offerte aux parents ou instituteurs qui infligent une correction raisonnable ne porte pas atteinte aux droits à l’égalité des enfants. En définitive, je suis convaincue que l’art. 43 établit une norme constitutionnelle efficace qui protège à la fois les enfants et les parents.

Chers collègues, n’oubliez pas que la tentative de supprimer l’article 43 du Code criminel n’a pas été rejetée qu’une fois, mais trois fois. Trois tribunaux ont examiné la question et trois tribunaux ont rejeté la demande. Tout d’abord, elle a été rejetée en 2000 par le juge de première instance, le juge McCombs. Puis, deux ans plus tard, elle a été rejetée par la Cour d’appel de l’Ontario. Enfin, en 2004, elle a été rejetée par la Cour suprême du Canada.

Ce projet de loi a déjà été présenté 17 fois au Parlement et n’a jamais franchi l’étape de l’étude en comité. Le niveau d’orgueil qui mène une personne à le présenter au Parlement pour la 18e fois après 3 rejets par les tribunaux et 17 rejets par le Parlement me paraît quelque peu ahurissant. Pourquoi les sénateurs remettent-ils en question ce qui a déjà été réglé par le plus haut tribunal du pays?

Il n’y avait pas d’ambiguïté dans la décision de la cour concernant l’article 43. En fait, les paramètres établis étaient très clairs. Permettez-moi de citer l’étude de la Bibliothèque du Parlement datant de février dernier à ce sujet :

Les juges ont déclaré que l’expression « pour corriger », à l’article 43, signifie qu’il faut que l’emploi de la force soit réfléchi et modéré, qu’il réponde au comportement réel de l’enfant et qu’il vise à contrôler le comportement, à maîtriser l’enfant ou encore à exprimer une désapprobation symbolique. Ils ont ajouté que l’enfant doit être en mesure de comprendre la correction et d’en tirer profit, ce qui veut dire que l’article 43 ne justifie pas l’emploi de la force à l’égard d’enfants de moins de deux ans ou d’enfants ayant certaines déficiences.

Les juges ont également précisé que l’expression « raisonnable dans les circonstances », à l’article 43, signifie que la force doit être passagère et négligeable, et qu’elle ne doit pas avoir d’effet préjudiciable ni dégradant sur l’enfant. Selon eux, l’idée est de corriger l’enfant en tenant compte des circonstances plutôt que de la gravité de son comportement répréhensible. Selon la décision, l’expression laisse entendre également que la force ne doit pas être utilisée contre des adolescents, car elle risquerait de déclencher un comportement agressif ou antisocial. Elle ne doit pas non plus être appliquée au moyen d’objets comme une règle ou une ceinture et ne doit pas toucher la tête.

(2040)

Ces paramètres n’ont pas simplement été imaginés par la Cour suprême. Ils ont été tirés de la décision du juge de première instance, le juge McCombs, qui a déclaré : « Les châtiments corporels qui causent des blessures sont de la maltraitance à l’égard des enfants. [...] Les châtiments corporels ne doivent jamais consister en une gifle ou un coup sur la tête. » Il a aussi affirmé que :

Les châtiments corporels infligés à l’aide d’objets tels que les ceintures, les règles, etc., sont potentiellement dangereux, tant sur le plan physique qu’émotionnel, et ne doivent pas être tolérés.

Le juge McCombs a également indiqué que « frapper un enfant de moins de deux ans est un acte répréhensible et préjudiciable ».

Le juge McCombs a aussi déclaré que tous les experts s’étaient entendus pour définir la fessée ainsi :

[...] l’administration d’une ou deux tapes légères ou modérées, avec une main ouverte, sur les fesses ou les extrémités, qui ne causent pas de préjudices physiques.

Chers collègues, rien dans l’article 43 ne donne la moindre marge de manœuvre pour agresser un enfant ou en abuser. Suggérer le contraire est incendiaire et trompeur. La Cour suprême a clairement déclaré que « l’article 43 ne s’applique pas à l’emploi de la force qui cause ou risque de causer un préjudice ».

La maltraitance des enfants, quelle qu’elle soit, est l’un des comportements les plus odieux que l’on puisse imaginer, et c’est aussi un acte déjà considéré comme criminel. Les auteurs d’actes de violence envers des enfants devraient être soumis à la loi dans toute sa rigueur, ce qui est le cas au Canada, chers collègues.

Plutôt que de protéger les enfants, le projet de loi S-251 aura de profondes conséquences négatives pour les enfants et leurs familles s’il est adopté et si l’article 43 est supprimé.

L’ancienne juge en chef de la Cour suprême, la juge McLachlin, avait servi un avertissement au moment de commenter la décision rendue par la Cour suprême en 2004. Elle avait déclaré que la décision de ne pas criminaliser le châtiment corporel :

[...] est fondée non pas sur une dévalorisation de l’enfant, mais sur la crainte que la criminalisation de cette conduite détruise des vies et disloque des familles — un fardeau qui, dans une large mesure, serait supporté par les enfants et éclipserait tout avantage susceptible d’émaner du processus pénal.

Ce souci était partagé par la Cour d’appel de l’Ontario, qui a souligné ceci :

Le lien d’amour et de soutien mutuel entre les parents et leurs enfants est vital et mérite un grand respect. Une perturbation inutile de ce lien par l’État risque de causer de graves traumatismes tant aux parents qu’aux enfants. Les parents doivent jouir d’une large mesure de liberté sans interférence de l’État pour élever leurs enfants comme ils l’entendent.

Qui plus est, chers collègues, nous devons garder à l’esprit que même si nous débattons de l’article 43 dans le contexte de la fessée, l’incidence de la suppression de cette disposition législative serait beaucoup plus grande, et de loin.

Veuillez examiner la citation suivante :

L’infraction de voies de fait est définie à l’article 265 du Code criminel comme suit : « Commet des voies de fait [...] quiconque, selon le cas : [...] d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement ».

Cette définition générale, à elle seule, érigerait en infraction criminelle toute forme légère ou modérée de discipline physique, comme la fessée, telle que définie dans le cas présent. Sans l’article 43, d’autres formes de contraintes seraient érigées en infraction criminelle, comme mettre au lit un enfant qui le refuse, éloigner un enfant réticent de la table, retirer un enfant d’une salle de classe qui refuse de s’en aller, ou attacher un enfant dans un siège d’auto contre sa volonté.

Le fait que de telles formes généralement acceptées de discipline parentale seraient érigées en infraction criminelle en l’absence de l’article 43 est une considération importante.

Chers collègues, il ne s’agit pas ici d’un scénario exagéré présenté comme tactique alarmiste par les opposants au projet de loi. Il ne s’agit pas d’une théorie de complot proposé par les partisans de la terre plate. Il s’agit des mots du premier juge, le juge McCombs, dans son jugement sur cette question.

L’ancienne juge en chef Beverly McLachlin a fait écho à ces préoccupations dans l’affaire Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), en 2004, lorsqu’elle a déclaré ce qui suit :

Sans l’article 43, le droit canadien général en matière de voies de fait criminaliserait l’emploi de la force qui ne correspond pas à notre perception du châtiment corporel. La décision de ne pas criminaliser une telle conduite est fondée non pas sur une dévalorisation de l’enfant, mais sur la crainte que la criminalisation de cette conduite détruise des vies et disloque des familles — un fardeau qui, dans une large mesure, serait supporté par les enfants et éclipserait tout avantage susceptible d’émaner du processus pénal.

Cette préoccupation est bien réelle, bien que certains la ridiculisent ou la rejettent du revers de la main. L’adoption du projet de loi S-251 ne protégera pas les enfants : elle mettra plutôt les enfants et leur famille en danger.

Chers collègues, si j’ai bien compté, neuf sénateurs sont déjà intervenus au sujet de ce projet de loi avant moi. Bien que je respecte le droit qu’ont tous les sénateurs d’avoir leurs propres points de vue, j’aimerais revenir sur certains éléments mentionnés pendant le débat.

Tout d’abord, une personne a insinué que la Bible sanctionnait la violence faite aux enfants. C’est inexact. Aucun passage de la Bible ne pourrait servir de défense à quelqu’un qui inflige de mauvais traitements aux enfants. Aucun.

Les références bibliques aux châtiments corporels ne sont pas, et n’ont jamais été, une exhortation à la maltraitance des enfants ou une acceptation de celle-ci. En fait, comme l’ont souligné les historiens et les sociologues qui étudient l’Église primitive, l’une des raisons pour lesquelles le christianisme a connu une croissance exponentielle au cours de ses 300 premières années tient à la manière exceptionnelle dont les chrétiens traitaient les femmes et les enfants, contrairement à toutes les cultures qui les entouraient.

Les chrétiens croient que chaque personne — indépendamment de sa race, de son sexe, de son appartenance ethnique ou de son idéologie — est créée à l’image de Dieu. En outre, aux yeux de Dieu, chaque personne a une valeur incommensurable — à sa naissance, mais aussi dès sa conception — à tel point que Dieu était prêt à sacrifier la vie de son propre fils pour la rédemption de l’humanité. Voilà pourquoi les chrétiens de l’Église primitive traitaient tout le monde avec respect, y compris les femmes et les enfants.

Le sénateur Dalphond a souligné que les anciennes lois romaines donnaient au père le pouvoir de vie et de mort sur ses enfants. C’est vrai. L’avortement était monnaie courante. Les nouveau-nés non désirés, en particulier les filles, étaient souvent laissés à la merci des éléments jusqu’à leur mort. Toutefois, l’Église primitive a rejeté avec force ces attitudes et ces valeurs. Elle a traité les femmes et les enfants avec dignité, leur offrant un refuge sûr en ces temps tumultueux.

C’est encore vrai aujourd’hui pour le christianisme, et suggérer le contraire revient à déformer les faits. Toute référence biblique aux châtiments corporels infligés aux enfants n’est pas une approbation de la violence ou de la maltraitance. Les auteurs des Saintes Écritures n’ont jamais envisagé une telle chose et les disciples du Christ ne l’ont jamais encouragée. Au contraire, les chrétiens se sentent profondément responsables de la protection des personnes vulnérables et de la défense de ceux qui ne peuvent pas faire entendre leur voix. C’est pour cela que bon nombre d’entre eux n’hésitent pas à se dire contre l’avortement et l’aide au suicide.

(2050)

Je suis conscient que certains sénateurs peuvent avoir de la difficulté à accepter ce point de vue, mais cette position repose sur la ferme conviction que chaque vie humaine a une valeur inestimable. Quant à moi, j’ai du mal à comprendre pourquoi on voudrait s’empresser de modifier le Code criminel afin de considérer comme des criminels les parents qui donnent à leurs enfants une ou deux petites tapes sur le postérieur, tout en refusant de modifier le Code criminel pour préciser que le fait d’agresser sciemment une femme enceinte et le fait de causer des dommages corporels ou moraux à une femme enceinte sont considérés comme des circonstances aggravantes aux fins de la détermination de la peine.

Deuxièmement, j’aimerais répondre à ceux qui disent sans cesse que les résultats de recherche indiquent que les châtiments corporels sont nuisibles. Cette affirmation est au mieux discutable, et les résultats varient selon les recherches sur lesquels on s’appuie. Je dirais que, plus on se penche sur la question, moins les fameuses données probantes tiennent la route.

Par exemple, dans le cadre d’une étude universitaire, des chercheurs se sont penchés sur 26 études menées sur cette question au cours des 50 années précédentes, et ils sont arrivés à la conclusion suivante : « Les résultats pour établir si les châtiments corporels sont plus avantageux ou moins avantageux que d’autres mesures disciplinaires varient selon le type de châtiment corporel employé. » Les résultats de l’étude indiquent essentiellement que, dans les cas où le châtiment corporel respectait les balises établies par la Cour suprême, cette forme de châtiment était considérée comme étant aussi bonne ou meilleure que d’autres mesures disciplinaires.

Une étude universitaire faite en 2019 sur les recherches réalisées dans ce domaine a confirmé ces résultats. En outre, elle a relevé deux problèmes d’envergure dans les études qui concluaient à l’effet préjudiciable de tous les châtiments corporels.

Tout d’abord, elle a constaté que ces études ne faisaient souvent pas de distinction entre les résultats d’une discipline trop sévère et ceux d’une discipline physique non abusive. Au lieu de cela, elles les regroupaient, ce qui ne nous permet pas de comparer utilement l’effet des châtiments corporels qui dépassent les paramètres actuels du droit canadien et des châtiments corporels administrés dans le cadre des lignes directrices établies par la Cour suprême.

Ensuite, les études qui ont conclu que tous les châtiments corporels étaient toujours préjudiciables, « n’ont pas résolu le problème de la poule et de l’œuf, à savoir si un très mauvais comportement entraîne un châtiment corporel ou vice versa ».

L’un des arguments les plus forts contre les châtiments corporels veut que la fessée soit associée à des problèmes de comportement ultérieurs, comme l’agressivité. Cependant, des études ont montré que cette corrélation existe avec tous les types de discipline corrective. Comme l’indique une étude :

Étant donné que tous les types de discipline corrective sont associés à une agressivité ultérieure, celle-ci ne peut être attribuée uniquement à la fessée, sauf dans le cas d’une utilisation excessivement sévère et prédominante de la punition corporelle.

Chers collègues, la plupart des prétendues preuves contre la fessée sont basées sur de simples corrélations, elles ignorent les études sur la fessée conditionnelle et elles ne comparent pas les résultats de la fessée avec les résultats d’autres mesures disciplinaires que les parents pourraient utiliser à la place. Cela ne motive pas la suppression de l’article 43 du Code criminel.

Qu’en est-il de l’appel à l’action no 6 de la Commission de vérité et réconciliation? Permettez-moi d’affirmer catégoriquement que les mauvais traitements subis par les enfants des Premières Nations dans les pensionnats autochtones étaient horribles. De telles choses n’auraient jamais dû se produire, et mes observations ne cherchent aucunement à diminuer l’horreur des expériences traumatiques que les enfants et leur famille ont vécues et, dans bien des cas, continuent à vivre.

Chers collègues, il y a eu 15 ans dimanche dernier que le gouvernement canadien sous la direction du premier ministre Stephen Harper a fait des excuses aux survivants des pensionnats autochtones et a reconnu les graves injustices et les traumatismes inimaginables subis par les enfants autochtones arrachés à leur famille. Les séquelles laissées par les pensionnats autochtones demeurent un chapitre odieux de l’histoire de notre pays, qui a dévasté des familles et des collectivités entières.

Comme vous le savez, dans le cadre du processus de réconciliation qui a suivi, la Commission de vérité et réconciliation a formulé 94 appels à l’action. Le sixième appel à l’action demandait au gouvernement « d’abroger l’article 43 du Code criminel du Canada ». Cependant, chers collègues, je note que la Commission de vérité et réconciliation n’avait pas le mandat de s’immiscer dans tous les foyers du pays et de dicter ce qui est approprié ou inapproprié en ce qui concerne des mesures disciplinaires aimantes et non dommageables. En fait, je serais étonné que les survivants des pensionnats autochtones, des gens qui ont énormément souffert d’une intervention excessive de l’État, soutiennent un appel à l’action qui demanderait au gouvernement de s’ingérer dans la vie des autres familles.

Le mandat confié à la commission était de s’attaquer à l’héritage néfaste des pensionnats autochtones, et non d’imposer des révisions radicales du droit canadien en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire légitime des parents de discipliner leurs enfants. En outre, chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que l’appel à l’action no 6 se trouve sous la rubrique « Éducation ». Cet appel à l’action ne vise pas à imposer une philosophie de la discipline à tous les parents du pays, mais à veiller à ce que l’article 43 ne soit pas utilisé comme un bouclier pour permettre aux enseignants de frapper un enfant dont ils ont la charge.

C’est conforme à la décision rendue par la Cour suprême en 2004. Dans cette décision, la cour a convenu que :

[…] bien que l’imposition de châtiments corporels ne soit pas raisonnable dans le contexte scolaire, les enseignants peuvent employer la force pour expulser un enfant de la classe ou faire respecter les directives.

Je soutiens qu’une application appropriée de l’appel à l’action no 6 consisterait à modifier l’article 43 en supprimant les mots « instituteur » et « élève ». Cela ferait avancer le processus de réconciliation en répondant à la nécessité de s’attaquer aux effets des abus commis dans les pensionnats, sans pour autant avoir une application trop vaste.

Chers collègues, nous vivons une époque troublée. De nombreuses familles ont l’impression que leurs croyances et valeurs traditionnelles et profondes sont attaquées. Il suffit de regarder les manifestations de parents dans notre propre arrière-cour, ici à Ottawa, le week-end dernier, et à nouveau cet après-midi, pour s’en convaincre. Ou encore la bataille qui oppose actuellement le premier ministre du Nouveau-Brunswick au premier ministre, le premier ministre Higgs tentant de défendre des droits alors que Justin Trudeau les rejette en les qualifiant comme étant des valeurs d’extrême droite.

Chers collègues, permettez-moi de citer un article paru dans le National Post aujourd’hui :

Les droits parentaux sont désormais une question politique d’extrême droite, selon Justin Trudeau.

Il se peut que le premier ministre n’ait pas voulu dénigrer des millions de parents en les mettant dans le même sac que d’autres radicaux d’extrême droite tels que les suprémacistes blancs et les fascistes, mais le fait qu’il l’ait fait témoigne de sa tendance à parler sans réfléchir.

Il est regrettable qu’une fois de plus, M. Trudeau, qui a souvent dénoncé la partisanerie tout en prônant la conciliation, utilise une rhétorique incendiaire qui aliénera une grande partie des Canadiens.

Les propos clivants de M. Trudeau font suite aux changements controversés apportés par le gouvernement du premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, aux règles relatives à l’égalité des sexes dans les écoles de la province.

C’est du ressort des provinces. Chers collègues, c’est une chose de demander aux parents de s’adapter à une culture en évolution et de faire preuve de tolérance à l’égard de croyances qu’ils ne partagent pas et de respecter ceux qui ont des valeurs différentes. Cependant, lorsque l’État commence à imposer ces valeurs à ceux qui n’y adhèrent pas, cela déchire le tissu social.

La Cour suprême du Canada a dit très clairement qu’en matière de religion et de croyance, l’État doit demeurer neutre. Or, aujourd’hui, beaucoup de Canadiens ont du mal à constater cette neutralité. Ils ont l’impression que leurs gouvernements deviennent de plus en plus élitistes et qu’ils empiètent progressivement sur les compétences qui relèvent traditionnellement des familles.

(2100)

Comme je l’ai indiqué dans mon intervention sur le prédécesseur de ce projet de loi, le projet de loi S-206, je suis en désaccord avec à peu près tout ce que le premier ministre Pierre Elliott Trudeau a jamais dit. Cependant, je partage son avis sur une chose, à savoir que l’État n’a pas sa place dans la chambre à coucher des Canadiens. Je pense aussi que l’État n’a pas sa place dans le foyer de parents aimants qui font de leur mieux pour élever leurs enfants de façon responsable et affectueuse. Je vous remercie, chers collègues.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Oui.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Sénateur Plett, merci d’accepter de répondre à ma question.

Vous avez cité le jugement du groupe majoritaire des juges de la Cour suprême qui ont rendu la décision en 2004.

Ne pensez-vous pas qu’il est important, par ailleurs, de reconnaître qu’il s’agissait d’un jugement sur lequel il y a eu des dissidences? La juge Deschamps s’est exprimée ainsi en parlant de l’article 43, et je cite :

[...] l’art. 43 perpétue l’idée que les enfants sont des possessions plutôt que des êtres humains, et il transmet le message que leur intégrité et leur sécurité physiques doivent être sacrifiées à la volonté de leur père et mère, aussi peu judicieuse soit-elle. Loin de correspondre à leurs besoins et à leur situation véritables, l’art. 43 accentue le désavantage préexistant que subissent les enfants à titre de groupe vulnérable et souvent impuissant, pour qui l’accès à la justice en vue d’obtenir réparation est déjà limité.

Ma question est la suivante. Comme il s’agit d’un jugement de 2004, êtes-vous d’accord pour reconnaître que, puisque les mentalités évoluent, les jugements de la Cour suprême ne sont pas des autorités définitives et que nous pouvons donc porter sur eux un regard différent en 2023, soit près de 20 ans après le jugement auquel vous avez fait référence?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je suis d’accord pour dire que nous pouvons l’examiner tous les 20 ans si nous le souhaitons. Comme je l’ai indiqué initialement, il a été examiné à 17 reprises auparavant. La Cour suprême n’est pas la seule à l’avoir fait, puisque le Parlement l’a rejeté à 17 reprises de manière démocratique.

Je ne suis pas censé vous poser la question, mais voici une réponse : croyez-vous au bien-fondé du processus démocratique qui a abouti au rejet de ce projet de loi à 17 reprises? La Cour suprême, trois tribunaux — pas seulement un, mais trois —, ont rejeté ce projet de loi. Y a-t-il eu des opinions dissidentes? Absolument. Il y en aura toujours. C’est quelque chose dont je me réjouis aujourd’hui, et je me réjouis de vous entendre vous exprimer sur ce projet de loi si vous pensez que c’est un bon projet de loi. Il se trouve qu’en tant que père et que grand-père aimant, je souhaite laisser à mes enfants le soin d’élever leurs enfants de la manière qui leur convient. Je n’ai jamais vu des gens aussi aimants. Mes propres enfants pourraient me donner des leçons sur la manière dont ils élèvent les leurs, mais je préfère ne pas m’en mêler, et je pense que le Sénat ne devrait pas s’en mêler non plus.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question complémentaire?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Oui.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Sommes-nous d’accord, vous et moi, pour dire que cette question mérite d’être étudiée par le Sénat en tant que législateur, puisque la Cour suprême elle-même a souligné qu’elle ne pouvait trancher la question du changement relatif à l’article 43, et que cette question revient aux parlementaires?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Si vous aviez écouté mon discours, sénatrice Dupuis, je pense que vous auriez constaté que non, je ne partage pas votre opinion. Nous nous sommes déjà penchés sur cette mesure législative à 17 reprises et elle a été rejetée à chaque fois. Je crois en la démocratie. Si la mesure législative est à nouveau rejetée et quelqu’un la présente l’année prochaine — je ne suis ici que pour deux autres années, je n’ai que deux autres chances d’agir —, je m’y opposerai les deux prochaines fois, comme je l’ai fait la dernière fois.

Suis-je d’accord pour dire que nous avons le droit? Non, j’aimerais que nous torpillions le projet de loi maintenant. Je ne vais pas m’opposer à ce qu’il soit renvoyé au comité; la décision a été prise. J’ai pris la parole aujourd’hui en tant que porte-parole, sénatrice Dupuis. Cela, en soi, devrait vous dire que j’approuve l’étude du projet de loi en comité. Le projet de loi sera renvoyé au comité ce soir.

L’honorable Paula Simons : Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Certainement.

La sénatrice Simons : Sénateur Plett, je suis d’accord avec vous pour dire que les parents devraient avoir le droit d’élever leurs enfants selon leurs propres principes. Je m’interroge sur les principes qui sous-tendent l’idée que des semeurs de haine se déplacent de la Colombie-Britannique pour venir se tenir devant les écoles d’Ottawa afin de harceler les enfants homosexuels et transgenres et de frapper un député provincial d’Ottawa au visage à l’extérieur de ce rassemblement.

Peut-être que si vous n’êtes pas opposé à ce que des enfants reçoivent des tapes, vous n’êtes pas non plus opposé à ce que des transphobes frappent des députés provinciaux.

Le sénateur Plett : J’invoque le Règlement, Votre Honneur. Cette question n’est liée à rien de ce que j’ai dit ici aujourd’hui. J’aimerais que la sénatrice Simons, si elle a une question relative à mon discours, la pose et ne se lance pas dans une diatribe. Si elle veut débattre de ce projet de loi plus tard, elle pourra le faire.

La sénatrice Simons : Le sénateur Plett a indéniablement fait référence aux deux manifestations organisées à l’extérieur des écoles. Il a clairement mentionné Blaine Higgs, qui...

Le sénateur Plett : Encore une fois, cette intervention relève du débat, Votre Honneur, et non d’une question. J’aimerais ne pas débattre davantage avec la sénatrice Simons, et je ne répondrai donc pas à sa question.

La sénatrice Simons : Vous n’allez pas répondre à la question que j’avais déjà posée?

Son Honneur la Présidente : Vous n’aviez pas terminé votre question.

L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Plett, accepteriez‑vous de répondre à une question de ma part?

Le sénateur Plett : Oui.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup. C’est une question courte, qui me tracasse depuis de nombreuses années et dont j’aimerais vous faire part.

Comment se fait-il que, à titre de législateurs, nous puissions justifier qu’il est illégal pour un adulte d’en frapper un autre, mais qu’une agression semblable par un parent à l’endroit d’un enfant est légale au Canada et continuerait de l’être si nous n’adoptons pas ce projet de loi?

Le sénateur Plett : Sénatrice McPhedran, je ne sais pas si vous avez écouté mon discours ou non. J’ai dit qu’une tape sur les fesses avec la main qui ne laisserait pas de trace n’est pas une agression. Alors, non, nous sommes d’accord. On ne devrait pas agresser des enfants. Absolument. Je ne crois pas que donner la fessée à un enfant en lui donnant deux tapes sur les fesses — cela ne doit pas laisser de marque, sinon c’est une agression. Je ne crois pas que c’est une agression.

La sénatrice McPhedran : Éclairez-moi, sénateur Plett. Comment pouvons-nous réglementer cela, lorsque vous donnez un exemple précis de limite acceptable de contact physique ou de punition physique, qui se passe dans l’intimité d’un foyer ou d’un autre lieu où le destinataire des deux tapes, par exemple, n’a aucun pouvoir, aucune voix et aucun moyen de sortir de cette situation privée?

Le sénateur Plett : Encore une fois, sénatrice McPhedran, ce n’est pas moi qui ai fixé les paramètres, ce sont les tribunaux. Ce n’est pas moi qui ai établi la loi selon laquelle on peut donner deux tapes, ce sont les tribunaux. C’est à eux qu’il faut s’adresser, et il est possible qu’ils soient de nouveau saisis de la question. Je me suis simplement exprimé.

Je vais vous donner un exemple, sénatrice McPhedran. Vous dites que les enfants n’ont aucune voix. Voici un exemple. Mon fils me reniera peut-être jusqu’à la fin de ses jours pour avoir donné cet exemple, mais permettez-moi de vous parler de la première fessée que j’ai voulu donner à mon fils. Il avait peut-être quatre ans, et ma femme et moi n’étions pas d’accord sur la question de savoir si je devais le faire. Il avait fait quelque chose qui, selon moi, méritait une fessée. Je l’ai appelé dans la chambre et je l’ai fait se tenir devant moi. Il n’y avait pas de colère. Je lui ai demandé s’il savait que ce qu’il avait fait était mal. Oui, il le savait. Et je lui ai dit : « Tu sais, mon fils, je vais devoir te donner une fessée pour ce que tu as fait. » Il n’a pas argumenté. J’en ai discuté avec lui. Il m’a alors dit : « D’accord, papa, mais avant que tu ne le fasses, je peux te dire quelque chose? ». J’ai dit : « Bien sûr. ». J’étais assis; il était debout. Il a grimpé sur mes genoux, m’a mis les bras autour du cou, et a dit : « Je voulais juste te dire, papa, que je t’aime. » Il n’a pas eu de fessée ce jour-là. Bref, ne me dites pas que les enfants ne peuvent pas négocier pour éviter une punition. Ils savent le faire.

(2110)

L’honorable Margaret Dawn Anderson : Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Oui.

La sénatrice Anderson : Je vous remercie. Parmi les enfants pris en charge par les services sociaux, 100 % sont des enfants autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest et, ailleurs au Canada, les enfants autochtones sont surreprésentés. Dans ce contexte, a-t-on considéré que l’adoption de ce projet de loi risquerait de fournir des raisons supplémentaires de retirer des enfants autochtones de leur foyer et de leur communauté, ainsi que des raisons de criminaliser des parents autochtones?

Le sénateur Plett : Je vous remercie beaucoup de cette question, et je pense que vous soulevez un excellent point. Cependant, je suis le porte-parole pour ce projet de loi et je n’ai donc pas examiné cet aspect. Vous pourriez vous informer auprès du sénateur Kutcher quand vous le croiserez ou même lors d’une réunion de comité. Néanmoins, je pense que vous soulevez un point très légitime, sénatrice Anderson, et il faudrait le prendre en considération.

L’honorable Ratna Omidvar : Je voudrais poser une question au sénateur Plett.

Sénateur Plett, je me demande si vous avez entendu parler d’un comédien canadien très célèbre, Russell Peters. C’est l’un des humoristes canadiens les plus connus. Il habite maintenant à Los Angeles. Dans l’un de ses numéros très incisifs, il parle de la violence faite aux enfants en comparant les familles canadiennes et les familles d’immigrants. Sa phrase percutante est : « Quelqu’un va avoir très mal. » La façon dont il le dit est très particulière. Je vous encourage à écouter son numéro. Vous serez plié en deux. Il raconte que ses amis immigrants envient énormément ses amis non‑immigrants parce que les parents immigrants semblent battre leurs enfants plus violemment et plus régulièrement, disons, que d'autres parents.

Blague à part, j’aimerais savoir si votre recherche a fait état de données à ce sujet.

Le sénateur Plett : Je vous remercie de votre question, sénatrice Omidvar, mais je n’ai pas fait de recherches à ce sujet. Je suppose que la majorité des immigrants avec lesquels j’ai eu des contacts et des relations et qui sont venus dans notre pays ont en grande partie les mêmes valeurs familiales que moi, et c’est peut-être parce que ce sont eux que je fréquente. La majorité d’entre eux ont les mêmes valeurs que moi. Je ne pense pas que l’on puisse dire clairement qu’une ethnie est — je ne veux pas utiliser le mot « violente » — plus agressive que d’autres. Je peux me tromper.

La sénatrice Omidvar : Je ne le sais pas. C’est pourquoi j’ai posé la question.

Quel est le rôle des lois provinciales dans ce contexte?

Le sénateur Plett : Eh bien, il est clair que les lois provinciales sont très précises lorsqu’il s’agit de certaines questions, comme celle que j’ai soulevée, à savoir que le premier ministre est en train de se battre avec le premier ministre d’une province sur une question qui concerne les écoles. À part cela, sénatrice Omidvar, je n’en suis pas certain. Il est question ici du Code criminel, et c’est donc ce sur quoi je me suis concentré. Encore une fois, je m’excuse. C’est une question que nous devrions probablement soulever au comité pour déterminer le rôle des provinces à cet égard.

[Français]

L’honorable Éric Forest : Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Oui.

[Français]

Le sénateur Forest : Sénateur Plett, on conviendra que les lois sont faites pour protéger les plus faibles de certaines personnes qui pourraient exagérer.

L’exemple que vous nous avez donné et qui concerne votre fils montre votre caractère réfléchi, car vous lui avez expliqué la raison pour laquelle vous vouliez lui donner une fessée. Cependant, ce ne sont pas tous les pères qui sont comme vous, et votre fils — qui me semble très brillant — vous a sauté au cou en sachant que cela influencerait le dénouement.

Ne croyez-vous pas — quand on regarde la population en général — que le projet de loi que nous étudions ne protégerait pas les enfants, parce qu’on ne sévirait que si un geste laissait des traces? Il y a plusieurs occasions où l’on peut donner une fessée qui ne laissera pas de traces, par exemple si l’enfant porte une couche.

Ne croyez-vous pas que ce projet de loi aurait pour effet de protéger ceux qui n’ont pas un caractère posé et réfléchi comme le vôtre et qui n’ont pas un enfant aussi intelligent que le vôtre?

Il pourrait y avoir des situations où le père s’emporterait et où l’on pourrait assister à une certaine dérive qui ferait en sorte que l’enfant subirait les conséquences.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Tout d’abord, permettez-moi de dire que mon fils a essayé de faire la même chose une deuxième fois, mais que cela n’a pas fonctionné cette fois-là.

Sénateur Forest, vous faites des comparaisons comme je l’ai fait au début de mon discours. Nous comparons des pommes et des oranges. Je ne considère pas qu’un parent devrait taper son enfant parce qu’il est en colère. Je suis désolé si à un moment ou un autre de mon discours... on m’accuse de plein de choses, mais il est rare que ce soit de ne pas m’exprimer clairement. Je crois que j’ai expliqué assez clairement que je parlais d’une tape donnée avec amour sur les fesses et non sur le coup de la colère.

Ce qu’il faut déterminer, c’est s’il s’agit de quelque chose qui fait mal à l’enfant. Je ne parle pas de quelqu’un qui bat son enfant, honorables sénateurs, car, comme je l’ai dit dans mon discours, ce genre de comportement relève de l’agression d’un enfant. Je ne crois pas en cela.

Le Parti conservateur est le parti le plus sévère envers les criminels. Je crois que ceux qui agressent les enfants doivent se retrouver derrière les barreaux. Donner deux tapes sur les fesses de mon enfant ne fait pas de moi un agresseur d’enfants, sénateur Forest. Ce n’est pas une agression. C’est de la discipline administrée avec amour.

[Français]

Le sénateur Forest : J’aurais une question de suivi. Comment peut-on faire la distinction entre une tape qu’on donne par amour et une fessée? Comment peut-on définir cela?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Encore une fois, comme je l’ai dit à la sénatrice McPhedran, les tribunaux ont déjà tranché cette question. C’est leur décision. Nous n’avons pas à trancher la question, les tribunaux l’ont fait pour nous.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kutcher, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-255, Loi modifiant le Code criminel (meurtre d’un partenaire intime, de son propre enfant ou de l’enfant d’un partenaire intime).

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) propose que le projet de loi S-260, Loi instituant la Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de prendre la parole aujourd’hui en tant que marraine du projet de loi S-260, Loi instituant la Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral. Le texte désigne le 17 mai de chaque année comme Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral. Auparavant, on appelait aussi cette maladie le gliome pontique intrinsèque diffus.

(2120)

J’aimerais saluer mon collègue de l’autre endroit, le député Joël Godin. C’est un vrai militant, et je le remercie de travailler sans relâche pour les familles de sa circonscription, Portneuf—Jacques-Cartier, et de l’ensemble du pays qui sont affectées par cette terrible maladie.

Le gliome infiltrant du tronc cérébral est une tumeur cérébrale agressive qui s’attaque au tronc cérébral et qui détruit lentement toutes les fonctions vitales, même si les fonctions cognitives demeurent intactes, ce qui rend la personne affectée prisonnière de son propre corps. Le gliome infiltrant du tronc cérébral est la principale cause de décès par tumeur cérébrale chez les enfants au Canada, et elle touche des enfants âgés de 5 à 7 ans. Le gliome infiltrant du tronc cérébral touche davantage les enfants. C’est une maladie qui se développe rapidement, la tumeur peut se propager, et elle est difficile à retirer de façon chirurgicale.

Les symptômes les plus fréquents dont l’enfant peut souffrir sont la difficulté à marcher, les problèmes de coordination ou d’équilibre, une faiblesse dans les bras et les jambes, la difficulté à contrôler ses expressions faciales, les troubles de la parole, la difficulté à avaler ou à mastiquer, la vision double ou la difficulté à contrôler les mouvements des yeux. Ces enfants courageux se battent pour leur vie, et leurs familles ne peuvent rien faire pour les sauver.

Le gliome infiltrant du tronc cérébral est inopérable, incurable et fatal, avec un taux de survie de 0 %. Le projet de loi S-260 apportera de l’espoir aux familles qui ont perdu un enfant et qui, malgré leur chagrin, continuent à se battre pour sensibiliser la population et soutenir d’autres familles confrontées à la même situation impensable et à la même perte. Elles sont unies dans leur lutte pour trouver des réponses, des recherches et des ressources pour combattre cette terrible maladie.

Depuis plus de 40 ans, le pronostic et le traitement du gliome infiltrant du tronc cérébral sont restés inchangés. Les familles continuent de se battre malgré tout et elles ont besoin de plus de soutien. L’adoption du projet de loi S-260 permettra de mieux faire connaître cette maladie et d’encourager les investissements publics et privés dans la recherche, ce qui améliorera le pronostic et le traitement, non seulement au Canada, mais aussi dans le monde entier.

Le 17 mai est déjà reconnu dans d’autres pays comme la journée de sensibilisation au gliome pontique intrinsèque diffus. Le projet de loi S-260 mettrait le Canada au même niveau que ces autres pays en désignant le 17 mai comme Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral.

Honorables sénateurs, pour conclure, je vais lire les noms des magnifiques anges qui ont inspiré ce projet de loi : Adaura Cayford, 9 ans; Alexandra Brodeur, 8 ans; Alicia Jolicœur Vella, 8 ans; Claire Sommer, 13 ans; Ellie Bonnett, 4 ans; Florence Gagné, 5 ans; Gabriel Rey, 12 ans; Gordie White, 4 ans; Isaac Dupré, 5 ans; Isabelle Borkowski, 4 ans; James Lavoie, 5 ans; Jordana Fiorini, 10 ans; Jordyn Chan, 6 ans; Julia De Luca, 5 ans; Justin Brouwer, 9 ans; Kara MacLellan, 4 ans; Karter Bourgeault, 5 ans; Kayge Fowler, 6 ans; Maika Lefebvre, 5 ans; Marie-Ange Forest, 11 ans; Matthew Isaak, 10 ans; Mia Bordeleau, 4 mois; Myah Windrim, 8 ans; Naomi Nevesely, 7 ans; Nathan Froese, 8 ans; Neil Ashamock, 17 ans; Nelina MacPherson, 6 ans; Noah Mercier, 7 ans; Olivia Hirsch, 5 ans; Ronan Smyth, 13 ans; Ronny Betterley, 7 ans; Sarah Kim-Bouchard, 10 ans; Théo Daigle, 6 ans; Trinity Ellsworth, 6 ans; Tyler Palmowski, 13 ans; Victoria-Rose Bilodeau, 11 ans; et Willow Lanto, 3 ans.

Honorables sénateurs, je vous prie aujourd’hui d’appuyer le projet de loi S-260 pour désigner le 17 mai comme la Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral, en l’honneur de ces magnifiques anges et dans l’espoir de trouver de nouveaux traitements et d’améliorer le pronostic pour les enfants et leur famille. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

La Loi sur l’assurance-emploi
Le Règlement sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Adoption du dixième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts

Consentement ayant été accordé de revenir aux autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, rapports de comités, article no 1 :

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénateur Patterson (Nunavut), tendant à l’adoption du dixième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard), avec une recommandation), présenté au Sénat le 17 mai 2023.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Projet de loi sur le Mois du patrimoine arabe

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-232, Loi instituant le Mois du patrimoine arabe.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Déclaration d’intérêts personnels

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je, Mobina Jaffer, déclare que je pense avoir des intérêts personnels qui pourraient être touchés par la question dont est saisi actuellement le Sénat. D’une manière générale, mes intérêts personnels viennent du fait que mes sœurs et moi détenons une ferme avicole. Merci.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, la sénatrice Jaffer vient de faire une déclaration d’intérêts personnels concernant le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, et, conformément à l’article 15(7) du Règlement, cette déclaration sera consignée aux Journaux du Sénat.

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wells, appuyée par l’honorable sénatrice Batters, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je prends la parole en tant que porte-parole au sujet du projet de loi d’initiative parlementaire C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Ce projet de loi propose de lever l’obligation, pour les agriculteurs, de payer un prix pour les émissions de gaz à effet de serre qu’ils génèrent lorsqu’ils utilisent du propane ou du gaz naturel pour chauffer leurs bâtiments agricoles ou sécher leur grain.

[Français]

D’emblée, j’exprime mon admiration et mon soutien aux agriculteurs canadiens. Je sais à quel point l’agriculture est essentielle à la préservation de notre capacité à nourrir nos concitoyens et même une partie du monde. C’est pourquoi le Canada dispose d’une multitude de programmes destinés à soutenir et à aider tous les secteurs agricoles.

(2130)

Pour n’en citer que quelques-uns, nous disposons de systèmes de gestion de l’offre pour le lait, les œufs, les poulets et les produits de l’érable. Nous avons des programmes d’assurance pour les cultures. Nous offrons des garanties de paiement du prix de nos exportations. Nous avons aussi des programmes de financement pour les fermes et le matériel agricole, ainsi que des lois visant à empêcher la saisie des biens agricoles.

Récemment, le 9 mars 2022, la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, l’honorable Marie-Claude Bibeau, a annoncé le lancement du Fonds d’investissement pour la transformation des produits sous la gestion de l’offre, visant à accroître leur compétitivité. Ce fonds est d’une valeur de 292,5 millions de dollars, ce qui porte à plus de 3 milliards de dollars le montant total engagé pour indemniser et soutenir les acteurs de différents secteurs agricoles à la suite de la signature d’accords commerciaux internationaux, et ce, afin de moderniser leurs opérations et de les rendre plus compétitifs. Le Canada investit beaucoup dans la compétitivité de ses agriculteurs.

En tant que petit-fils d’un agriculteur, je reconnais l’attrait du projet de loi C-234, qui vise en apparence à laisser plus d’argent dans les poches de certains agriculteurs. Toutefois, en tant que grand-père, je suis également conscient que nous sommes au cœur d’une crise climatique mondiale et que nous devons agir de manière résolue pour stopper les changements climatiques, qui menacent tout autant les exploitations agricoles que la biodiversité, ainsi que la santé et le bien-être d’un grand nombre de personnes, non seulement au Canada, mais dans le monde entier.

[Traduction]

Mon discours se divise en quatre parties : premièrement, le rôle du porte-parole au sujet d’un projet de loi; deuxièmement, la crise climatique et la nécessité de tarifer de manière importante les émissions de carbone; troisièmement, l’origine du projet de loi C-234 et son contexte en évolution; et enfin, pourquoi ce projet de loi n’est pas la bonne solution aux défis que nous devons relever collectivement pour procurer à tous, y compris aux agriculteurs canadiens, un avenir meilleur.

L’annexe au Règlement du Sénat portant sur la terminologie définit le porte-parole pour un projet de loi ainsi :

Principal sénateur répondant au parrain d’un projet de loi. Le porte-parole est désigné soit par le leader ou le leader adjoint du gouvernement (si le parrain n’est pas membre du gouvernement), soit par le leader ou le leader adjoint de l’opposition (si le parrain est membre du gouvernement). Il arrive souvent, mais pas systématiquement, que le porte-parole soit le deuxième sénateur à prendre la parole sur le projet de loi.

Autrement dit, le porte-parole est le contrepoids du parrain du projet de loi. Pour cette raison, le Règlement accorde au porte‑parole jusqu’à 45 minutes de temps de parole aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture, alors que tous les autres sénateurs, à l’exception des leaders, ne disposent que de 15 minutes.

Il est donc logique que les rôles du parrain et du porte-parole soient distincts. Le parrain se fait le champion du projet de loi, tandis que le porte-parole a pour responsabilité d’en fournir une évaluation critique, en réponse au discours du parrain. Un porte‑parole n’est pas un parrain latent et devrait éviter la bienveillance autant que possible.

La logique qui sous-tend le rôle de porte-parole est d’éclairer le débat tôt dans le processus — après le parrain. Les sénateurs indépendants devraient avoir la possibilité d’examiner les arguments du parrain et du porte-parole avant d’entamer le débat.

Le porte-parole ne devrait pas être investi d’un droit de veto procédural implicite sur l’avancement d’un projet de loi privé. Le cas récent du projet de loi S-241 — où le porte-parole a accepté de prendre la parole seulement 14 mois après le parrain — est inacceptable. Les projets de loi privés méritent de faire l’objet d’un vote à l’étape de la deuxième lecture dans un délai raisonnable et, si la motion est adoptée, d’être renvoyés au comité pour un examen sérieux.

Enfin, comme l’a suggéré le sénateur Downe à propos du projet de loi C-13, les rôles de parrain et de porte-parole au sujet d’un projet de loi devraient être considérés comme incompatibles avec la présidence des travaux d’un comité sur le projet de loi en question. Au cours de la 42e législature, le sénateur Runciman, l’ancien président du Comité des affaires juridiques, et la sénatrice Andreychuk, l’ancienne présidente du Comité des affaires étrangères, ont respecté ce principe en quittant la présidence lorsque les projets de loi qu’ils parrainaient ont été présentés à leur comité.

En fait, les membres d’un comité devraient toujours être en mesure d’effectuer le niveau d’analyse approprié, y compris de sonder les préoccupations et les arguments opposés. Si nous ne le faisons pas, le risque d’une erreur grave est élevé, en particulier pour les projets de loi d’intérêt privé pour lesquels, la plupart du temps, nous ne bénéficions pas de la perspective et de l’expertise des ministères concernés. L’exemple récent d’un projet de loi du Sénat concernant les prestations d’assurance-emploi à l’Île-du-Prince-Édouard devrait rappeler aux comités qu’il faut prendre le temps d’effectuer un niveau d’analyse approprié pour tous les projets de loi d’intérêt privé.

Dans ce cas précis, je remercie la sénatrice Ringuette, qui a sonné l’alarme juste à temps.

Pour conclure sur ce sujet, j’invite le Comité du Règlement à examiner les règles concernant les parrains et les porte-parole.

Je passe maintenant à mon deuxième sujet, la crise climatique.

La plupart des sénateurs s’entendent pour dire que les émissions de gaz à effet de serre constituent une menace existentielle pour l’environnement, la biodiversité et la vie humaine au Canada et dans le monde entier. La plupart d’entre nous s’entendent aussi sur le fait que, s’il n’y a pas d’action décisive, les conséquences du changement climatique ne feront que s’aggraver — pensez à l’élévation du niveau des mers, à l’acidification des océans, aux feux de forêt, aux vagues de chaleur, aux tempêtes, aux inondations, aux sécheresses, à la perte de biens, à la dégradation des sols et au déplacement forcé de millions de personnes vulnérables.

Au Canada, le climat se réchauffe à un rythme plus de deux fois supérieur à celui de la planète. De plus, comme on l’a souligné lors d’une récente conférence organisée par notre collègue la sénatrice Anderson, la situation est pire dans l’Arctique canadien, qui se réchauffe à un rythme trois à quatre fois supérieur à celui de la planète.

En 2021, la température moyenne nationale était supérieure de 2,1 degrés Celsius à la valeur de référence de 1961 à 1990. Cette année-là, le dôme de chaleur qui a touché la Colombie-Britannique pendant deux semaines a donné lieu à 1 000 nouveaux records de température quotidiens locaux et a contribué à une saison d’incendies de forêt précoce et plus active et destructrice que la moyenne. Cette chaleur extrême a également causé plus de 600 décès.

Les incendies de forêt qui font rage à l’heure actuelle un peu partout au Canada nous rappellent que la situation est appelée à s’aggraver. Pour reprendre les paroles du professeur Mike Flannigan de l’Université de l’Alberta, ces incendies de forêt sont les « changements climatiques en action ».

Cela coûte cher aux Canadiens. Dans un article du Globe and Mail publié le 21 mai, on rapporte que les incendies de forêt de 2016 en Alberta ont coûté près de 9 milliards de dollars.

Chers collègues, les graves conséquences des changements climatiques ne sont nulle part plus tangibles que dans le secteur agricole. En effet, une étude menée en 2021 par l’Université Cornell fait état d’une baisse de 21 % de la productivité liée au réchauffement climatique, comparativement à ce qu’elle aurait pu être en l’absence des changements climatiques.

Selon le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada :

Les changements dans les régimes de température et de précipitations augmenteront la dépendance à l’égard de l’irrigation et de la gestion des ressources en eau, notamment dans les Prairies et l’intérieur de la Colombie-Britannique où les déficits d’humidité sont les plus importants, mais aussi dans les régions où il n’y a pas eu traditionnellement de besoin d’irrigation.

Le ministère ajoute ceci :

Dans de nombreuses régions du pays, les printemps plus humides que la normale présenteront des défis tels que la nécessité de retarder les semis. Les inondations et autres événements extrêmes, y compris les incendies de forêt, peuvent entraîner la perte ou la relocalisation du bétail et endommager les cultures. La fréquence et l’intensité accrues des tempêtes pourraient entraîner des pannes de courant, touchant les systèmes de chauffage et de refroidissement du bétail ainsi que les systèmes d’alimentation et de traite automatisés.

(2140)

En 2018, les dommages causés par les phénomènes météorologiques violents aux exploitations agricoles canadiennes ont atteint 2 milliards de dollars. C’est le quatrième coût en importance jamais enregistré. En 2019, les agriculteurs de l’Alberta ont parlé de la « récolte infernale ». Selon le Western Producer, la valeur totale estimée des cultures non récoltées s’élevait à 778 millions de dollars, soit trois quarts de milliards de dollars. Les récentes saisons plus humides que d’ordinaire se sont traduites par la nécessité d’augmenter le séchage du grain dans de nombreuses provinces. En 2021, à titre de marraine du projet de loi C-12, Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, la sénatrice Galvez a dit ce qui suit :

[...] nous devons agir maintenant. Les coûts associés à l’atteinte de l’objectif de 1,5 degré Celsius augmentent de 5 billions de dollars globalement pour chaque année d’inaction [...] Le Canada est le 10e plus grand contributeur au changement climatique et ses émissions par personne sont parmi les plus élevées au monde [...]

Dans ce contexte et compte tenu du fait que le Canada s’est engagé dans l’Accord de Paris à réduire ses émissions de carbone, la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre a été présentée au Parlement le 27 mars 2018 par le truchement d’une loi d’exécution du budget. Elle est entrée en vigueur le 21 juin 2018.

La loi établit le cadre du système fédéral de tarification de la pollution par le carbone. L’approche fédérale permet aux provinces et aux territoires de mettre en œuvre leur propre système de tarification de la pollution par le carbone, aligné sur les normes communes minimales que tous les systèmes de tarification du carbone doivent respecter. Le système fédéral de tarification de la pollution par le carbone s’applique dans les provinces ou les territoires qui en font la demande, ou là où il n’y a pas de système en place qui respecte les exigences nationales minimales en matière de rigueur. Voilà pourquoi on l’appelle un système de filet de sécurité.

Il est important de souligner que, aux termes de la loi, toutes les recettes provenant du système fédéral de tarification du carbone sont retournées à la province ou au territoire où elles ont été perçues.

Fixer un prix pour les émissions de gaz à effet de serre est une façon logique de provoquer des changements de comportement qui conduiront à des réductions généralisées des émissions de gaz à effet de serre. La tarification vise à motiver les particuliers et les entreprises à faire des choix de consommation et d’approvisionnement plus durables sur le plan environnemental, à réorienter leurs investissements et à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en remplaçant les produits à forte intensité carbonique par des solutions à faible émission de gaz à effet de serre.

D’une manière générale, il existe deux approches principales en matière de tarification des gaz à effet de serre. La première consiste à imposer directement un prix fixe pour les émissions, par exemple au moyen d’une taxe sur les combustibles ou d’un prélèvement. L’autre approche consiste à fixer un plafond pour les émissions sans en fixer le prix, par exemple dans le cadre d’un système de plafonnement et d’échange. Cette approche plafonne les émissions globales et permet aux entreprises et aux industries d’échanger des permis d’émission afin que les réductions d’émissions aient lieu là où elles coûtent le moins cher. Il existe également des approches hybrides, comme le système fédéral de tarification du carbone pour l’industrie lourde.

Toutes ces approches fixent une tarification des émissions de gaz à effet de serre. Les provinces et les territoires peuvent choisir le type de système le mieux adapté à leur situation. Quelle que soit l’approche retenue, la tarification de la pollution par le carbone est le moyen le plus rentable de réduire les émissions, car elle ne prescrit pas la manière de procéder, mais elle laisse plutôt les entreprises et les consommateurs décider de la manière de procéder qui leur convient le mieux. Les exigences nationales minimales de rigueur auxquelles tous les systèmes doivent satisfaire tiennent compte de ces différentes approches.

Pour les systèmes de tarification directe, y compris la redevance fédérale sur les combustibles, le prix minimum du carbone a été fixé à 20 $ la tonne en 2019. Il a progressivement augmenté de 10 $ par année jusqu’en 2022, où il a atteint 50 $ la tonne. Aujourd’hui, il s’établit à 65 $ la tonne et il augmentera chaque année de 15 $ pour atteindre 170 $ la tonne en 2030. Il s’agit d’une forte incitation à réduire les émissions et à investir dans les technologies propres.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit des exemptions pour les agriculteurs en ce qui concerne l’essence et le carburant employés dans les exploitations agricoles. Les exploitants de serres bénéficient également d’un allégement de 80 % de la redevance sur le gaz naturel et le propane.

Nous savons qu’à la Chambre des communes, trois partis — le Parti libéral, le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois — sont toujours favorables aux exigences nationales minimales de rigueur qui sont fixées dans la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. L’approche qu’ils préconisent suit la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui a été acceptée par presque tous les pays du monde dans les années 1990. Sur le site Web du secrétariat responsable, on peut lire que la tarification du carbone peut :

Encourager les investissements et l’innovation dans les technologies propres en augmentant les coûts liés à l’utilisation de technologies à fortes émissions de carbone. Les entreprises et les particuliers qui cherchent des façons économiques de réduire leurs émissions encourageront l’élaboration de technologies propres et affecteront des ressources financières aux investissements écologiques.

Cependant, nous savons que l’Alberta, la Saskatchewan et l’Ontario s’opposent fermement à une redevance fédérale sur les émissions de gaz à effet de serre. Non seulement elles ont refusé jusqu’à présent de mettre en place des régimes provinciaux adaptés à leurs réalités, mais elles ont aussi contesté la constitutionnalité du régime fédéral.

Le 25 mars 2021, la Cour suprême du Canada a conclu que les prélèvements imposés par la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre sont « des prélèvements de nature réglementaire constitutionnellement valides » et non, à proprement parler, une taxe. Ce jugement décisif n’a pas suffi à convaincre les provinces contestataires de mettre enfin en place un régime provincial complet pour empêcher l’application de la loi fédérale. Au contraire, elles continuent de réclamer la fin de ce qu’elles appellent la « taxe sur le carbone ».

Cette position a été adoptée par le Parti conservateur du Canada. Dans un récent message sur les médias sociaux, ce parti a promis d’« abolir toutes les taxes sur le carbone de la coûteuse coalition afin de réduire le prix de l’essence, du chauffage et de l’épicerie, et de rendre la vie moins chère pour tous les Canadiens. » La semaine dernière, le chef du Parti conservateur a longuement réitéré son désir d’annuler la taxe sur le carbone lors du débat sur le projet de loi C-47, la loi d’exécution du budget.

J’en viens maintenant à mon troisième argument, le contexte du projet de loi C-234. Après l’entrée en vigueur de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, certains groupes d’agriculteurs des Prairies et de l’Ontario ont tenté de convaincre le gouvernement d’exempter le propane et le gaz naturel de la redevance sur les combustibles par voie réglementaire. La loi autorise le gouvernement à élargir les exemptions. Leurs efforts ont échoué.

En réaction à cette situation, un puissant lobby appelé Alliance pour le carbone d’origine agricole a été lancé en 2020 par un groupe de diverses organisations cherchant à obtenir des exemptions accrues. Cette alliance prétend représenter 190 000 entreprises agricoles canadiennes, y compris au Québec et en Colombie-Britannique, où la loi fédérale ne s’applique pas. L’Alliance pour le carbone d’origine agricole réclame que des modifications soient apportées à la loi fédérale afin de créer de nouvelles exemptions à la tarification fédérale du carbone, sans demander que des régimes provinciaux la remplacent.

(2150)

La première tentative visant à élargir les exemptions a eu lieu le 18 février 2020, lorsque deux projets de loi d’initiative parlementaire ont été présentés : l’un au Sénat par la sénatrice Griffin, et l’autre à la Chambre des communes par le député Philip Lawrence.

Le projet de loi S-215 visait non seulement à élargir la définition de « combustible agricole admissible » pour y inclure le « gaz naturel commercialisable » et le « propane », ainsi que la définition de « machinerie agricole admissible » pour y ajouter le texte suivant : « soit un bien qui sert au chauffage ou au refroidissement d’un bâtiment ou d’une structure semblable ».

Dans leurs discours à l’étape de la deuxième lecture, les sénateurs Griffin et Black ont fait valoir que la tarification du carbone nuisait à la compétitivité des agriculteurs et faisait augmenter le prix des aliments consommés par les Canadiens. La sénatrice Griffin a dit ce qui suit :

En 2022, pour une exploitation agricole de 5 000 acres, il s’agira de pertes variant entre 13 000 $ et 17 000 $ attribuables directement et indirectement à la taxe sur le carbone.

C’était ce qu’elle prévoyait. Malgré mes demandes, l’Alliance pour le carbone d’origine agricole ne m’a fourni aucune donnée qui justifierait de tels chiffres. Permettez-moi d’ajouter qu’au Canada, une exploitation agricole moyenne compte 809 acres, et non 5 000 acres.

À l’autre endroit, le député Lawrence a présenté le projet de loi C-206, qui cherchait à élargir l’exemption s’appliquant au « combustible agricole admissible » pour inclure le « gaz naturel commercialisable » et le « propane ». Cependant, contrairement au projet de loi de la sénatrice Griffin, il ne cherchait pas à modifier la définition de « machinerie agricole admissible ». Sa portée était plus restreinte.

Les deux projets de loi sont morts au Feuilleton lors de la prorogation de la première session de la 43e législature le 18 août 2020.

La deuxième tentative, quant à elle, a eu lieu la session suivante. En vertu du Règlement de la Chambre des communes, le projet de loi C-206 a été rétabli le 23 septembre 2020. Puis, il a franchi toutes les étapes à la Chambre et s’est rendu à l’étape de la première lecture au Sénat, mais il n’est pas allé plus loin à cause de la dissolution du Parlement le 15 août 2021.

Parallèlement, il importe de mentionner que dans le budget de 2021, présenté le 19 avril 2021, le gouvernement a reconnu que « de nombreux agriculteurs utilisent le gaz naturel et le propane dans le cadre de leurs activités » et a annoncé son intention de « retourner une partie des produits de la tarification de la pollution directement aux agriculteurs des administrations assujetties au filet de sécurité fédéral ».

Au cours de la présente législature, le 15 décembre 2021, le gouvernement a présenté le projet de loi C-8, Loi d’exécution de la mise à jour économique et budgétaire de 2021, qui a été sanctionné le 9 juin 2022. Ce projet de loi prévoit d’accorder un crédit d’impôt remboursable pour le retour des produits de la redevance sur les combustibles aux entreprises agricoles des administrations assujetties au filet de sécurité fédéral. Le projet de loi C-8 concrétise la promesse faite dans le budget de 2021.

Comme l’a expliqué un représentant du ministère des Finances devant le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes et comme cela a été réitéré lors de la troisième lecture du projet de loi C-234 à la Chambre :

Le montant total à rembourser par l’entremise du crédit d’impôt remboursable est généralement égal aux produits estimés de la redevance sur les combustibles provenant de l’utilisation du propane et du gaz naturel à la ferme pour les activités de chauffage et de séchage dans les provinces assujetties au filet de sécurité. Ainsi, tous les produits de cette activité agricole sont reversés aux agriculteurs. On estime que les agriculteurs recevront 100 millions de dollars au cours de la première année. Ce montant devrait augmenter à mesure que le prix de la pollution par le carbone augmentera.

Le crédit d’impôt remboursable est conçu pour répartir le produit total de la redevance sur les combustibles en fonction de la taille de l’exploitation agricole, mesurée à l’aide des dépenses agricoles totales. Ainsi, le crédit vise à aider les agriculteurs à passer à des modes d’agriculture à faible émission de carbone en leur offrant un soutien, tout en maintenant le signal de prix pour réduire les émissions.

En résumé, le projet de loi C-8, avec son mécanisme de crédit d’impôt, restitue le produit de la redevance sur les combustibles aux agriculteurs d’une manière qui n’annule pas l’objectif et l’avantage de cette redevance, à savoir encourager des changements de comportement qui conduiront à des réductions généralisées des émissions. En d’autres termes, le projet de loi C-8 maintient ce que l’on appelle le « signal de prix ».

Malgré les corrections apportées à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, la troisième tentative d’élargir les exemptions correspond à l’actuel du projet de loi C-234, qui a été présenté par le député conservateur Ben Lobb le 7 février 2022.

Voici ce qu’il a déclaré à propos de son projet de loi dans une entrevue accordée à un média régional local appartenant à Postmedia :

[...] nous aimerions faire adopter un projet de loi qui annule la taxe sur le carbone pour toute la population et qui aurait l’effet de réduire les frais de chauffage résidentiel et plein d’autres choses. [...] mais nous n’aurions pas l’appui de la Chambre des communes.

Toutefois, le député a déclaré qu’il pense que son parti aurait l’appui de la Chambre des communes pour élargir les exemptions accordées aux agriculteurs. On pourrait se demander si le député est un adepte d’Agamemnon, le roi grec qui a offert le légendaire cheval à la ville de Troie.

Initialement, le projet de loi n’avait pas de disposition de caducité, si bien que les nouvelles exemptions auraient été permanentes. Pour éviter un rejet au comité, les conservateurs on proposé une disposition de caducité après 10 ans offrant au gouvernement de l’heure la possibilité de proposer, par la voie d’une motion dans les deux Chambres, le report, à une date ultérieure précise, de la date d’expiration des exemptions. Le NPD, se retrouvant alors en position difficile auprès des agriculteurs, mais reconnaissant du coup les écueils d’une exemption permanente pour les agriculteurs, a proposé plutôt une période de validité de huit ans, et c’est ce qui se trouve maintenant dans le projet de loi C-234. À l’étape de la troisième lecture, à la Chambre des communes, le gouvernement et tous les députés libéraux sauf trois ont voté contre le projet de loi C-234 tel que modifié, que le Sénat étudie maintenant. Voilà ce qu’on appelle un appui multipartite. On est loin de l’unanimité.

Passons maintenant à mon quatrième et dernier point, les deux principaux arguments soulevés à l’appui du projet de loi C-234 — et, incidemment, de ses prédécesseurs — et pourquoi, malgré le projet de loi C-8, ces arguments vacillent lorsqu’on y réfléchit bien.

Le premier argument est le besoin urgent d’alléger le fardeau financier des agriculteurs pour qu’ils puissent demeurer concurrentiels et continuer de nourrir les Canadiens et le reste du monde. Il faut nuancer cette affirmation. Comme nous le savons tous, les agriculteurs ne mènent pas tous leurs activités dans les mêmes conditions. En fait, une grande proportion d’agriculteurs canadiens mènent leurs activités dans le contexte d’un régime de gestion de l’offre, ce qui exclut largement la concurrence et où les coûts d’exploitation finissent par se refléter dans le prix que paient les consommateurs. C’est le cas notamment du lait, des œufs, du poulet et du sirop d’érable.

Cependant, les producteurs de céréales, d’oléagineux, de bovins et de porc sont soumis à des systèmes dans lesquels le prix qu’ils reçoivent est déterminé par le Chicago Board of Trade ou par un autre organisme, indépendamment de leurs coûts de production. De nombreux représentants de ces producteurs m’ont dit qu’ils ne fixaient pas les prix, mais qu’ils les subissaient. En d’autres termes, le prix de leurs céréales ou de leur bétail échappe à leur contrôle. Par conséquent, si la redevance sur les combustibles peut représenter un coût supplémentaire pour les producteurs de céréales et de bétail, cela ne se traduit pas automatiquement par un coût plus élevé pour les consommateurs. Le prix des produits de base tels que le gaz naturel et le propane varie en fonction du temps. En fait, le prix du gaz naturel est moins élevé qu’il y a trois ans, malgré la taxe sur le carbone qui s’est ajoutée. Au bout du compte, le prix n’augmente pas; le prix est plus bas qu’il ne l’était.

Il n’en demeure pas moins que ces agriculteurs sont en concurrence avec des marchés étrangers où la tarification du carbone n’existe peut-être pas pour l’instant. Cependant, il est également vrai que les agriculteurs canadiens ont accès à divers programmes gouvernementaux pour les aider à financer leurs exportations et à rester compétitifs.

La deuxième affirmation est que les agriculteurs ne disposent pas de moyens viables pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, ce qui confère à la redevance sur les combustibles un caractère punitif. C’est quelque chose que vous avez peut-être lu dans les documents que vous avez reçus de l’Agriculture Carbon Alliance. Cet argument doit également être nuancé.

Prenons l’exemple du chauffage et de la climatisation des bâtiments utilisés pour l’élevage, tels que les étables, les porcheries, etc. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les agriculteurs peuvent mettre en place des systèmes de chauffage plus efficaces et utiliser des thermopompes ainsi que de meilleurs systèmes de ventilation et de recirculation d’air. Ils peuvent également améliorer l’isolation de leurs bâtiments et employer d’autres techniques largement disponibles sur le marché.

(2200)

Le président du Syndicat national des cultivateurs, un ingénieur et un avocat, m’a dit, tout comme il l’a fait devant le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes, qu’il existe des moyens efficaces d’améliorer l’efficacité des bâtiments grâce à des ventilateurs écoénergétiques, à l’éclairage à DEL, ainsi qu’à la récupération de chaleur et au chauffage par le sol.

J’ai appris que le chauffage par le sol est beaucoup plus efficace que le chauffage par le plafond.

Dans le même ordre d’idées, un document publié récemment par le gouvernement de l’État de Victoria, en Australie, sur l’utilisation de l’énergie dans les exploitations agricoles, dont la dernière mise à jour date du 26 avril 2023, décrit plusieurs moyens d’améliorer l’efficacité énergétique, comme l’isolation des bâtiments, l’optimisation de l’utilisation de la lumière naturelle et de la ventilation dans les bâtiments agricoles, et l’utilisation de peinture de couleur claire qui réfléchit la chaleur sur les toits et les murs.

De plus, il est possible de réduire la dépendance au propane et au gaz naturel grâce aux pompes géothermiques. L’Agence américaine de protection de l’environnement a indiqué ce qui suit :

[...] Les thermopompes géothermiques peuvent réduire la consommation d’énergie et les émissions qui en découlent de 44 % par rapport aux thermopompes à air et de 72 % par rapport au chauffage par résistance électrique avec un équipement de climatisation conventionnel.

Lors de ma consultation auprès de l’Union nationale des fermiers, on m’a raconté l’histoire d’un agriculteur qui a opté pour une chaudière au gaz naturel au lieu d’une thermopompe géothermique pour un nouveau bâtiment sur sa ferme, car le prix d’achat de la chaudière à gaz était moins élevé. Cependant, compte tenu de l’augmentation de la taxe sur le gaz naturel, la thermopompe aurait été une meilleure option à long terme pour l’environnement et pour sa situation financière. Il préférerait toutefois obtenir une exemption. En fait, des incitatifs comme la tarification des émissions de carbone sont essentiels pour éviter un tel choix.

On a également beaucoup parlé du séchage du grain, une activité qui est incontestablement essentielle, en particulier lorsque la saison est humide. Toutefois, il serait inexact de dire qu’il n’existe actuellement aucun moyen viable pour les agriculteurs de réduire la consommation d’énergie de leurs activités de séchage du grain.

Par exemple, en mars 2022, le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales du gouvernement du premier ministre Ford a publié une fiche technique à l’intention des producteurs de cultures commerciales qui décrit les nombreuses façons dont ils peuvent réduire la consommation d’énergie des séchoirs à grains. Selon cette fiche, un séchoir à grains gaspille jusqu’à 40 % de l’énergie qu’il consomme et le type de séchoir à grains peut faire une différence de 30 % dans la consommation d’énergie.

La fiche d’information indique ensuite que le refroidissement lent différé ou le refroidissement dans le bac améliore la consommation d’énergie du séchoir jusqu’à 30 % et qu’un système de récupération de la chaleur, qui peut être ajouté à la plupart des séchoirs existants, réduit la consommation de carburant de 20 à 40 % sans affecter le débit du séchoir. Enfin, le rapport indique que de nombreux séchoirs peuvent également être achetés munis d’un système de refroidissement par aspiration, ce qui donne un résultat similaire à la recirculation de la chaleur et permet d’économiser de 15 à 20 % de carburant par rapport à un séchoir standard.

Des solutions existent sur le marché, et elles viennent du gouvernement de M. Ford.

En outre, chers collègues, de nouvelles technologies accessibles arrivent sur le marché. Il y a quelques semaines à peine, le 29 mars, la ministre Bibeau a annoncé que le gouvernement fédéral soutiendrait 45 nouveaux projets liés à l’adoption d’une technologie de séchage des grains plus efficace par les agriculteurs de tout le Canada. En fait, l’approche du gouvernement actuel pour lutter contre les changements climatiques ne se résume pas à une simple tarification du carbone, mais plutôt à un cadre à multiples facettes qui comprend des investissements gouvernementaux substantiels dans la recherche, le développement et l’adoption de technologies propres pour le secteur agricole.

Par exemple :

Dans le cadre du Plan climatique renforcé et du Plan de réduction des émissions, le gouvernement du Canada a engagé plus de 1,5 milliard de dollars pour accélérer les progrès du secteur agricole en vue de réduire les émissions et de rester un chef de file mondial en matière d’agriculture durable.

Ce montant comprend 495,7 millions de dollars affectés au Programme des technologies propres en agriculture.

Ce programme a déjà financé 99 projets de séchoirs à grains dans tout le pays. Ainsi, il « aide déjà des centaines de productrices et de producteurs à adopter des technologies propres qui alimenteront leurs exploitations avec de l’énergie propre ».

Par exemple, une ferme familiale de 26 000 acres de la Saskatchewan, qui produit du canola, du blé et de l’avoine :

[...] recevra jusqu’à 2 millions de dollars pour acheter et installer un nouveau séchoir à grains et une chaudière biomasse alimentée par des déchets forestiers locaux.

Ainsi, on éliminera complètement l’utilisation du propane dans le processus de séchage sur cette ferme.

Il y a aussi l’exemple d’une entreprise du Manitoba qui a installé un système à biomasse pour le séchage du grain.

En résumé, l’implantation de technologies propres dans le séchage du grain est bien entamée. Toutefois, si le projet de loi C-234, avec son exemption de huit ans, entre en vigueur, il est probable qu’il éliminera l’incitatif à adopter promptement les technologies propres qui continueront d’émerger pendant cette période. De plus, à la fin de cette période proposée de huit ans, soit en 2031, la tarification aura atteint 170 $ la tonne d’émissions de carbone, par rapport aux 65 $ actuels. On pourra alors s’attendre à ce qu’il y ait davantage de lobbying pour prolonger cette exemption.

L’Agriculture Carbon Alliance a présenté un nouvel argument à la suite de la mise en œuvre d’un crédit d’impôt par l’entremise du projet de loi C-8. Elle prétend que le crédit d’impôt ne réaffecte pas le produit de la redevance sur les combustibles de manière équitable pour tous les groupes d’agriculteurs, en particulier ceux qui utilisent du propane, pour qui le crédit d’impôt ne représenterait qu’une infime portion de la taxe sur le carbone payée.

Malgré mes demandes, elle n’a pas été en mesure de me fournir la moindre preuve de ce qu’elle avançait jusqu’à présent. Cependant, même en supposant qu’elle dise vrai, la solution logique, comme le propose l’Union nationale des fermiers, est l’ajustement du mécanisme de remboursement, et non une exemption totale de la taxe sur le carbone.

On m’a fait part de la réticence de certaines provinces à s’assurer que les exploitations agricoles peuvent se connecter au réseau et recevoir suffisamment d’électricité à un prix raisonnable. À mon avis, cela ne justifie pas de demander au gouvernement fédéral d’exempter le propane et le gaz naturel de la taxe sur le carbone pour les agriculteurs. Les agriculteurs devraient plutôt utiliser leurs puissants lobbies pour veiller à ce que les services publics provinciaux fournissent des services adéquats.

Enfin, l’adoption du projet de loi C-234 aurait de nombreuses conséquences négatives. Le risque de double indemnisation est particulièrement préoccupant. Comme l’a déclaré un représentant du ministère des Finances devant le comité permanent de la Chambre :

Si le projet de loi C-234 élargissait l’allégement de la redevance sur les combustibles accordé aux agriculteurs des provinces assujetties au filet de sécurité, ceux-ci seraient en fait doublement indemnisés en bénéficiant du crédit d’impôt remboursable prévu dans le projet de loi C-8, tout en recevant un allégement quasi complet de la redevance sur les combustibles. Cette double indemnisation se ferait aux dépens des ménages ou d’autres secteurs de ces provinces, puisque le produit de la redevance fédérale sur les combustibles doit demeurer dans la province d’origine.

Un autre sujet de préoccupation, ce sont les conséquences potentielles sur la façon dont le séchage des grains est effectué. Dans son récent discours, le sénateur Black a reconnu que le projet de loi C-234 ne s’appliquerait qu’aux producteurs de céréales qui effectuent leur propre séchage, et non à ceux qui utilisent les services de tiers. D’après les réunions que j’ai eues avec divers intervenants, il semble qu’en Ontario, environ 50 % des grains sont séchés par des entreprises tierces. L’adoption de ce projet de loi incitera donc fortement les agriculteurs à acheter leurs propres séchoirs à grains, même s’ils doivent utiliser du propane ou du gaz naturel. Cela reviendra moins cher que de faire appel à une tierce partie. Or, cela générera davantage d’émissions de gaz à effet de serre et constituera une subvention supplémentaire pour les compagnies pétrolières et gazières.

Autre inconvénient important, les diverses répercussions possibles de l’adoption de ce projet de loi, comme l’observe l’organisation Environmental Defence :

Le fait d’exempter […] les activités à fortes émissions de la tarification du carbone pour les agriculteurs ne fera qu’encourager d’autres secteurs à demander un traitement similaire. C’est déjà un problème, car de nombreuses industries, en particulier celles du pétrole et du gaz, ont fait pression avec succès pour obtenir un traitement favorable, ce qui leur permet de payer un prix sur le carbone beaucoup plus bas que les autres, même si elles ne sont pas réellement consommatrices d’énergie et exposées aux échanges commerciaux.

(2210)

Dans le discours qu’il a prononcé récemment, le sénateur Black s’est montré ouvert à d’autres amendements. Il a dit :

Si cela s’avère nécessaire, des amendements pourront être apportés ultérieurement pour l’améliorer, comme on l’a déjà dit. Peut-être envisageront-ils même d’étendre cette disposition à d’autres secteurs agricoles, mais c’est là un sujet à aborder une autre fois.

Environnement et Changement climatique Canada estime que l’adoption du projet de loi C-234 diminuerait d’environ 2,4 mégatonnes le volume d’émissions auquel s’applique la taxe fédérale sur les carburants en 2023. Cela signifie 2,4 millions de tonnes. C’est un volume important, puisque les émissions du Canada en 2021 étaient de 670 mégatonnes. Évidemment, toute modification subséquente augmenterait ce volume.

Enfin, sur le site Web d’Environnement et Changement climatique Canada, le gouvernement s’engage publiquement à procéder à un examen intermédiaire d’ici 2026 afin de confirmer :

[...] que les critères du modèle sont suffisants pour continuer à garantir que la rigueur de la tarification de la pollution par le carbone est la même dans tous les systèmes au Canada et que ces derniers continuent à répondre aux critères du modèle fédéral de 2027 à 2030.

Pourquoi alors serait-il nécessaire de prévoir une exemption jusqu’en 2031 si un examen est possible en 2026?

Chers collègues, je vous invite à tenir compte de tous ces éléments et préoccupations avant de former votre opinion au sujet du projet de loi C-234.

Dans le cas où vous concluriez qu’il mérite une deuxième lecture, il sera soumis à un examen exhaustif par deux comités, le Comité sénatorial permanent des finances nationales et le Comité permanent de l’agriculture et des forêts. Les audiences devraient inclure des témoignages exhaustifs non seulement des représentants des organismes agricoles, mais aussi des organismes environnementaux, ainsi que des économistes, et des fonctionnaires du ministère des Finances et d’Environnement et Changements climatiques Canada. C’est notre responsabilité en tant que Chambre de second examen objectif dans le contexte d’une crise climatique.

Pour conclure, j’aimerais remercier tous les groupes d’intervenants qui ont communiqué avec moi ou que j’ai contactés. Depuis le discours du parrain le 9 mai, j’ai eu l’occasion de me réunir avec une trentaine de représentants de plus d’une dizaine de groupes pour et contre le projet de loi C-234.

Un jour, un groupe d’agriculteurs est entré sans s’être annoncé dans mon bureau. Apparemment, ils ont trouvé leur chemin dans l’Édifice de l’Est. C’est avec plaisir que je les ai rencontrés. J’ai rencontré des gens du Manitoba, de l’Alberta, de la Saskatchewan, de l’Ontario, des éleveurs de bétail, des producteurs de céréales, des producteurs d’œufs, des éleveurs de poulets, toutes sortes de gens. J’ai beaucoup appris sur l’agriculture et je dois dire que j’en avais un peu reperdu depuis l’époque où j’étais un jeune homme vivant dans un milieu agricole. Mon père élevait des porcs et des poulets dans de nombreuses fermes, partageant les bénéfices de la vente de la viande avec les agriculteurs. Je déchargeais, dans les élevages de poulets, des centaines de milliers de petits poussins qui allaient devenir des poulets. Je n’étais pas au courant des dernières avancées, mais je connais un peu l’agriculture. Bon nombre de ces réunions ont été suivies de documents. Les réflexions que m’ont soumises tous ces gens m’ont été très utiles pour préparer les remarques que je vous présente aujourd’hui.

Merci beaucoup, chers collègues. Merci, meegwetch. Accomplissons le travail qu’on attend de nous.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Reste-t-il assez de temps pour une question?

Son Honneur la Présidente : Pas vraiment, il ne reste que huit secondes. Le sénateur Dalphond demande-t-il plus de temps?

Le sénateur Plett : Non, non. Ça va.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, j’aimerais ajouter ma voix au débat en deuxième lecture sur le projet de loi C-234. Permettez-moi tout d’abord de remercier le parrain de ce projet de loi, le sénateur Wells, de l’avoir défendu, ainsi que le sénateur Dalphond, le porte-parole, de l’avoir analysé avec perspicacité.

J’aurais préféré prendre le temps de réfléchir au discours du sénateur Dalphond avant de prononcer le mien, mais je sais que certaines pressions sont exercées pour que ce projet de loi soit renvoyé au comité ce soir, en même temps que d’autres projets de loi d’intérêt public du Sénat.

J’aimerais également remercier les nombreux Canadiens qui ont écrit aux sénateurs pour leur faire part de leur point de vue sur ce projet de loi, notamment les agriculteurs canadiens qui sont directement concernés par le projet de loi C-234. Je me joins à mes collègues pour exprimer ma gratitude et mon admiration à tous ceux qui travaillent dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire, et qui permettent non seulement de mettre du pain sur nos tables, mais aussi de créer une richesse considérable pour notre pays en jouant un rôle essentiel qui définit notre identité historique et culturelle.

Cependant, le projet de loi ne vise pas uniquement les agriculteurs et ce serait une erreur de notre part de présenter la question de politique dont nous sommes saisis comme une question qui porte uniquement sur le bien-être des agriculteurs. S’il s’agissait simplement du bien-être des agriculteurs, les arguments en faveur du projet de loi seraient solides. Il est toutefois important de reconnaître que le projet de loi porte autant sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le respect de nos engagements internationaux que sur le prix du gaz naturel et du propane dans les exploitations agricoles. Après tout, chers collègues, nous discutons de modifications à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, qui a été adoptée par le Sénat en 2018. En réalité, il ne s’agit pas d’un projet de loi sur le soutien agricole.

Je ne devrais pas avoir à rappeler à mes collègues la menace existentielle qui pèse sur les Canadiens, voire sur toutes les créatures de Dieu, en raison du réchauffement climatique causé par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre au cours des siècles, surtout en provenance des pays industrialisés.

Un article récent de la revue Nature souligne qu’en raison d’un printemps chaud et sec, la saison des incendies au Canada a commencé plus tôt. La superficie brûlée jusqu’à présent, qui correspond à plus de 4 millions d’hectares de forêt, dépasse déjà la superficie rasée pendant toute la saison des incendies extrêmes de 2021.

Ce projet de loi est une étude de cas intéressante en analyse des politiques publiques en raison des différents objectifs politiques qui sous-tendent le projet de loi C-234 et du choix des instruments de politique publique qui pourraient être appliqués pour remédier aux lacunes du marché, telles que les émissions de gaz à effet de serre, d’une part, et la volatilité du revenu agricole et des prix des produits de base, d’autre part.

Je recommande l’étude de ce projet de loi aux étudiants en politique publique et en droit, car il offre beaucoup de matière à réflexion sur la manière de concevoir une bonne politique publique visant des objectifs contradictoires, y compris, dans ce cas, le double problème des émissions de gaz à effet de serre et de la volatilité des revenus agricoles.

À première vue, le projet de loi vise à étendre les exemptions de la tarification du carbone pour le carburant agricole afin d’inclure le gaz naturel et le propane pour une période d’au moins huit ans. En pratique, cependant, le projet de loi supprime un signal du marché à l’égard des prix soigneusement modulé pour inciter les agriculteurs à utiliser moins de gaz naturel et de propane afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L’argument en faveur de l’exemption est la rareté relative des solutions de rechange au gaz naturel et au propane pour le chauffage des bâtiments agricoles, et plus particulièrement pour les séchoirs à grain. Les partisans du projet de loi ont adopté le chemin le plus direct pour s’attaquer à ce problème, c’est-à-dire élargir les exemptions. Toutefois, le chemin le plus direct n’est peut-être pas le plus approprié, en particulier lorsqu’il y a des objectifs stratégiques contradictoires et que la solution directe, tel que le projet de loi C-234 le propose, mine le mécanisme qui sous-tend la politique d’origine.

En l’occurrence, la politique d’origine qui consiste à imposer une taxe sur les combustibles visés a pour objectif d’encourager un changement de comportement de la part des utilisateurs et de stimuler l’innovation concernant l’utilisation de sources d’énergie moins polluantes. Par ailleurs, l’utilisation d’un signal de prix, comme une redevance sur les combustibles, est indépendante des technologies et transparente, contrairement à la réglementation par commandement et contrôle, qui tend à encourager l’évasion fiscale et qui permet la transmission opaque de hausses de prix.

Dans la mesure où nous convenons qu’il faut encourager les investissements dans des pratiques agricoles produisant moins d’émissions de carbone, la meilleure solution au problème des options énergétiques limitées en matière de séchage du grain ne repose pas sur une exemption visant les sources d’énergie, mais sur l’offre d’un soutien aux agriculteurs tout en conservant un incitatif financier visant à réduire l’utilisation du gaz naturel et du propane et à investir dans des technologies qui facilitent ce changement.

En fait, c’est ce que le gouvernement a déjà mis en place au moyen d’un crédit d’impôt remboursable qui vise à retourner les produits de la redevance sur les combustibles directement aux entreprises agricoles des administrations assujetties au filet de sécurité fédéral, car il reconnaît que les agriculteurs utilisent le gaz naturel et le propane dans leurs exploitations. Cette mesure ne rembourse pas aux agriculteurs la somme précise qu’ils dépensent pour le gaz naturel et le propane, puisque cela annulerait l’idée d’une redevance sur les combustibles qu’utilisent les agriculteurs. Cette mesure rembourse plutôt les exploitations agricoles en utilisant leur taille pour déterminer la quantité de gaz naturel et de propane utilisée. C’est calculé tout en maintenant le signal de prix pour encourager les exploitations agricoles à réduire la consommation de ces combustibles.

(2220)

Encore une fois, c’est une approche sensée qui vise à maintenir deux objectifs stratégiques potentiellement contradictoires : créer un incitatif financier pour réduire la consommation de combustibles à forte intensité d’émissions de gaz à effet de serre, et trouver une solution de rechange pour compenser l’absence d’autres sources énergétiques pour le séchage du grain et d’autres activités. Même si le passage complet à des sources énergétiques à faibles émissions de carbone, comme la biomasse, n’est pas possible pour certaines activités agricoles, le signal de prix créera un incitatif pour que les agriculteurs investissent dans des options écoénergétiques axées sur la conception des installations, l’isolation et l’utilisation de chaudières à haut rendement écoénergétique, comme l’a gentiment expliqué le sénateur Dalphond.

Peut-être que les agriculteurs font déjà ces investissements. Ce serait formidable. Peut-être aussi qu’un incitatif financier ne sera pas suffisant pour qu’ils fassent des investissements majeurs dans les solutions écoénergétiques. Vous pouvez être sûrs qu’une exemption pendant huit ans favoriserait la procrastination et les délais. Vous pouvez également être sûrs qu’après huit ans, la tentation des agriculteurs à demander une prolongation de l’exemption sera aussi grande que la pression politique qu’ils exerceront pour la gagner.

Les partisans du projet de loi tendent à l’inscrire dans le contexte de la volatilité des prix et des revenus à laquelle les agriculteurs sont confrontés, volatilité qui rend la gestion d’une taxe sur le gaz naturel et le propane encore plus difficile pour eux. Selon cet argument, les agriculteurs sont des preneurs de prix pour les produits de base vendus sur le marché mondial, et ils ne peuvent donc pas transmettre aux acheteurs des coûts d’intrants plus élevés tels qu’une surtaxe sur les combustibles. Il faut toutefois garder à l’esprit que l’instabilité des prix et des revenus est un défi structurel de l’agriculture canadienne et que, au fil des ans, les décideurs politiques travaillant avec les agriculteurs ont conçu de nombreux programmes d’aide pour évaluer ces défis structurels.

Parmi ces programmes, les meilleurs cherchent à réduire le risque commercial et à stabiliser les revenus sans réduire la concurrence, fausser la production, décourager l’innovation, ni pénaliser les consommateurs. On peut penser par exemple à un programme de paiements anticipés pour les agriculteurs qui prend la forme de prêts sans intérêt et les aide à optimiser le calendrier de livraison pour profiter des meilleurs prix sans encourir de pénalité financière.

Chers collègues, si ce qui nous préoccupe, c’est un nouveau type de problème de volatilité des prix et d’instabilité des revenus dans le secteur agricole, la solution n’est pas de modifier un système de tarification du carbone, ce qui aurait pour effet de détourner l’objectif de ce système. Il faut plutôt envisager des programmes plus larges de gestion des risques de l’entreprise qui ciblent le problème. Il s’agit bien sûr d’une règle de base dans la conception de bonnes politiques publiques, mais elle est souvent négligée par les législateurs qui sont plus intéressés par les avantages politiques que procurent une solution rapide et les émotions positives associées au fait d’aider les agriculteurs.

On a fait valoir que l’exonération du gaz naturel et du propane permettra aux exploitations agricoles d’utiliser ces économies pour investir dans les technologies vertes. Je n’accepte pas cet argument, car l’argent est fongible et toutes les économies peuvent être utilisées à diverses fins, dont une seule est un investissement dans les technologies vertes. Peu importe le contexte, l’exonération du gaz naturel et du propane de la taxe sur les carburants supprime l’incitation à investir dans ces options. En effet, avec l’augmentation du prix du carbone à 170 $ la tonne d’ici 2030, cette incitation devient plus forte au fil du temps.

Même si l’on est d’avis que le prix actuel n’est pas suffisant pour stimuler l’investissement dans des méthodes de production à plus faibles émissions de carbone, il existe la possibilité d’apporter un soutien direct aux agriculteurs, comme le Programme de technologies propres en agriculture, actuellement proposé par Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Quoi qu’il en soit, l’idée selon laquelle les redevances sur le gaz naturel et le propane dans le cadre du système de tarification des émissions de gaz à effet de serre seront débilitantes pour les agriculteurs est trompeuse. Agriculture et Agroalimentaire Canada a effectué une analyse du coût du séchage des céréales, sur la base de données provenant des gouvernements provinciaux et d’autres sources. Cette analyse indique que la contribution de la tarification fédérale du carbone au coût du séchage des céréales en 2019 se situait entre 0,05 % et 0,38 % des coûts d’exploitation nets d’une ferme moyenne, ce qui équivaut à 210 $ à 774 $ pour cette année-là.

La raison pour laquelle ces chiffres sont si modestes, c’est que les coûts de séchage des céréales ne représentent qu’un très faible pourcentage des dépenses d’exploitation des fermes. En supposant qu’il n’y ait pas de tarification du carbone, le chiffre, selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, est de 0,4 % en Alberta, de 1,7 % en Saskatchewan et de 1,2 % au Manitoba.

Une autre façon d’aborder cette question est de considérer le prix du gaz naturel par rapport à celui des céréales et des oléagineux. Si vous examinez une série chronologique sur 20 ans des prix du gaz naturel et que vous les comparez aux prix des céréales, vous constaterez que le rapport entre les deux ne cesse de diminuer. En remontant 20 ans en arrière, et en prenant 2007 comme année où le ratio entre le prix du gaz naturel et le prix des céréales est de 1, vous verrez que le ratio était de 2,6 en 2003. En mars 2023, cette année, ce ratio n’était plus que de 0,5. Il en va de même pour les oléagineux.

En d’autres termes, le prix du gaz naturel par rapport au prix des céréales et des oléagineux a énormément diminué au cours des 20 dernières années.

Le projet de loi C-234 présente un certain nombre de lacunes, dont certaines sont probablement attribuables au fait que les projets de loi d’initiative parlementaire ne sont pas rédigés avec le même degré de minutie que les projets de loi du ministère de la Justice ou au fait qu’ils ne sont pas soumis à l’examen des organismes centraux et d’autres ministères en vue de prévenir les échappatoires et les conséquences imprévues. Le sénateur Dalphond a déjà parlé d’un certain nombre de ces lacunes. Je vais seulement en souligner une autre qui concerne la définition de ce qui constitue un bâtiment agricole. Il peut y avoir une certaine ambiguïté par rapport à ce qui constitue un bâtiment agricole, surtout quand les exploitations agricoles utilisent la même source de chauffage — comme le gaz naturel — pour la grange, le séchoir et la résidence familiale; il devient alors difficile de séparer les coûts associés aux activités agricoles de ceux liés à l’entretien de la résidence familiale.

Honorables collègues, le projet de loi C-234 permettrait de soustraire pratiquement tous les carburants agricoles à la tarification du carbone. C’est une exemption considérable à un instrument stratégique qui fonctionne mieux quand les exemptions sont réduites au minimum. Une exemption aussi étendue pour les activités agricoles ne fera qu’alourdir le fardeau du reste de l’économie canadienne pour ce qui est de trouver des façons de réduire les émissions de carbone en vue d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050.

Pour résumer, le débat d’aujourd’hui ne vise pas à savoir si nous devrions assurer un répit aux agriculteurs qui dépendent du gaz naturel et du propane pour les activités agricoles comme le séchage du grain, mais plutôt à déterminer quel est le meilleur ensemble d’instruments politiques pour répondre aux enjeux, sans pour autant perdre de vue les autres objectifs politiques dont il faut aussi tenir compte. Le gouvernement a pris acte des enjeux auxquels les agriculteurs sont confrontés et il y a répondu avec le projet de loi C-8, en décembre 2021, et avec le crédit d’impôt remboursable pour le retour des recettes sur les combustibles aux exploitations agricoles situées là où s’applique le filet de sécurité fédéral, dont le sénateur Dalphond et moi avons parlé.

En tant que législateurs, nous ne devrions pas chercher la solution qui résoudra le plus facilement le problème, mais plutôt la meilleure solution à celui-ci. Si nous convenons que la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre est une politique valable pour répondre au problème des changements climatiques et que notre objectif de carboneutralité d’ici 2050 est valable, alors nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour préserver l’intégrité de cette politique.

Tout comme le sénateur Dalphond, je ne peux pas m’empêcher d’avoir l’impression que les plus ardents défenseurs du projet de loi C-234 ne partagent pas notre détermination et qu’ils seraient heureux que toute tarification des gaz à effet de serre soit éliminée, surtout dans les régions assujetties au filet de sécurité social. Je ne serais pas surpris si l’adoption du projet de loi encourageait les détracteurs de la tarification du carbone à demander un élargissement des exemptions. Quoi qu’il en soit, d’autres industries à forte intensité carbonique qui ont du mal à réduire leurs émissions seraient assurément en mesure de réclamer un traitement supposément « équitable » si, avec le projet de loi C-234, tout le secteur agricole était exempté de la tarification sur le carbone pour l’ensemble des carburants utilisés à des fins agricoles.

Par conséquent, non seulement ce projet de loi est une solution inefficace pour régler un problème légitime chez les agriculteurs, mais il créerait un dangereux précédent qui risquerait de nuire à la concrétisation de l’engagement du Canada à réduire ses émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’à l’atteinte de notre cible collective de carboneutralité d’ici 2050.

Merci.

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j’avais une question à poser, mais comme il ne reste que cinq secondes, je n’ai pas le temps de le faire. Je n’ai pas de notes préparées, mais comme toujours, les sénateurs Woo et Dalphond soulèvent des points très intéressants. Il convient de les aborder afin que nos collègues aient une idée plus claire de ce qui se passe.

Je rejette totalement les commentaires du sénateur Woo sur les éventuelles motivations des partisans de ce projet de loi. Dans ma région du Canada, les agriculteurs n’ont pas de gaz naturel pour les aider. Le fait que le prix du gaz naturel ait considérablement baissé a été le thème des deux discours que nous avons entendus ce soir. Les agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard disposent de ressources énergétiques limitées. Nous avons un peu d’énergie solaire et éolienne, mais le reste est constitué de pétrole et de propane importés, de sorte que les coûts sont complètement différents.

(2230)

Le sénateur Dalphond a soulevé un certain nombre d’arguments intéressants. Je pourrais commencer par évoquer certaines de ses suggestions à l’intention du Comité du Règlement, qui me semblent très intéressantes. Le sénateur Dalphond a également souligné la prospérité des agriculteurs et il a présenté un très bon argumentaire en faveur de la gestion de l’offre et de ses avantages. Nous souhaitons tous que tous les agriculteurs aient des revenus et une stabilité comparables à ceux de tous les autres Canadiens, et c’est ce que permet la gestion de l’offre.

Cependant, un grand nombre d’agriculteurs ne bénéficient pas de la gestion de l’offre. Pour les producteurs de pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard, la plaisanterie locale consiste à dire qu’épandre les semences dans le champ, c’est comme jeter les dés à Las Vegas, car on ne peut pas prévoir la récolte, les conditions météorologiques et les prix. C’est une activité à haut risque. Le coût supplémentaire des mesures proposées par le gouvernement est injuste d’un point de vue régional. En tant que Chambre qui représente les régions, nous devrions garder cela à l’esprit, de même que le manque de gaz naturel.

Je passe à un autre aspect que nous ne devrions pas oublier, chers collègues : le parcours du projet de loi jusqu’ici. C’est un projet de loi proposé par un député conservateur. Ce parti ne détient pas une majorité à la Chambre des communes. Un certain nombre de députés libéraux ont dû reconnaître l’importance de cette mesure législative et voter en sa faveur pour lui permettre d’être adoptée. Il est intéressant que les deux sénateurs qui ont pris la parole ce soir viennent de villes. Ils appuient les agriculteurs, mais ils sont d’avis que leur position est plus importante que la réussite et la prospérité des agriculteurs. Les députés libéraux qui ont voté pour ce projet de loi ont pris un grand risque. Contrairement au Sénat, les députés qui ne respectent pas la ligne de parti font l’objet d’une série de punitions — c’est ainsi que je les appellerais — ou de restrictions sur ce qu’ils peuvent faire. Je pense à leur temps de parole et à leur participation à des comités. Ce sont donc d’excellents représentants de leur région. Ils ont tenu compte des préoccupations exprimées par le milieu agricole et ils ont soutenu cette mesure législative. C’est ce qui a permis son renvoi ici. Je suis surpris que des sénateurs ce soir aient adopté les points de vue du Cabinet libéral plutôt que ceux des députés qui se sont prononcés et qui ont voté de façon indépendante, ce que nous cherchons régulièrement à faire ici.

Chers collègues, il y a beaucoup de bonnes choses dans ce projet de loi et beaucoup de propositions, mais je conclurai en disant ceci. Nous nous souvenons tous de l’époque, durant la pandémie, où le Canada a connu des pénuries parce que nous ne pouvions pas nous procurer certains produits à l’étranger. Nous voyons que le président Biden cherche à rapatrier le plus d’industries possible. Le Canada doit être très prudent. Si le système d’approvisionnement alimentaire est menacé et que les agriculteurs font faillite et quittent leurs fermes, ils ne reviendront pas. Nous ne voulons pas dépendre, dans ce pays, de denrées alimentaires provenant d’autres pays. Nous voulons préserver la sécurité alimentaire du Canada. Le seul moyen d’y parvenir est d’assurer la prospérité et la réussite de nos agriculteurs. Ce projet de loi y contribuera.

Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Woo : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Downe?

Le sénateur Downe : Oui, bien sûr.

Le sénateur Woo : Vous faites remarquer que le gaz naturel n’est pas utilisé dans l’Île-du-Prince-Édouard et que, par conséquent, la province ne bénéficie pas de la baisse des prix, que le sénateur Dalphond et moi-même avons décrite. Vous avez mentionné que le propane est une source d’énergie privilégiée. Pouvez-vous confirmer à cette assemblée que les prix du propane ont également chuté de manière spectaculaire? En fait, ils ont diminué de moitié l’année dernière.

Le sénateur Downe : Non, je ne peux pas le confirmer. Mais je peux vous dire que nos coûts dans l’Île-du-Prince-Édouard sont sensiblement plus élevés pour la plupart des énergies que dans d’autres régions et provinces. La dernière fois que j’ai vérifié, par exemple, nous avions les tarifs d’électricité les plus élevés du Canada.

L’honorable David M. Wells : Le sénateur Downe veut-il bien répondre à une autre question?

Le sénateur Downe : Oui.

Le sénateur Wells : Tout d’abord, je vous remercie de ne pas avoir pris tout le temps qui vous était imparti pour votre discours, contrairement à certains de nos collègues qui n’ont pas permis que l’on pose des questions.

Vous avez dit qu’il s’agissait d’une taxe visant à changer les comportements. Considérez-vous que ce prélèvement supplémentaire sur les agriculteurs est juste lorsqu’il n’y a pas d’alternative? Vous avez mentionné qu’il n’y a pas d’alternative raisonnable sur l’Île-du-Prince-Édouard, notamment pas d’autres possibilités de sécher les céréales ou de chauffer les installations où le bétail est élevé.

Le sénateur Downe : Merci. Je ne peux accepter vos félicitations pour la courte durée du mon discours puisque que je n’avais pas préparé de discours. Ce sont les discours des deux autres intervenants qui m’ont motivé à prendre la parole. Je dirai ceci : les agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard qui ont communiqué avec moi à ce sujet sont préoccupés par le fait que les coûts de production ne cessent d’augmenter. La part de profit qu’ils réalisent sur leurs produits n’est pas fixée. Nous reconnaissons tous que les prix augmentent considérablement pour les consommateurs dans les supermarchés comme Sobeys, Foodland ou Loblaws. Toutefois, une bien faible partie de ces prix plus élevés revient aux agriculteurs ou aux pêcheurs de la région. Les prix sont devenus complètement aberrants. Les consommateurs paient, et les agriculteurs ne reçoivent pas la part qui leur revient. Évidemment, ce projet de loi exacerbera le problème pour ces agriculteurs. La situation est différente pour ceux qui sont assujettis à la gestion de l’offre, ce dont nous sommes bien contents.

J’ajouterais que les agriculteurs des régions rurales de l’Île-du-Prince-Édouard assujettis à la gestion de l’offre jouissent d’une qualité de vie que l’on souhaite à tous les agriculteurs. De plus, grâce à ce revenu, ils peuvent redonner à la communauté, que ce soit en participant à des activités de financement ou à des spectacles au profit d’organismes communautaires. Ces agriculteurs sont de la région, ils nourrissent les gens de la région et contribuent au développement de la région. C’est très important pour les secteurs ruraux de l’Île-du-Prince-Édouard.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, le projet de loi est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, et le Comité sénatorial permanent des finances nationales est autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la teneur du projet de loi.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Quand vous parlez français, la moitié du temps, nous n’entendons pas l’interprétation avant que vous ne passiez à autre chose. Nous ne pouvons tout simplement pas suivre ce que vous dites. L’autre façon de faire fonctionne assez bien, mais je veux comprendre ce que vous dites. Ainsi, Votre Honneur, il faudrait soit que vous ralentissiez, soit que les interprètes accélèrent le rythme.

Son Honneur la Présidente : Merci, sénateur Plett. Je vais ralentir.

(2240)

L’étude du Cadre fédéral de prévention du suicide

Quinzième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Se laisser guider par les résultats: repenser le Cadre fédéral de prévention du suicide, déposé auprès du greffier du Sénat le 8 juin 2023.

L’honorable Ratna Omidvar propose :

Que le quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Se laisser guider par les résultats : repenser le Cadre fédéral de prévention du suicide, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le jeudi 8 juin 2023, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Santé mentale et des Dépendances étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de la Santé.

 — Honorables sénateurs, je sais qu’il se fait tard, mais il s’agit d’une étude très importante qui met en lumière un sujet particulièrement sombre : le suicide. Avant de vous présenter la substance des conclusions de notre rapport, permettez-moi de prendre une minute pour remercier tous les témoins qui nous ont fait part de leur expérience vécue du suicide.

La stigmatisation du suicide et de la santé mentale persiste, et si l’on ne discute pas de ces sujets, il y a peu d’espoir d’amélioration. Je tiens à remercier tout particulièrement nos collègues les sénateurs Stan Kutcher et Patrick Brazeau des commentaires et des points de vue qu’ils ont présentés dans le cadre de notre étude.

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie a entamé son étude sur le Cadre fédéral de prévention du suicide en septembre 2022 et a tenu 5 réunions de témoignages au cours desquelles 23 témoins ont été entendus. Le Cadre fédéral de prévention du suicide a été publié en 2016 après une période de consultation qui a suivi l’adoption, en 2012, de la Loi sur le Cadre fédéral de prévention du suicide.

Bien que le cadre établisse une vision idéaliste d’un « Canada où on prévient le suicide et où chacun vit avec espoir et résilience », le comité a appris que le taux global de suicide au Canada n’a guère changé depuis la mise en œuvre du cadre. En fait, le taux annuel global est resté pratiquement stable au cours des deux dernières décennies, oscillant entre 11 sur 100 000 et 12 sur 100 000.

Le comité s’est posé la question suivante : où en sommes-nous sept ans plus tard? Notre rapport, intitulé Se laisser guider par les résultats, aurait tout aussi bien pu s’intituler Se laisser guider par l’inefficacité. En effet, le Cadre fédéral de prévention du suicide est un échec du point de vue du seul indicateur qui compte vraiment, à savoir le nombre de vies sauvées.

Depuis que le cadre a été mis en place, le taux de suicide au Canada n’a pas changé de manière significative. En 2020, on a enregistré une légère diminution du taux de suicide, que les témoins ont attribuée à des mesures d’aide liées à la pandémie. Pour le reste, il est demeuré le même, et nous voulions savoir pourquoi.

On ne peut pas reprocher au cadre de ne pas avoir de nobles aspirations ni d’objectifs louables. Il vise à prévenir le suicide au moyen de partenariats, de la collaboration, et de l’innovation. Il vise à atteindre cet objectif tout en respectant la diversité des cultures et des communautés touchées par ce problème. Le cadre vise à susciter l’espoir et la résilience, ainsi qu’à mettre à profit les partenariats. Comme nous avons pu le constater, bien que tout cela soit réconfortant et inspirant, ce cadre reste inefficace. Les témoignages que nous avons entendus indiquent que les belles paroles n’ont aucune incidence sur l’état de santé des personnes en situation de crise.

Le comité a formulé une dizaine de recommandations que je n’énumérerai pas. Je me contenterai d’en souligner quatre, en espérant que vous consulterez le rapport.

Premièrement, nous devons aller là où le problème se pose réellement. Il n’est pas présent dans la population en général, mais plutôt dans des segments précis de la population, surtout chez les hommes et les garçons des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Le sénateur Brazeau a été un témoin particulièrement convaincant sur ce point.

Deuxièmement, nous devons investir dans des programmes qui fonctionnent et dont l’efficacité est prouvée, et non dans des idées acceptables ou des pratiques exemplaires subjectives. Le sénateur Kutcher a souligné la nécessité d’examiner l’efficacité et les répercussions des programmes de prévention du suicide qui génèrent des recettes.

Troisièmement, nous devons nous concentrer sur les interventions qui visent à réduire les moyens de se suicider. Autrement dit, cela signifie que nous devons restreindre l’accès facile aux méthodes de suicide efficaces, notamment en installant des barrières sur les ponts et en empêchant l’accès facile aux médicaments.

Quatrièmement, et fait important, nous devons recueillir et ventiler activement des données afin de nous en tenir aux données probantes. Bref, ce qui importe, c’est de faire ce qui fonctionne plutôt que de partir dans tous les sens. Il s’agit de sauver des vies et ce rapport formule des recommandations importantes qui pourraient nous permettre d’atteindre cet objectif, en particulier à la lumière du fait que le Cadre fédéral de prévention du suicide doit être passé en revue.

Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Omidvar, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Omidvar : Bien sûr.

L’honorable Denise Batters : Sénatrice Omidvar, j’ai été surprise de voir dans votre rapport qu’il semblait être une révélation pour votre comité que les décès par suicide chez les hommes représentent 75 % du total des décès par suicide au Canada.

Il y a 13 ans, en 2010, j’ai produit une publicité télévisée à la mémoire de mon défunt mari pour sensibiliser le public à la maladie mentale et à la prévention du suicide. Parmi les renseignements diffusés dans cette publicité de 2010 figurait le fait que les hommes sont trois fois plus nombreux à mourir du suicide que les femmes. Avec de nombreux autres défenseurs de la santé mentale au Canada, j’ai pris la parole à l’échelle nationale sur ce sujet pendant plus d’une décennie.

La courte section de votre rapport sur les garçons et les hommes commence par cette phrase :

Le comité n’a pas reçu autant de témoignages sur les garçons et les hommes et reconnaît que cette population devrait être prise en compte de manière plus approfondie dans les futures études sur la prévention du suicide au Canada.

Sénatrice Omidvar, votre comité, comme vous l’avez mentionné, n’a tenu que cinq séances avec des témoins sur ce sujet. Pourquoi n’avez-vous pas organisé plus de séances pour recevoir ce type de témoignage essentiel sur les hommes?

La sénatrice Omidvar : Merci de votre question, sénatrice Batters, et merci de continuer à défendre cette cause. Je n’ai pas vu la publicité télévisée que vous aviez faite, mais je vais la chercher.

Notre comité a un plan de travail et nous avons consacré cinq réunions à discuter du rapport. Même si nous étions conscients des lacunes associées au fait de ne pas entendre davantage de témoins au sujet du taux de suicide parmi les garçons et les hommes, nous l’avons indiqué dans notre étude et notre recommandation tient compte des conclusions du comité.

Merci.

La sénatrice Batters : Sénatrice Omidvar, votre recommandation 2 parle de « cibler les groupes dans lesquels le taux de suicide est disproportionnellement élevé [...] » Dans sa courte liste, votre comité a inclus les « personnes atteintes de maladies mentales ».

Sénatrice Omidvar, un autre fait noté dans la publicité de 2010 dont j’ai parlé est que 90 % des personnes qui se suicident ont une maladie mentale. Il ne s’agit donc pas d’un sous-groupe des décès par suicide au Canada. La presque totalité des décès par suicide est attribuable à la maladie mentale.

Pourquoi votre comité a-t-il inclus cela dans votre liste démographique ciblée?

La sénatrice Omidvar : Sénatrice Batters, je comprends ce que vous dites. La santé mentale est probablement une cause sous‑jacente du suicide, peu importe le segment de la population. Je prends note de votre opinion, mais je crois que le comité a reconnu l’importance de la santé mentale comme condition. C’est d’ailleurs énoncé dans les recommandations.

Si vous n’êtes pas satisfaite, avec le recul, je pense qu’il aurait mieux valu vous inviter à titre de témoin. Cela aurait été très utile. J’espère que la prochaine fois que nous examinerons la question, nous n’oublierons pas de vous convoquer.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(2250)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Motion tendant à autoriser le comité à examiner les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les effets cumulatifs positifs et négatifs de l’extraction et du développement des ressources, et ses effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2022.

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je note que cet article en est au 15e jour. Je ne suis pas encore prêt à prendre la parole. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le reste du temps dont je dispose.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Le centième anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Woo, attirant l’attention du Sénat sur le 100e anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois, sur les contributions que les Canadiens d’origine chinoise ont apportées à notre pays et sur la nécessité de combattre les formes contemporaines d’exclusion et de discrimination auxquelles sont confrontés les Canadiens d’origine asiatique.

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 11, qui porte sur le 100e anniversaire de la Loi d’exclusion des Chinois. Cette interpellation a été lancée par mon collègue, le sénateur Yuen Pau Woo.

Tout d’abord, je veux remercier le sénateur Woo d’avoir pris l’initiative de mener cette conversation importante et opportune au sein de la Chambre rouge, qui, comme vous le savez tous, souligne de manière cruciale une loi profondément préjudiciable, la Loi de l’immigration chinoise, également connue sous le nom de Loi d’exclusion des Chinois. Certains de nos honorables collègues ont déjà parlé des effets néfastes de la loi d’exclusion sur la communauté sino-canadienne. J’ai été profondément touché par l’esprit d’alliance qu’ils ont exprimé dans leurs discours concernant cette interpellation, notamment les sénatrices Jaffer et McCallum.

Malheureusement, la cruauté de cette loi est inimaginable pour de nombreux sénateurs. Nous savons trop bien que l’histoire de notre pays est entachée de périodes d’exclusion et d’actions répréhensibles. Néanmoins, permettez-moi de vous rappeler les mesures discriminatoires de la loi.

Dans les faits, la Loi sur l’immigration chinoise interdisait l’immigration chinoise. En conséquence, des familles ont été déchirées, des occasions ont été perdues et la vie autonome a été détruite. Les Canadiens d’origine chinoise ont également été privés de la pleine citoyenneté dans leur pays d’adoption. Cependant, cette communauté n’a jamais succombé, malgré les difficultés systémiques. Les Canadiens d’origine chinoise ont constamment démantelé et surmonté les obstacles grâce à une résilience et une détermination exceptionnelles.

En 1947, la liberté de mouvement est revenue et le droit à la citoyenneté a été rétabli. En 1948, nous avons lentement commencé à obtenir le droit de vote. Au cours des années suivantes, nous avons renoué avec nos parents et reconstruit nos familles. Plus important encore, nous avons prospéré et nous avons contribué au développement économique et social du Canada.

Je n’ai aucun doute, honorables collègues, que le Canada ne serait pas le merveilleux pays qu’il est aujourd’hui sans la résilience de la communauté sino-canadienne et d’innombrables autres communautés minoritaires. Malheureusement, malgré tout le temps qui a passé depuis, il arrive qu’on oublie des leçons et que la société régresse. Il y a 75 ans, une inégalité systémique a entraîné une montée du racisme anti-Chinois. Aujourd’hui, en raison de la pandémie et d’enjeux géopolitiques, la communauté asiatique du Canada est ciblée une fois de plus.

Au cours des trois dernières années, on m’a souvent fait part d’un sentiment désolant. Pour résumer, je dirais que des gens voient des parallèles entre notre époque et ce qui s’est passé il y a 100 ans. Les membres de la communauté asiatique qui ne sont pas impliqués se sentent coincés par des questions politiques. Ils se retrouvent coincés entre leur amour pour leur héritage culturel millénaire et un langage politique menaçant.

Je m’en voudrais de ne pas mettre en garde mes collègues parlementaires, une fois de plus, en leur demandant de veiller tout particulièrement à faire la différence entre notre communauté sino‑canadienne et ceux qu’elle critique. Il est encore plus affligeant de constater que ces critiques sont mal comprises par certains membres du public et poussées à l’extrême, ce qui se traduit en fin de compte par de la violence et de la haine. Pendant la pandémie, par exemple, nous avons été témoins de cas répétés de propos se transformant en violence dans les rues de notre grand pays.

Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai été victime d’un épisode de haine anti-asiatique à quelques pas de la Colline du Parlement, et je subis constamment des commentaires haineux dirigés contre moi sur les réseaux sociaux. C’est toutefois le triste prix que nous, parlementaires, payons pour être des personnalités publiques. Néanmoins, les citoyens ordinaires n’ont pas accepté de recevoir des critiques aussi acerbes et des propos aussi haineux. Les critiques politiques sont interprétées à tort comme des jugements à l’égard des personnes, et je suis peiné d’entendre que beaucoup se sentent personnellement attaqués par le langage utilisé par nos politiciens.

Chers collègues, je crois que nous sommes consciencieux de nature ici au Canada. Souvenons-nous de cette grande qualité et parlons en conséquence lorsque nous exprimons notre opinion politique. Tout comme nos paroles peuvent être une force pour le bien, elles peuvent aussi être une force pour le mal.

Les Canadiens d’origine asiatique parviennent à obtenir du succès même si le racisme anti-asiatique persiste et semble même s’aggraver. Les exemples de résilience sont nombreux. Prenons l’exemple du capitaine de corvette William King Lowd Lore, qui, même si on l’a empêché à plusieurs reprises de s’enrôler dans la Marine royale canadienne, a fini par marquer l’histoire en devenant le premier officier d’ascendance chinoise à faire partie d’une force navale du Commonwealth.

Autre fait positif, il est évident que les choses ont évolué. Je prends la parole aujourd’hui en tant que sénateur d’ascendance chinoise qui représente l’Ontario, dans le cadre d’une interpellation lancée par un sénateur d’ascendance chinoise qui représente la Colombie-Britannique, ce qui en dit long sur le chemin parcouru depuis 1923.

Cependant, il reste encore du travail à faire, et nous devrions constamment nous efforcer de promouvoir l’égalité et l’appréciation culturelle. Quoi qu’il en soit, je suis fier de savoir que, malgré les erreurs du passé, le Canada demeure aujourd’hui une terre d’espoir et un modèle de multiculturalisme et d’inclusion pour le reste du monde. Merci, xie xie, meegwetch.

(2300)

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

Affaires étrangères et commerce international

Motion tendant à autoriser le comité à examiner l’influence étrangère dans le processus électoral—Ajournement du débat

À l’appel de la motion no90 par l’honorable Donald Neil Plett :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, l’influence étrangère dans le processus électoral au Canada;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 30 juin 2023.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Madame la Présidente, je vois que mon temps de parole est écoulé sur cette question également. Ainsi, avec le consentement du Sénat, j’aimerais qu’on reprenne le compte des jours à zéro pour le reste de mon temps de parole.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à décerner le titre de « citoyen canadien honoraire » à Vladimir Kara-Murza et à demander sa libération immédiate

L’honorable Pierre J. Dalphond, conformément au préavis donné le 8 juin 2023, propose :

Que le Sénat reconnaisse que le prisonnier politique russe Vladimir Kara-Murza — lauréat du prix des droits de l’homme Václav Havel, collaborateur émérite du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, ami du Parlement du Canada — est un défenseur internationalement reconnu des droits de la personne et de la démocratie, dont l’emprisonnement injustifié pour avoir manifesté son désaccord avec la guerre injuste en Ukraine est emblématique des milliers de prisonniers politiques en Russie et dans le monde;

Qu’il soit résolu par le Sénat de décerner le titre de « citoyen canadien honoraire » à Vladimir Kara-Murza et de demander sa libération immédiate.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole pour coproposer que le Sénat appuie la motion adoptée à l’unanimité par la Chambre des communes la semaine dernière, et qu’il adopte une motion visant à décerner le titre de citoyen canadien honoraire au prisonnier politique russe Vladimir Kara-Murza. Je remercie le sénateur Housakos, la sénatrice Omidvar, la sénatrice Miville-Dechêne et la sénatrice Patterson, de l’Ontario, de leurs efforts de collaboration envers l’atteinte de cet objectif.

Comme cette motion l’indique, Vladimir Kara-Murza est un défenseur internationalement reconnu des droits de la personne et de la démocratie. Il est lauréat du prix des droits de l’homme Václav Havel et collaborateur émérite du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, à Montréal. L’emprisonnement injustifié de M. Kara-Murza pour avoir manifesté son désaccord avec la guerre injuste en Ukraine est un symbole pour des milliers de prisonniers politiques en Russie et dans le monde.

Après avoir survécu à deux tentatives d’assassinat, M. Kara-Murza purge actuellement une peine de 25 ans en Russie à la suite d’un simulacre de procès qui a eu lieu après son retour courageux dans son pays natal l’année dernière.

Honorables sénateurs, le Parlement du Canada doit être solidaire d’un tel héros et d’un tel ami du Canada. M. Kara-Murza a visité notre Parlement à deux reprises. En 2016, il a témoigné devant le Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international pour exhorter le Sénat à adopter la loi de Sergueï Magnitski, qui porte le nom d’une autre victime du régime de Poutine. Cette loi est entrée en vigueur en 2017.

En 2019, M. Kara-Murza a apporté son aide au Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes, avec l’honorable Irwin Cotler, ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada, dans l’étude sur l’état des droits de la personne en Russie.

L’épouse de Vladimir, Evgenia Kara-Murza, est coordonnatrice des efforts de défense des droits au sein de la Free Russia Foundation. En octobre dernier, elle a offert son soutien au comité de la Chambre que je viens de mentionner, dans le cadre d’une étude sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Elle a dit aux députés que 19 335 personnes ont été détenues de façon arbitraire en Russie depuis février 2022, soit depuis le début de la guerre en Ukraine.

La même semaine, Mme Kara-Murza a été invitée au Sénat. Bon nombre d’entre nous avons eu l’immense honneur de parler avec elle. Cette année, plusieurs sénateurs ont parlé de la situation de Vladimir Kara-Murza dans cette enceinte, y compris le sénateur Boehm, la sénatrice McPhedran et le sénateur Gold.

[Français]

En avril dernier, la ministre des Affaires étrangères, l’honorable Mélanie Joly, a condamné le verdict de culpabilité de Vladimir Kara-Murza. Elle a déclaré ce qui suit, et je cite :

M. Kara Murza est un symbole de la défense courageuse et fondée sur des principes des valeurs démocratiques et des droits de la personne. Les tentatives de la Russie de réduire au silence les personnes de conscience ne font que renforcer la puissance de leur voix.

Au début du mois, la sénatrice Omidvar a coprésidé une conférence de presse avec l’honorable Irwin Cotler et un groupe de parlementaires, dont la sénatrice Miville-Dechêne et moi, pour jeter les bases de cette motion. Si M. Kara-Murza est informé de nos travaux, il doit savoir que ses amis, l’honorable Irwin Cotler, Bill Browder, Brandon Silver et bien d’autres, ont défendu sa cause sans relâche jusqu’à aujourd’hui.

Je veux aussi évoquer une lettre de soutien à cette initiative de la Ligue des droits de la personne, une agence de B’nai Brith Canada. Je cite un extrait de cette lettre :

Kara-Murza représente une lueur d’espoir pour une population de plus en plus opprimée par le régime autoritaire de Valdimir Poutine, qui tente d’écraser toute dissidence tout en poursuivant sa guerre criminelle contre son voisin, l’Ukraine.

Chers collègues, la citoyenneté canadienne honoraire est un honneur rarement conféré par le Parlement, et ce, par le biais d’une motion de la Chambre des communes et du Sénat. Parmi les quelques récipiendaires passés figurent des héros de l’humanité tels que Raoul Wallenberg, Nelson Mandela et Malala Yousafzai.

[Traduction]

Le 8 juin, soit jeudi dernier, le député conservateur Tom Kmiec a obtenu le consentement unanime des députés du Parlement à l’égard d’une motion visant à conférer la citoyenneté honoraire à Vladimir Kara-Murza et à demander à la Fédération de Russie de le libérer.

En adoptant la motion dont nous sommes saisis, le Sénat du Canada se joindra à l’autre endroit pour montrer au monde que le Parlement du Canada défend ses amis et les prisonniers politiques du monde entier. Avec cette motion, exprimons-nous d’une seule voix en faveur de la liberté et de la justice pour Vladimir Kara-Murza. Envoyons un message fort aux dissidents de la tyrannie emprisonnés dans le monde entier : « Au Canada, on ne vous oublie pas. »

L’année dernière, l’épouse de M. Kara-Murza, Evgenia, a reçu le prix des droits de l’homme Václav Havel au nom de son époux. Ce prix lui a été décerné par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Dans une déclaration qu’elle a lue en son nom, M. Kara‑Murza a dédié le prix aux milliers de Russes qui ont exprimé leur opposition à la guerre et qui ont choisi de ne pas demeurer « silencieux face à cette atrocité, même au prix de leur propre liberté ».

Il a ajouté ceci :

Il me tarde [...] qu’une Russie pacifique, démocratique et sans Vladimir Poutine revienne à cette Assemblée et au Conseil de l’Europe, et que nous puissions enfin commencer à bâtir l’Europe unie, libre et pacifique que nous voulons tous. Même aujourd’hui, en cette période des plus sombres, je crois fermement que ce jour arrivera.

Sénateurs, cette motion vise à conférer la citoyenneté canadienne honoraire à l’homme ayant prononcé ces paroles courageuses. Rendons hommage à Vladimir Kara-Murza, un rayon d’espoir dans le ciel de Russie, et soutenons-le dans cette période difficile qu’il traverse. J’invite les sénateurs à adopter cette motion. Merci, meegwetch.

(2310)

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, en tant que coprésidente du groupe omnipartite militant en faveur de Vladimir Kara-Murza, groupe que je préside avec Irwin Cotler, défenseur des droits de la personne, président du Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne et ancien procureur général du Canada, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion du sénateur Dalphond visant à conférer la citoyenneté canadienne honoraire à Vladimir Kara-Murza. Des députés de tous les partis et des sénateurs de tous les groupes font partie de notre groupe. Cela prouve encore une fois que, lorsqu’une cause est puissante, nous pouvons mettre de côté nos divergences politiques pour unir nos efforts afin de faire ce qui s’impose. Merci, sénateur Dalphond, de nous aider à faire ce qu’il s’impose dans cette enceinte.

Vladimir Kara-Murza est un leader de l’opposition, un défenseur des droits de la personne, un ancien journaliste et, maintenant, un prisonnier politique en Russie. Lors d’un simulacre de procès l’année dernière, il a été condamné à 25 ans de prison. C’est la plus longue peine d’emprisonnement jamais imposée à un dissident politique en Russie depuis le règne de Staline. Pensez-y, sénateurs : le régime russe n’avance pas vers la démocratie et le progrès, mais recule, en fait, vers un passé sombre.

Pendant de nombreuses années, Vladimir Kara-Murza a risqué sa vie pour défendre ses idéaux et lutter pour une Russie libre. Proche de feu Boris Nemtsov, un homme politique de l’opposition, il a travaillé sans relâche pour promouvoir les réformes démocratiques en Russie. Il a participé à l’organisation de manifestations et a plaidé en faveur d’un changement politique, s’exposant souvent à des risques importants et à des menaces personnelles. Il a ainsi failli mourir par deux fois d’empoisonnement, en 2015 et en 2017, en raison de ses activités de défense des droits de la personne. Malgré ces obstacles, il continue d’être une voix éminente et forte pour la démocratie et les droits de la personne en Russie.

Honorables sénateurs, comme l’a souligné le sénateur Dalphond, il a joué un rôle clé. En fait, il a été au cœur de la mise en place des sanctions Magnitski, non seulement au Canada, mais aussi dans le reste du monde. Il s’est exprimé à de nombreuses reprises au Parlement sur la nécessité de cette loi et nous a incités à exiger que les responsables étrangers corrompus rendent mieux compte de leurs actes.

En accordant la citoyenneté d’honneur à M. Kara-Murza, nous pouvons attirer l’attention sur lui, sur ses idéaux et son parcours ainsi que sur les 400 autres prisonniers politiques en Russie.

J’espère que nous pouvons tous comprendre qu’en fin de compte, seuls les Russes eux-mêmes libéreront la Russie. Poutine ne craint personne plus que Vladimir Kara-Murza, car il est la voix que les Russes écoutent.

Nous n’avons accordé la citoyenneté honoraire qu’en de rares occasions, comme le sénateur Dalphond l’a fait remarquer. Je pense que nous l’avons accordé à sept personnes en tout. Bien que le Sénat ait révoqué la citoyenneté d’Aung San Suu Kyi, nous avons agi de manière responsable en accordant la plus haute distinction canadienne qui soit — car il ne s’agit pas d’une véritable citoyenneté, mais d’une citoyenneté honoraire — à des personnes qui incarnent nos idéaux à bien des égards. Recevoir cette distinction permettrait également à M. Kara-Murza, dont la santé est très fragile, de savoir qu’il n’est pas seul, qu’on se préoccupe de lui ailleurs dans le monde, et que ses actes et son courage ne sont pas vains.

Pour conclure, je citerai Vladimir Kara-Murza lui-même : « La nuit, comme vous le savez, est plus sombre avant l’aube. » En lui accordant la citoyenneté honoraire, je crois que nous pourrons lui apporter, ainsi qu’à ses confrères incarcérés, cette promesse de l’aube en ces temps sombres — pour lui, pour sa famille, et pour les citoyens opprimés par le régime russe. Chers collègues, je vous remercie.

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, je prends brièvement la parole pour appuyer cette motion qui accorde la citoyenneté honoraire canadienne à Vladimir Kara-Murza.

Il s’agit, bien sûr, d’un geste symbolique. Comme femme pragmatique et ancienne journaliste, je ne peux faire autrement que de m’interroger sur les initiatives du genre, qui sont souvent sans lendemain. J’ai donc réfléchi au sens de cette motion et à la valeur de mon appui.

Je vois deux réponses.

La première est une volonté de publiciser la cause de Vladimir Kara-Murza, de contribuer à sa visibilité, de faire connaître son courage, de dénoncer l’injustice dont il est victime, d’accroître ses appuis et de ne pas permettre, dans la mesure du possible, qu’il tombe dans l’oubli et que ses tortionnaires s’en tirent en toute impunité. Vladimir Kara-Murza a la double nationalité russe et britannique; peut-être que notre voix peut inspirer d’autres parlementaires à Londres.

Democracy dies in darkness, comme le dit le Washington Post.

Malheureusement, il fait déjà très noir en Russie. Cette motion est une tentative, modeste, mais légitime, visant à apporter un peu de lumière et à inscrire — ne serait-ce que dans les livres d’histoire — que le combat de cet homme politique, qui est d’abord journaliste, est juste.

L’autre utilité de cette motion concerne moins Vladimir Kara-Murza que nous-mêmes. Le récit de sa résistance à l’intimidation, de son courage infaillible face à ceux qui ont voulu le faire taire, de sa détermination sans limites à se battre pour la vérité et l’intérêt public et de son indépendance sauvage face au pouvoir, aux intérêts économiques et à la propagande ambiante devrait nous inspirer.

Il va sans dire que notre situation de législateurs confortables, vivant dans une société paisible et sécuritaire, n’a rien à voir avec celle de Vladimir Kara-Murza. Nos défis et nos tribulations sont bien modestes, comparativement à son péril. On peut néanmoins espérer que l’héroïsme de Vladimir Kara-Murza nous inspire. Les vertus de courage et de détermination dans la recherche de la vérité ne devraient pas être réservées uniquement aux dissidents russes. Ici aussi, les sirènes du pouvoir et les intérêts particuliers peuvent compromettre notre indépendance et notre engagement authentique envers l’intérêt public.

La valeur exemplaire de Vladimir Kara-Murza dépasse la Russie. La motion d’aujourd’hui, en plus d’attirer l’attention des Canadiens sur son sort, devrait nous rappeler que son combat devrait aussi être le nôtre. J’aimerais, en terminant, citer la fin du plaidoyer de ce héros russe devant un tribunal fantoche, celui-là même qui l’a condamné à 25 ans de prison.

[Traduction]

Ce jour viendra aussi inévitablement que le printemps après l’hiver le plus froid. Notre société ouvrira alors les yeux et sera horrifiée par les crimes terribles qui ont été commis en son nom. C’est à partir de cette prise de conscience, de cette réflexion, que s’ouvrira le long, difficile mais vital chemin vers le redressement et la restauration de la Russie, vers son retour dans la communauté des pays civilisés.

Aujourd’hui encore, même dans l’obscurité qui nous entoure, même assis dans cette cage, j’aime mon pays et je crois en notre peuple. Je crois que nous pouvons suivre ce chemin.

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, compte tenu de l’heure tardive, je n’ajouterai pas grand-chose à part le fait que j’appuie totalement cette motion. Elle a bien entendu été portée à mon attention par le parlementaire remarquable qu’était l’honorable Irwin Cotler. D’autres sénateurs ont parlé avec une grande éloquence de ce sujet, que j’appuie de tout cœur. Il est important que les parlementaires se portent à la défense des droits de la personne de toutes les manières possibles, et c’est une manière très concrète de le faire. Merci.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je suis également très fier et heureux de prendre la parole et d’appuyer personnellement et au nom du caucus conservateur cette initiative du sénateur Dalphond. Je suis très heureux de constater que nous avons un regain d’enthousiasme pour les droits de la personne au Sénat du Canada, et ce, en toute collégialité. Je suis heureux de travailler avec les sénateurs Dalphond, Omidvar et Miville-Dechêne, ainsi qu’avec tous ceux qui reconnaissent évidemment le sort de Vladimir Kara-Murza.

Nous savons tous qu’il est un homme politique, un journaliste, un défenseur de la démocratie et de la liberté, qu’il a reçu le Civil Courage Prize, qu’il est membre du Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne et qu’il a été reconnu par Amnistie internationale pour son travail de défense des droits de la personne et de lutte contre l’autoritarisme, mais plus important encore, c’est un fils, un mari et un père. Au bout du compte, il est en prison et sa vie a été mise en danger, car il a fait l’objet de deux tentatives d’assassinat pour le simple fait d’avoir fait ce que nous devrions faire et ce que nous faisons régulièrement ici : prendre la parole et remettre en question un gouvernement lorsqu’il dépasse les bornes, remettre en question les politiques publiques dans une démocratie, critiquer son gouvernement, remettre en question une guerre scandaleuse, une crise contre l’humanité avec ce qui se passe en Ukraine à cause de ce que fait ce régime brutal et tyrannique.

(2320)

Évidemment, nous offrons notre soutien en reconnaissant et en soulignant les difficultés que vit Vladimir Kara-Murza. Ce serait un honneur pour le Canada de décerner le titre de citoyen canadien honoraire à ce gentleman.

Notre démarche est noble — et bien entendu, la Chambre des communes y travaille également depuis des mois —, mais je me demande pourquoi c’est si long. J’applaudis les efforts d’Irwin Cotler, excellent ex-parlementaire et défenseur des droits de la personne, ainsi que de Bill Browder. Toutefois, leur intervention n’aurait pas dû être nécessaire pour pousser le gouvernement à faire ce qu’il aurait dû faire il y a des mois. L’excellent parlementaire qui s’est battu pour ses principes ici est le député Tom Kmiec, qui a proposé cette motion à la Chambre des communes au début avril. Il l’a proposée avec l’appui du député James Bezan, car, chers collègues, comme je l’ai déjà dit, les droits de la personne ne devraient pas être une question partisane. Ils devraient constituer une valeur fondamentale et un principe de la société canadienne. Nous devons toujours défendre la liberté, la démocratie, la primauté du droit et les droits de la personne, car ces valeurs définissent le Canada.

La situation n’a jamais été plus précaire pour la démocratie qu’en 2023. Les régimes démocratiques sont contestés partout dans le monde, et, bien souvent, nous restons les bras croisés à notre propre péril et par notre faute parce que nous avons adopté une approche quelque peu transactionnelle en ce qui concerne nos valeurs. Il fut une époque où des Canadiens mourraient sur les côtes de l’Europe au nom de la liberté, mais, aujourd’hui, nous sommes prêts à vendre des drones à un pays qui tue des gens en Artsakh ou qui bloque des corridors à Latchin en empêchant l’acheminement de nourriture et de médicaments vers des populations. Nous permettons à des gouvernements, encore une fois pour des raisons transactionnelles, de s’abstenir de voter pour reconnaître la situation du peuple ouïghour. Nous sommes prêts à fermer les yeux sur toutes ces personnes qui sont en prison et toutes celles qui luttent pour la démocratie à Cuba parce que, vous savez, quelques compagnies du Canada envoient des avions remplis de Canadiens pour se prélasser sur les plages à faible coût. Lorsque nous faisons de telles choses pour quelques millions de dollars ou quelques centaines de millions de dollars, nous sacrifions l’identité de notre nation.

Lorsque Tom Kmiec et James Bezan présentent une motion à un comité de la Chambre des communes pour offrir la citoyenneté honoraire à Vladimir Kara-Murza, motion qui a l’appui des conservateurs, du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois, le pouvoir exécutif devrait y donner suite automatiquement. Il ne devrait pas la modifier, honorables collègues, mais c’est ce qu’il a fait, en avril, en proposant essentiellement qu’on lance un message de condamnation et de solidarité. Pourquoi reculer ainsi à l’égard d’une motion qui va de soi? C’est une proposition qui va de soi pour tous les sénateurs. Pourquoi le gouvernement se montre-t-il aussi hésitant? Pourquoi hésite-t-il à dénoncer cette situation, surtout après tous nos efforts pour soutenir la cause de l’Ukraine?

Il a fallu attendre trois mois. Il a fallu qu’Irwin Cotler et Bill Browder interviennent en disant au gouvernement que ce n’est pas un enjeu partisan, que c’est une question d’humanité et de droits de la personne.

Je les félicite de cette intervention, mais nous devons rester vigilants et nous demander pourquoi on accorde plus d’importance à la situation de Vladimir Kara-Murza qu’à celle des Ouïghours. Je rappelle aux sénateurs que le Sénat a voté contre une motion visant à reconnaître que les Ouïghours sont victimes d’un génocide.

Nous avons également le pouvoir exécutif du gouvernement qui ignore les motions de la Chambre des communes demandant au gouvernement d’inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des groupes terroristes. Une fois de plus, dans ce nouvel enthousiasme à soutenir les droits de la personne, la sénatrice Omidvar a présenté la semaine dernière, au nom du Sénat, une motion fantastique demandant l’inscription du Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des groupes terroristes. Nous avons soutenu cette motion à l’unanimité, mais pas le gouvernement, n’est-ce pas? Il y avait de la dissidence au gouvernement, qui n’a pas appuyé la motion.

Les sénateurs Dalphond et Omidvar, l’ancien ministre Cotler et Bill Browder vont-ils demander au leader du gouvernement au Sénat de prendre la parole pour appuyer à l’unanimité cette demande légitime pour que Vladimir Kara-Murza obtienne la citoyenneté honoraire? En fin de compte, le Parlement exprime la volonté du peuple, en particulier la Chambre des communes où les députés sont élus. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et respecter la volonté du peuple. Ainsi, peu importe la motion, comme nous l’avons vu à maintes reprises, avec la volonté du Parlement, peu importe si nous demandons l’inscription du Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des groupes terroristes ou que nous reconnaissons que ce qui se passe avec les Ouïghours est un génocide, ou s’il s’agit d’une simple motion réclamant une enquête publique, ces motions obtiennent le soutien de la majorité à la Chambre des communes, mais le gouvernement dit : « Rien ne nous oblige à honorer cette motion. »

Cela remet en question, sénateur Dalphond, toutes ces motions. Pourquoi faisons-nous tout cela? Nous ne le faisons pas simplement pour être une chambre d’écho ou pour publier un communiqué disant : « Regardez comme nous sommes nobles. » C’est très bien. La noblesse est une chose fantastique, mais si elle n’est pas accompagnée de mesures et d’un soutien tangible de la part de la Couronne, de notre pouvoir exécutif, tout cela est vain. En fin de compte, lorsque nous présentons des motions comme celle-ci, si nous n’avons pas la certitude qu’elles seront suivies par des gestes... Nous avons maintenant une motion concrète de M. Kmiec qui a été soutenue à l’unanimité il y a quelques jours à la Chambre des communes. J’espère qu’elle sera soutenue à l’unanimité, et non avec dissidence, au Sénat. On ne peut pas demander un appel à l’action plus unanime au Parlement. J’espère que le gouvernement agira rapidement.

Chers collègues, ce n’est pas la première fois que des gouvernements interviennent pour décerner une citoyenneté honoraire à de grands défenseurs des droits de la personne. Cela s’est déjà produit. Cela ne s’est peut-être pas produit au cours des huit dernières années, mais cela s’est déjà produit. Ce fut le cas en 2014, quand Malala Yousafzai a reçu la citoyenneté honoraire; l’Aga Khan a reçu la citoyenneté honoraire en 2010; le dalaï-lama, en 2006; Nelson Mandela, en 2001, et nul autre que Raoul Wallenberg l’a reçue en 1985.

J’espère que cette motion sera adoptée à l’unanimité et que ce regain d’enthousiasme pour les droits de la personne n’est pas un phénomène isolé. En outre, j’espère que, en ce qui concerne les droits de la personne, nous mettrons de côté notre politique partisane et nous travaillerons à l’unisson.

La semaine dernière, Benedict Rogers, directeur général de Hong Kong Watch, m’a demandé : « Que fait votre pays en matière d’ingérence étrangère? » Soit dit en passant, chers collègues, la Russie est l’un des principaux coupables en matière d’ingérence étrangère. C’est l’un des principaux coupables derrière les cyberattaques lancées contre notre pays pour ce qui est de la manipulation des médias sociaux. À l’heure actuelle, nous savons que des oligarques dirigent des exploitations minières dans ma province, le Québec, et notre ministre des Affaires étrangères n’a pas encore pris de mesures pour faire cesser leurs activités. Cette affaire a fait la une des journaux il y a quelques mois. Nous avons posé des questions à ce sujet à la Chambre. J’aimerais que le gouvernement prenne des mesures concrètes contre le régime russe, qu’il mette en place les sanctions au titre de la loi de Magnitski et qu’il accorde la citoyenneté honoraire à des personnes méritantes comme Vladimir Kara-Murza, mais qu’il aille plus loin et qu’il interdise à tous les oligarques d’entrer au Canada et de se servir de notre pays comme d’un guichet automatique.

Ce que j’essaie de dire, c’est que lors de son passage ici la semaine dernière, Benedict Rogers a dit : « Ottawa est le seul endroit où des enjeux comme le génocide des Ouïghours et l’ingérence étrangère sont des enjeux partisans. Pourquoi? À Washington, à Londres, à Paris, en Australie et dans toutes les autres démocraties occidentales, les gens cherchent à régler la question de l’ingérence étrangère et à déterminer comment les démocraties occidentales pourraient devenir, une fois de plus et de façon tangible, des défenseurs des droits de la personne, au lieu d’avoir une politique étrangère transactionnelle. » Il a dit : « Le seul endroit où je suis allé où cela semble être un enjeu partisan. » Je n’ai rien pu répondre, car il n’y a aucune explication. Je ne pourrais vraiment pas affirmer sérieusement que le gouvernement du Canada, peu importe le parti au pouvoir, est favorable aux régimes autoritaires. Il m’apparaît évident soit que les gouvernements tentent d’avoir une approche transactionnelle et de faire passer les intérêts économiques avant les droits de la personne, soit qu’ils sont incompétents ou ambivalents. Dans un cas comme dans l’autre, cela ne peut pas continuer.

Chers collègues, je sais que j’ai parlé un peu trop longtemps, étant donné l’heure, mais il s’agit d’un enjeu qui me tient à cœur et qui a aussi, je crois, de l’importance pour Vladimir Kara-Murza et pour tous les prisonniers politiques de notre pays. Qu’ils soient en Turquie, en Chine, en Russie ou en Iran, nous avons l’obligation de défendre ce qui est juste et bien. Merci.

(2330)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 23 h 30, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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